Pourquoi jeter son masque de protection par terre est-il dangereux et polluant ?
Même s’il peuvent en avoir l’air, les masques de protection à usage unique ne sont pas fait en papier mais en plastique. Les abandonner à même le sol dans la nature est dangereux pour les agents qui collectent les déchets, les passants et l'environnement.
En France, depuis le début du déconfinement, une nouvelle source de pollution a fait son apparition, celle des masques de protection usagés. Ils jonchent les trottoirs, remplissent les caniveaux, sont jetés au hasard dans les poubelles, se retrouvent sur les plages et même dans les forêts. Ces incivilités représentent un vrai danger de contamination et polluent l’environnement. On vous explique pourquoi.
Parce que c'est un objet à haut risque infectieux
"Cette crise est en train d'amener des déchets supplémentaires", déplore Antidia Citores, porte-parole de l’ONG Surfrider sur franceinfo. "Le plastique est souvent aussi un support de ces virus", s’inquiète-t-elle. En effet, selon une étude publiée dans la revue The Lancet début avril, des traces du virus peuvent être décelées pendant au moins sept jours sur la surface extérieure d'un masque de protection et jusqu'à quatre jours sur la surface intérieure.
Les premiers à en faire les frais sont les agents de collecte de déchets et les balayeurs. À Paris, “mes collègues ramassent des masques toute la journée”, avait déclaré Régis Vieceli, secrétaire départemental de la CGT à la FTDNEEA, la Filière Traitement Déchets Nettoiement Eau Égouts Assainissement, à France Bleu Paris. Jeudi 14 mai, sur leur compte Twitter, les "Éboueurs de Paris" ont dénoncé ces actes d’incivisme en postant plusieurs photos de masques jetés par terre voire accrochés sur des poteaux : “Nous devrions leur distribuer des balais. Ils ne méritent pas de masques ces gens”, ont-ils commenté.
Nous devions leurs distribuer des balais, ils ne méritent pas des masques ces gens. pic.twitter.com/Xq8VDshOrC
— Éboueurs de Paris (@eboueursdeparis) May 14, 2020
Pour éviter de contaminer les autres et de polluer l’environnement, le ministère de l’Ecologie donne quelques consignes à suivre pour se débarrasser des masques, mouchoirs, gants et autres lingettes. Ces déchets doivent d’abord être jetés dans un sac poubelle “dédié et résistant disposant d’un système de fermeture fonctionnel”. Ensuite, lorsque le sac est rempli, “il doit être soigneusement refermé puis conservé 24 heures”. Ce sac doit ensuite être jeté dans la poubelle pour ordures ménagères “non recyclables” (la poubelle grise). Le ministère de l’Ecologie précise que ces déchets “ne doivent en aucun cas être mis dans la poubelle des déchets recyclables”, c’est à dire la poubelle jaune, ni “dans le compost ou dans la nature, même si vous n’êtes pas malade.”
Parce qu’ils mettent 450 ans à se biodégrader et perturbent les systèmes d’assainissement des eaux usées
Au même titre qu’une serviette, tampon hygiénique ou qu’un sac plastique, un masque chirurgical met jusqu’à 450 ans à se désagréger dans la nature, selon l’Association de défense d'éducation et d'information du consommateur (Adeic). Même s’il peut en avoir l’air, un masque chirurgical n’est pas fait en papier mais en plastique. La matière qui le compose principalement est le polypropylène “non tissé”, un dérivé du pétrole. Rangé dans la famille des matières thermoplastiques, on le retrouve souvent dans les couches jetables, les serviettes hygiéniques, les housses, dans certains sacs ou encore dans les nappes. A cela s’ajoute aussi l’acier issu des barrettes nasales dont certains masques sont dotés et les élastiques qui sont aussi polluants.
Lorsqu’ils se retrouvent dans les caniveaux, les masques jetables perturbent aussi le traitement des eaux usées, alerte le Centre d’Information sur l’Eau dans un communiqué. Les masques “négligemment jetés dans les caniveaux finissent par boucher les tuyaux des réseaux d’assainissement et entraver le bon fonctionnement des stations d’épuration”, est-il expliqué. “L’accumulation de ces déchets d’un nouveau genre nécessite de nombreuses interventions, évitables, pour déboucher les canalisations obstruées et rétablir la performance optimale des installations de traitement des eaux usées.”
Parce qu’ils ne sont pas recyclables pour l’instant
Pour le moment les masques chirurgicaux ne sont pas recyclables. Il existe un circuit organisé dans le milieu hospitalier par exemple qui dirige ces déchets vers l’incinération et sépare les Déchets d’Activités de Soins à Risques Infectieux (DASRI) des Déchets Assimilables aux Ordures Ménagères (DAOM). “La gestion des DASRI est une activité spécifique nécessitant des équipements particuliers, des formations particulières, des circuits dédiés, une désinfection des bacs etc”, explique le ministère de l’Ecologie à franceinfo. Mais du côté du grand public “ces filières ne sont pas organisées", avait reconnu Agnès Panier-Runacher, la secrétaire d’Etat à l’Economie, fin avril.
Contacté par franceinfo, le ministère de l’Ecologie a confié que l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) ainsi que les services du ministère de la Santé étaient en train d’y travailler et que “plusieurs techniques sont en cours d’évaluation comme la stérilisation par oxyde d’éthylène, la décontamination au peroxyde d’hydrogène, l’irradiation par des rayons gamma ou bêta etc”. Ces travaux ouvriront "la voie à la mise en place de recyclage, au moins pour les gros utilisateurs de masques (établissements de santé, grandes entreprises)”, a-t-il ajouté.
En attendant, plusieurs études sont déjà en cours un peu partout dans le monde pour recycler les masques sanitaires (chirurgicaux et FFP2). En France, un consortium d’une vingtaine d’équipes formé par le CNRS et le CEA (Commissariat à l’énergie atomique) sont en train de plancher sur le sujet. Le défi ? Réussir à éliminer la menace virale présente sur la protection tout en préservant son efficacité. Les premiers résultats, notamment avec l’autoclave (stérilisation par la vapeur) et les rayons gamma et bêta (traitement par irradiation), s’annoncent prometteurs mais ils doivent être “à ce stade considérés comme des recommandations, que seules les autorités compétentes pourront faire”, a mis en garde le professeur Philippe Cinquin dans une interview au Journal du CRNS. Pour l’instant “le consortium a consolidé certains résultats. On va maintenant lancer les tests en condition réelle avec des porteurs volontaires”, a expliqué à franceinfo Laurence Le Coq, directrice de recherche à l’IMT Atlantique, école d’ingénieurs qui fait partie du consortium.
Des chercheurs essayent aussi de créer des masques biodégradables. En Australie par exemple des chercheurs de l’université Queensland Technological University ont développé un modèle de masque en nanocellulose fabriqué à partir de résidu de canne à sucre.
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