: Vrai ou faux Vaccin contre le Covid-19 : la France peut-elle atteindre l'immunité collective dans le courant de l'été ?
Pour y parvenir, il faut vacciner environ "77%-80%" de l'ensemble de la population française, adultes et enfants compris. "Ce n'est pas sûr que l'on puisse y arriver", a prévenu Alain Fischer, président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale anti-Covid.
Quand la France en aura-t-elle fini avec la pandémie de Covid-19 ? Si le ministre de la Santé, Olivier Véran, a évoqué, mardi 4 mai, l'espoir de pouvoir retirer les masques en extérieur dès cet été, le retour "à la vie d'avant" est souvent lié au fait d'atteindre une immunité collective, c'est-à-dire le principe par lequel on peut enrayer la propagation d'une maladie contagieuse dans une population, à partir du moment où une large majorité d'entre elle est immunisée.
"Les Français ont dans leurs mains la possibilité d'arriver à cette immunité collective fin août s'ils acceptent la vaccination", affirmait la professeure Odile Launay, membre du Comité scientifique sur les vaccins Covid-19, lundi, sur Radio Classique. Cette échéance est-elle tenable ? Franceinfo détaille les conditions et les obstacles qui se dressent sur le chemin.
Il faut vacciner au moins 75% de la population française
Depuis le début de la pandémie, le chiffre a évolué. Selon les premiers calculs réalisés en 2020, il faut que 70% de la population soit vaccinée pour atteindre l'immunité de groupe. Cette "fourchette haute", pour une couverture à l'échelle nationale, correspondait surtout aux zones densément peuplées, comme la région parisienne, relève auprès de franceinfo Samuel Alizon, directeur de recherches au CNRS. Mais cette estimation a changé avec l'évolution du virus et la propagation des différents variants, plus contagieux que la souche initiale. Il faudrait désormais vacciner environ "77%-80%" de la population, note ce spécialiste de la modélisation des maladies infectieuses.
Alain Fischer, président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale anti-Covid-19, n'a pas caché ses réserves quant à la possibilité de parvenir à une telle couverture dans le courant de l'été, lundi, sur France Culture.
"Ce n'est pas sûr que l'on puisse y arriver, parce que c'est 75% des 67 millions de Français, c'est-à-dire adultes et enfants compris."
Alin Fischer, président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale anti-Covid-19sur France Culture
L'Institut Pasteur a estimé, en avril, qu'"il faudrait que plus de 90% des adultes soient vaccinés pour qu’un relâchement complet des mesures de contrôle soit envisageable". Il ajoute que "ces niveaux élevés s’expliquent par le fait que si seuls les adultes sont vaccinés, une épidémie importante est malgré tout attendue chez les enfants, contribuant à l’infection des parents et des grands-parents non protégés".
La vaccination contre le Covid-19, qui n'était pour l'instant ouverte qu'aux personnes majeures sous certaines conditions, commence à s'ouvrir à des groupes plus jeunes. Les 16-17 ans atteints de certaines maladies graves pourront prochainement en bénéficier. Faut-il aller plus loin ? Le Canada a annoncé, mercredi, l'autorisation du vaccin Pfizer-BioNTech pour les enfants dès 12 ans, devenant le premier pays à l'approuver pour cette tranche d'âge.
D'un point de vue scientifique, la vaccination des enfants semble donc être une clé pour parvenir à l'immunité collective. Reste à trancher la question politiquement. "Elle est sur la table, a déclaré le ministre de la Santé, mardi. Il n'y a pas d'urgence. Et ce temps qui nous permet de vacciner les gens plus fragiles et les adultes, c'est un temps que nous mettons à profit pour continuer à avoir des données scientifiques sur l'efficacité et la sûreté du vaccin chez les enfants", a fait valoir Olivier Véran.
"Il faut s'assurer que les enfants aient un bénéfice à se faire vacciner, souligne Samuel Alizon. A priori, ce qui ressort des études cliniques, c'est que le risque est moins grand à être vacciné qu'à être infecté naturellement, même pour les enfants", remarque-t-il.
Il faut tenir compte de l'hésitation vaccinale
Pour parvenir durant l'été à une couverture de 80% de la population, les autorités doivent aussi composer avec l'hésitation vaccinale, un comportement particulièrement marqué en France par rapport à d'autres pays développés. En un an, la méfiance à l'égard du vaccin contre le Covid-19 a fluctué, comme le relève auprès de franceinfo Jocelyn Raude, psychosociologue à l'Ecole des hautes études en santé publique. A la question "Voulez-vous vous faire vacciner ?", 26% des sondés répondaient "Non" en mai 2020 (en PDF). Contre 58% en janvier 2021 (lors du début de la campagne de vaccination en France). Par la suite, ce taux est redescendu puisqu'en avril 2021, sept sondés sur dix se disaient prêts à se faire vacciner, mais pas avec le vaccin d'AstraZeneca, selon une étude Odoxa-Backbone Consulting pour franceinfo.
Selon le spécialiste, les personnes non-prioritaires les plus convaincues iront se faire vacciner dès qu'elles le pourront. Cela va maintenir une vitesse de vaccination importante, "mais nous savons qu'à partir d'un certain moment, cela va ralentir parce que le taux de personnes méfiantes ou réfractaires sera plus important parmi les personnes pas encore vaccinées", prévoit-il.
Avec de tels chiffres, atteindre d'ici fin août le seuil des "77%-80%" de la population paraît ambitieux. Sans compter que l'effet de norme sociale a peu de prise sur les personnes farouchement opposées à la vaccination, selon le psychosociologue, ajoutant que se positionner contre les vaccins est parfois vécu, par ces personnes réfractaires, comme un marqueur identitaire.
Si encourager les hésitants va être "difficile", Jocelyn Raude identifie au moins un levier d'action possible : "rendre coûteuse socialement la non-vaccination". Autrement dit, donner des privilèges aux personnes vaccinées par rapport à celles qui ne le sont pas. Cela peut prendre la forme de procédures facilitées pour voyager, pour aller à des concerts, aux musées. Autant d'éléments intégrés dans le pass sanitaire évoqué par l'exécutif, même si le document toujours à l'étude n'impose pas la vaccination mais exige un test négatif, un certificat de vaccination ou une attestation d'immunité.
Il faut suffisamment de doses de vaccins
L'immunité de groupe n'est possible que si les livraisons de doses de vaccins parviennent en France en temps et en heure. Et il est difficile d'anticiper d'éventuels retards.
Malgré d'importants problèmes rencontrés au début de l'année 2021, le gouvernement assure pouvoir maintenir son cap avec 77 millions de doses administrées en France en juin 2021. Comme l'a expliqué franceinfo, le maintien de cette prévision se fonde sur un report des livraisons de Pfizer de mai 2021 au mois suivant, mais également par une augmentation des livraisons : mi-avril, la DGS a annoncé une rallonge de plus de 7 millions de doses, prévues pour le deuxième trimestre.
Concrètement, vacciner 80% des 67,4 millions d'habitants concernerait 53,9 millions de personnes. A raison de deux doses par vaccin (Janssen n'en nécessite qu'une, mais n'est pas encore très répandu en France), cela correspond à 107,8 millions d'injections. Il faudrait donc réaliser en deux mois (entre fin juin et fin août) quelque 30 millions d'injections. Selon les chiffres de Santé publique France, au 5 mai, 7,31 millions de personnes sont totalement vaccinées en France, soit 10,9% de la population, et 16,5 millions de personnes ont reçu au moins une dose, soit 24,5% de la population.
Il ne faut pas qu'un nouveau variant, plus contagieux et plus virulent, surgisse
Les différents variants, identifiés au Royaume-Uni, au Brésil, en Afrique du Sud ou encore en Inde, peuvent remettre en cause l'efficacité des vaccins et fragiliser notre immunité collective. "Pour le moment, les fabricants de vaccins à ARN messager [Pfizer-BioNTech et Moderna] annoncent que leurs vaccins résistent à l'évolution virale", remarque avec prudence Samuel Alizon. Vont-ils continuer à être efficaces ? "C'est la grosse inconnue", concède le directeur de recherche au CNRS. De plus, "le risque est une co-évolution entre la vitesse à laquelle nous pouvons mettre à jour les vaccins et les administrer, et la vitesse à laquelle évolue le virus".
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Selon un scénario optimiste évoqué par le Conseil scientifique (en PDF) dans son avis du 16 avril, les mutations du Sars-CoV-2 pourraient être limitées. Cela le conduirait "à terme à un cul-de-sac évolutif, et donc à une stabilisation rapide du virus".
Toutefois, d'autres perspectives, plus sombres, sont également évoquées. Samuel Alizon explique qu'une mutation, appelée N501Y, n'est pas apparue dans toutes les lignées, et qu'elle "ouvre le champ des possibles et permet à d'autres mutations de se fixer".
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