: Vrai ou faux Covid-19 : faut-il vacciner les jeunes en premier plutôt que les personnes âgées ?
C'est ce que suggère l'ancienne ministre Ségolène Royal. Une proposition qui va à rebours des recommandations internationales pour favoriser la vaccination des plus âgés et qui repose sur une inconnue du vaccin de Pfizer-BioNTech.
Priorité aux "jeunes" ? Alors qu'au 11 janvier, plus de 138 000 personnes ont reçu la première injection du vaccin de Pfizer-BioNTech contre le coronavirus, Ségolène Royal s'est démarquée en demandant un changement de la stratégie vaccinale. Actuellement, l'effort se concentre sur les résidents en Ehpad et les personnes âgées de plus de 75 ans vont pouvoir bénéficier de la vaccination dès le 18 janvier. Mais l'ancienne candidate socialiste à la présidentielle souhaite laisser les jeunes en bénéficier d'abord. "Commençons par faire vacciner les jeunes. La priorité doit être aux jeunes, y compris pour les vaccins", a-t-elle demandé sur BFMTV, en insistant sur l'importance pour les jeunes de "se reconstruire" et de "retrouver des opportunités d'être ensemble". Alors faudrait-il vacciner les jeunes en premier ?
Privilégier ceux que le virus pourrait tuer
Pour orienter sa campagne de vaccination, le ministère de la Santé s'est fixée un objectif principal : "Faire baisser le nombre des formes graves de Covid-19." Les premières injections du vaccin de Pfizer et BioNTech ont donc été réalisées en priorité vers les Ehpad et les services de longs séjours dont les résidents "cumulent" les "facteurs de risque d’infection et de mortalité en raison de leur âge élevé, de leurs comorbidités mais également de la promiscuité de leur condition d’hébergement", argumentait en novembre la Haute Autorité de santé dans ses recommandations (PDF). Les plus de 18 ans, qui ne présentent pas de risques particuliers face au virus, ne devraient quant à eux n'en bénéficier que durant la dernière phase de la campagne de vaccination à partir du printemps 2021 mais sans être prioritaires.
Un avis en résonance avec les conseils du Groupe consultatif technique européen d'experts en matière de vaccination de l'Organisation mondiale de la santé qui, en novembre, recommandait lui aussi de vacciner "en premier lieu" les plus de 60 ans. L'idée ? "Maximiser l'impact des vaccins disponibles en vue de limiter la morbidité grave et la mortalité" avant de passer "à des catégories d'âge plus jeunes". Une décision qui fait écho aux modélisations d'une équipe de chercheurs de l'University of Colorado Boulder au sein d'une prépublication* qui avaient abouti aux mêmes résultats, rapporte Scientific American*.
Une stratégie dictée par un stock limité
Mais au-delà des formes graves de la maladie, c'est la quantité de doses disponibles qui inquiète. Les recommandations de l'OMS avaient d'ailleurs contraint la vaccination des moins de 60 ans "à mesure qu'un approvisionnement suffisant en doses de vaccin pourra être assuré."
"Pourquoi est-ce qu'on priorise ? Parce qu'on sait qu'on [n'a pas assez de doses] pour tout le monde", a expliqué à franceinfo la présidente de la Haute Autorité de santé, Dominique Le Guludec, mardi 12 janvier. "Si on vaccine 8 millions de personnes avant l'été, ce qu'a dit Monsieur Véran, ce n'est que 8 millions de personnes. En France [...] on a 16 millions de fragiles", rappelle Dominique Le Guludec, qui remarque que pour atteindre une "immunité collective", dont elle place le seuil à "60%", il faudra donc "un peu de temps".
C'est pourtant cet objectif que vise l'Indonésie, armée du vaccin chinois Sinovac Biotech : faute de disposer de "données" sur la sécurité des injections pour les personnes âgées, Jakarta a préféré se concentrer sur les 18-59 ans, "plus actifs et exposés", espérant vacciner "67%" d'entre eux et atteindre un niveau d'immunité collective face au coronavirus, rapporte Bloomberg*. Une décision à rebours des recommandations internationales sur la vaccination des personnes âgées, que le professeur de gouvernance sanitaire Nicholas Thomas, de la City University de Honk Kong, juge liée à "un besoin urgent de redémarrer l'économie", rapporte Fortune*."
Quid de la contagiosité des vaccinés ?
Ces derniers jours, le taux de positivité des tests des plus jeunes a bondi : 10% des tests réalisés par les 10-19 ans étaient revenus positifs durant la première semaine de janvier, rapporte Le Parisien. Faut-il pour autant revoir la stratégie de vaccination ? Non, selon la présidente de la Haute Autorité de santé : "Ces enfants, ces jeunes, ne vont pas aller à l'hôpital, ne vont pas saturer le système de santé", expose Dominique Le Guludec.
"Il faut garder la priorité des gens vulnérables, parce que c'est ceux-là qui vont à l'hôpital et qui meurent."
Dominique Le Guludecà franceinfo
Quant à vacciner les plus jeunes pour protéger leurs parents et proches plus âgés, Dominique Le Guludec est catégorique : "On ne sait pas du tout aujourd'hui si le vaccin empêche de transmettre le virus. Donc vous allez les vacciner et si ça se trouve ils seront toujours autant transmetteurs. Donc ça ne sert à rien. Il faut vacciner ceux qui sont la cible, ceux à qui ils peuvent le donner et qui ont un risque de forme sévère."
Le 28 décembre, le professeur Patrick Berche confiait déjà son espoir de voir le vaccin de Pfizer et BioNTech stopper la contagiosité : "Si le vaccin stoppe la contagiosité, et bien, la crise sera finie. On arrête la circulation du virus et c'est terminé", résumait ce membre de l'Académie de médecine à franceinfo. De son côté, le vaccin du laboratoire Moderna arrivé lundi 11 janvier en France présente de premiers résultats encourageants sur la transmission du virus.
* Les articles signalés par un astérisque sont en anglais.
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