: Vidéo "Je n'ai pas dormi pendant trois ou quatre nuits" : le président du conseil scientifique confie son dilemme pour décider du confinement
L'immunologue Jean-François Delfraissy fait partie des scientifiques qui ont conseillé l'exécutif durant l'épidémie de Covid-19.
La commission d'enquête de l'Assemblée nationale, qui a commencé ses auditions mardi, a entendu jeudi 18 juin quelques-uns des membres du conseil scientifique, dont son président Jean-François Delfraissy. C'est en effet ce groupe d'experts qui a aiguillé les décisions du gouvernement durant toute la crise sanitaire. L'immunologue est revenu sur la gestion de l'épidémie de coronavirus et les décisions qu'il a dû prendre.
Un confinement difficile à décider
Le confinement annoncé par Emmanuel Macron lundi 16 mars a été validé par le conseil scientifique. Cette décision a coûté des heures de sommeil à son président, qui a assuré face à la commission d'enquête n'avoir pas dormi "pendant trois ou quatre nuits à la suite de ça". "C'est quelque chose de très difficile pour aider à prendre cette décision en notre âme et conscience", a ajouté Jean-François Delfraissy. "C'est quelque chose qui ne s'était jamais produit."
Mise en place du confinement : "Je n'ai pas dormi pendant trois-quatre nuits à la suite de ça. C'est aucune certitude. C'est quelque chose de très difficile pour aider à prendre cette décision en notre âme et conscience", assure J.-F. Delfraissy.#DirectAN #COVID19 pic.twitter.com/53dNRsZjNh
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Quelques minutes plus tard, un autre membre du conseil scientifique, l'épidémiologiste Arnaud Fontanet, a affirmé face aux députés que "le choix du confinement était pour nous imposé par la crise qui se préparait dans les services de réanimation". "Mais même les autres pays européens, qui n'étaient pas dans cette situation critique, ont fait le choix du confinement", a-t-il justifié.
Une prise de conscience tardive
Jean-François Delfraissy a reconnu n'avoir "pris conscience de la gravité de la crise que relativement tardivement, vers le 20 février". Il explique cette prise de conscience tardive notamment par le fait que lors d'une réunion à l'OMS, les Chinois, alors touchés de plein fouet par le virus, "ne disaient rien" et donc "masquaient un certain nombre de choses". Les données italiennes et les données des réanimateurs qui s'accumulaient l'ont finalement poussé à envoyer "un signal d'alerte à l'Elysée".
J.-F. Delfraissy "reconnaît volontiers" n'avoir "pris conscience de la gravité de la crise que relativement tardivement, vers le 20 février"
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> Après une réunion à l'OMS, "j'avais été frappé que les Chinois ne disaient rien et donc qu'ils nous cachaient des choses"#DirectAN pic.twitter.com/HaFUAAZUhe
Une responsabilisation assumée
Jean-François Delfraissy est également revenu sur la responsabilisation qui lui a parfois été reprochée. "Les avis du conseil scientifique ont donné une responsabilité à chacun des individus", a-t-il assuré. Selon lui, les Français étaient responsables de remettre leurs enfants à l'école. Les personnes de plus 70 ans étaient responsables de rester confinés. "Je sais qu'on m'a fait dire que j'avais souhaité que toutes les personnes de plus de 70 ans soient confinés, non, c'était une recommandation", a-t-il lâché. Il a rappelé que "85% des décès" concernaient des personnes de plus de 70 ans. Le téléchargement de l'application StopCovid ou le choix du lieu du confinement quand un individu était dépisté positif relevait également de "la responsabilité citoyenne".
"Les avis du conseil scientifique ont donné une responsabilité à chacun des individus", souligne J.-F. Delfraissy
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> "Vous êtes responsable de remettre vos enfants à l'école, vous êtes responsable si vous avez plus de 70 ans de rester un peu plus confiné."#DirectAN #COVID19 pic.twitter.com/8nU5cf7FSY
Le risque d'une deuxième vague "doit être considéré"
Le président du conseil scientifique a tenu à rappeler qu'une deuxième vague du Covid-19 était possible. Ce ne serait pas une réapparition selon lui, mais plutôt un retour du virus par l'hémisphère sud où la situation n'est pas aussi maîtrisée qu'au nord. "L'ensemble du conseil scientifique considère que le risque d'une vraie deuxième vague, venant de l'hémisphère sud, est un risque qui doit être considéré", a-t-il assuré. Les membres du conseil en ont informé les autorités françaises et ils appellent à "se préparer", notamment à l'approche de la période hivernale. L'enjeu pour Jean-François Delfraissy est d'éviter à tout prix un nouveau confinement généralisé qui ne sera pas "ni possible, ni souhaitable, ni ne serait accepté par la population française".
"L'ensemble du conseil scientifique considère que le risque d'une vraie deuxième vague, venant de l'hémisphère sud, est un risque qui doit être considéré", met en garde J.-F. Delfraissy. Il juge qu'un 2ème confinement généralisé ne serait ni souhaitable ni accepté.#DirectAN pic.twitter.com/1ZR85V1aiO
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La science sort de cette épidémie "bousculée"
Jean-François Delfraissy a confié son inquiétude après cette crise. "Il va falloir qu'on ressert les boulons de façon importante pour qu'une fois de plus la confiance avec les Français (...), qui a été un peu touchée, soit reconstruite", a-t-il indiqué. Toutes les polémiques notamment sur le cas de l'hydroxychloroquine et l'étude de The Lancet ont provoqué "un certain malaise" chez l'immunologue. "La science et la médecine, et pas qu'en France, sort de là un peu bousculée", a-t-il ajouté. "On a vu de très nombreux non-sachants devenir des sachants sur différents réseaux de télévision", a-t-il aussi regretté. Jean-François Delfraissy a aussi eu quelques mots sur Didier Raoult. Il a concédé que celui-ci a quitté le conseil scientifique. "Il m'apparaissait totalement légitime" qu'il en fasse partie selon l'immunologue. Il regrette cette décision qui n'a pas facilité le dialogue avec le défenseur de l'hydroxychloroquine.
Scandale du @TheLancet sur l'hydroxychloroquine : "Je sors de là avec un certain malaise je ne vous le cache pas. La science, la médecine, de façon générale, sort de là un peu bousculée. (...) Il va falloir qu'on ressert les boulons" tranche J.-F. Delfraissy#DirectAN pic.twitter.com/F3nTqovjGS
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