Cet article date de plus de quatre ans.

Quatre questions sur la levée de l'interdiction de réunion dans les lieux de culte, ordonnée par le Conseil d'Etat

Le Conseil d'Etat a publié lundi soir une ordonnance pour demander au gouvernement d'autoriser les rassemblements dans les lieux de culte, interdits même après le début du déconfinement, le 11 mai. 

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Une messe à Carolei, en Italie, le 18 mai 2020.  (Andrea Pirri / NurPhoto / NurPhoto via AFP)

Quelle que soit la religion qu'ils pratiquent, les fidèles français n'ont pas pu se rassembler dans les lieux de culte depuis le début du confinement, le 17 mars, à l'exception de la tenue de funérailles, dans une limite de 20 personnes. Mais alors que la France se déconfine peu à peu depuis le lundi 11 mai, le Conseil d'Etat a ordonné au gouvernement, lundi 18 mai, de lever l'interdiction "générale et absolue" de réunion dans ces lieux de culte. Voici ce que cela signifie. 

>> Suivez notre direct sur la pandémie de Covid-19 et les mesures de déconfinement

1Sur quelle décision revient le Conseil d'Etat ?

A l'heure du début du déconfinement, le 11 mai, le Premier ministre a pris un nouveau décret définissant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. Mais alors que de nombreux lieux publics voient les restrictions dont ils faisaient l'objet assouplies par ce nouveau texte, les lieux de culte, eux, sont contraints de respecter des règles à peu près similaires à celles adoptées pendant la durée du confinement. A savoir, si les lieux de cultes sont ouverts, tout rassemblement ou réunion au sein de ces établissements est interdit, toujours à l’exception des cérémonies funéraires, limitées à 20 personnes.

De quoi provoquer la colère de certaines organisations religieuses, à l'origine de la saisine du Conseil d'Etat. Parmi elles figurent des organisations traditionalistes ou identitaires du catholicisme, telles que Civitas, l'Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française (Agrif), la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre ou encore la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X, dont un prêtre avait été verbalisé le 11 avril pour avoir célébré une veillée pascale en l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet à Paris, refusant de respecter la loi en vigueur pendant le confinement. Selon Le Monde, les requérants ont ainsi plaidé devant le Conseil d'Etat une inégalité de traitement, alors qu'il "serait sanitairement admissible de remettre en route les transports en commun, avec la promiscuité qui leur est inhérente, les écoles, les bibliothèques ou les commerces non alimentaires, mais pas les célébrations religieuses."

Lundi, la plus haute juridiction administrative a donc estimé dans une ordonnance que cette interdiction "générale et absolue" de réunion dans les lieux de culte portait "une atteinte grave et manifestement illégale" à la liberté de culte. Evoquant le "caractère disproportionné" de cette interdiction, il a ordonné au gouvernement de la lever dans "un délai de huit jours", validant l'analyse des requérants selon laquelle "le droit de participer collectivement à des cérémonies est une composante de la liberté de culte", rapporte La Croix. 

2Comment respecter la distanciation physique à l'occasion de rassemblements religieux ?

Dans son ordonnance, le juge des référés observe en effet que "des mesures d'encadrement moins strictes" peuvent être prises, à l'image de "la tolérance des rassemblements de moins de 10 personnes dans d'autres lieux ouverts au public", admise dans ce même décret daté du 11 mai. Ainsi, cette reprise des cérémonies religieuses se fera sous certaines conditions. Dans les églises, "il y a des questions un peu techniques mais les prières ensemble vont vraisemblablement pouvoir reprendre, au moins pour 10 personnes", se réjouit l'archevêque de Rouen, Monseigneur Lebrun, au micro de franceinfo. Pour respecter la distance physique, "la première des choses", il y aura "soit quatre mètres carrés par personne, soit une proportion avec des églises remplies au tiers" et "des gestes réduits au minimum". Sur le port des masques, l'archevêque estime qu'il ne sera pas nécessaire pendant la messe : "Moi, quand je célèbre la messe, je suis à dix mètres du premier fidèle". Mais une visière pourra être utile pour la communion, par exemple. A l'église Notre-Dame-de-la-Croix, à Paris, le prêtre a célébré une messe "privée" et "sur réservation", devant neuf fidèles, a rapporté France 3 Ile-de-France

Le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Mohammed Moussaoui, estime quant à lui que l'heure n'est pas encore au retour à la normale : "Nous avons décidé de reprendre de façon progressive pour permettre de mieux maîtriser les effectifs et les gestes barrières et permettre aux fidèles de reprendre petit à petit leurs activités au sein des mosquées", a-t-il expliqué à franceinfo. Cette ordonnance permet en effet "des petites réunions, mais pas des cérémonies religieuses", avait-il déclaré à l'AFP. Ainsi, il ne prévoit pas de rassemblement de population pour célébrer la fin du ramadan dans quelques jours, mais des adaptations. Lors de la prière, "on est les uns à côté des autres", expliquait fin avril à France 3 Bourgogne Franche-Comté Mostafa Kerkri, président du Conseil régional du culte musulman. "S'il y a ouverture sous conditions, on va espacer les places des fidèles d'une ou deux places selon les critères."

Même prudence du côté des instances du judaïsme en France, où le grand rabbin de France, Haïm Korsia, rappelle que "l'impératif reste le même, celui de protéger la vie. On analysera seulement quand on aura des certitudes sanitaires. Et pour cela, il faut attendre encore un peu pour juger des effets du déconfinement". "Nous souhaitons que la décision reste dans les mains du politique car il y a des enjeux sanitaires majeurs", a pour sa part affirmé François Clavairoly, pour la Fédération protestante de France. Quant au CNEF (évangéliques) "quelle que soit la date", il appelle "ses membres à respecter les consignes et recommandations appropriées".

3Quid des événements religieux à venir ?

Le Monde rappelle que Christophe Castaner évoque une reprise des cultes "d'ici la fin du mois", sans plus de précisions. L'épiscopat a fait ces dernières semaines au Premier ministre plusieurs propositions de déconfinement comportant des protocoles sanitaires stricts dans les églises, plaidant pour une reprise des offices religieux – en petit comité – notamment à la Pentecôte, le 31 mai. 

En revanche, dans les mosquées, fermées depuis le début du confinement, les prières collectives nocturnes du ramadan, qui s'achève cette semaine, ne peuvent avoir lieu. Car la fête de l'Aïd, qui clôture le mois sacré, est prévue pour le 24 mai. Début mai, le nouveau recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, s'était indigné que le gouvernement puisse envisager une autorisation de rassemblement dans les lieux de culte dès le 29 mai, pour permettre l'organisation de cérémonies religieuses liées aux fêtes juive et chrétienne de la Pentecôte, soit une semaine seulement après avoir refusé ce même droit aux musulmans, explique Le Figaro.

Quoi qu'il en soit, la limitation à 10 personnes maximum empêche naturellement la célébration de grands événements, comme de simples messes ou autres prières collectives, dans les conditions normales. 

4Quid des cérémonies religieuses tenues hors des lieux de culte ?

Le 11 mai, le Conseil constitutionnel avait affirmé que les célébrations organisées dans des "locaux à usage d'habitation" ne pouvaient être interditesrappelle Le Monde. "Rien n'interdit dès aujourd'hui à un particulier d'organiser chez lui une messe ou un mariage avec autant de personnes qu'il le souhaite", poursuit le quotidien. Lors de l'audition du 15 mai devant le Conseil d'Etat, Pascale Leglise, la représentante du ministère de l'intérieur, avait ailleurs souligné que "des offices pouvaient se dérouler dans des locaux privés – habitations, jardins… –, dans le respect des règles de distanciation et des gestes barrières", avait écrit La Croix.

Et le quotidien de rappeler que cela pose notamment la question de la "difficile mise en place de ces célébrations privées" "et l'impossibilité, pour l'Etat, de les réglementer". "Favoriser le culte en appartement, en lieu privé, ce ne sera pas une bonne chose. Un fidèle doit pouvoir trouver une paroisse, même s'il ne connaît personne… On n'entre pas dans une église comme dans une boîte de nuit, avec une liste", avait alors objecté Me Bertrand Périer, avocat au Conseil d'Etat, toujours cité par le quotidien. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.