Portrait d'un médecin qui a vaincu Ebola
A 51 ans, Fabrizio Pulvirenti revient de loin. Depuis novembre 2014, l'étiquette de "patient zéro" lui colle à la peau. Il est le premier Italien à avoir contracté le virus Ebola, lors d'une mission humanitaire en Sierra Leone, pour le compte de l'ONG Emergency. "Quand je suis parti, j'étais conscient du risque de contracter le virus. Mais on ne s'y attend jamais vraiment", explique-t-il. Costume bleu marine et barbe grisonnante, le médecin précise avoir tout fait pour éviter la contamination. Pourtant, après un mois au contact des malades, fièvre et vomissements apparaissent. "Quasi immédiatement après l'apparition des premiers symptômes, j'ai compris" : 24 heures plus tard, le verdict tombe. Fabrizio Pulvirenti demande alors aux autorités d'être rapatrié immédiatement en Italie. "Pas parce que je n'avais pas confiance envers les médecins sur place", ajoute-t-il d'emblée, "mais parce que je voulais éviter des complications à ma famille. Je ne voulais pas qu'elle ait à s'occuper du rapatriement de mon corps au cas où je serais mort".
Le père de deux filles entame alors un éprouvant voyage. D'abord par la route, de Lakka, où son équipe était basée, à la capitale Freetown. Puis par avion, jusqu'à l'hôpital militaire de Rome. Six heures de voyage de nuit, dans un appareil confiné au niveau 4 de biosécurité, le plus haut grade de protection. Cabine de confinement, longues procédures de décontamination, isolement complet du malade, ce niveau de sûreté n'est presque réservé qu'à Ebola. L'anthrax ou la tuberculose ne sont, par exemple, classés qu'en niveau 3.
Un traitement resté secret
Du voyage, Fabrizio Pulvirenti n'en garde que peu de souvenirs, si ce n'est une extrêmement fatigue "et une sommeil assez agité", sourit-il. Admis à l'hôpital Spallanzani de Rome, le médecin laisse alors place au patient. S'en suivent 38 jours d'hospitalisation, ponctués d'états de santé plus ou moins chaotiques. Début décembre, son état s'aggrave. Le médecin est placé sous assistance respiratoire. "A certains moments j'ai perdu connaissance. Mais les infirmiers ont été très proches de moi, ils m'ont aidé à reconstruire mon histoire", souligne-t-il, précisant que certains souvenirs restent encore vagues. Progressivement, Fabrizio Pulvirenti reprend des forces. Le 2 janvier, il est officiellement déclaré guéri par son équipe médicale, qui le sort alors de l'isolement.
Quand on lui demande quel traitement il a reçu, le médecin nous répond que "c'est un secret"... Il précise tout de même qu'il a donné son sang dans l'espoir d'aider la recherche. "Je ne sais pas ce qu'il est devenu "... souligne-t-il.
"On voit cette réelle différence entre le Nord et le Sud"
Si Fabrizio Pulvirenti se considère comme un malade chanceux, il n'oublie pas que d'autres, en Afrique, ne bénéficient pas des mêmes avantages. "J'ai pu avoir un traitement et être guéri. Même si je ne m'en plains pas, je suis conscient que cela n'aurait pas été la même chose dans les pays du Sud. Avec Ebola, on voit cette réelle différence entre le Nord et le Sud", analyse-t-il.
Spécialisé dans les maladies infectieuses, le médecin originaire de Silice a travaillé un temps comme officier médical dans la marine italienne. Puis il a décidé de devenir médecin volontaire. Cette mission humanitaire en Sierra Leone était sa deuxième. "Quand on est sur place, nous sommes tous ensemble tous collègues et amis. La distinction entre médecins et infirmiers se perd beaucoup". Face aux malades, "il faut énormément d'empathie et un investissement personnel très fort. Chaque cas est un cas unique". Ce voyage ne sera sûrement pas le dernier pour le médecin. Depuis sa sortie de l'hôpital, Fabrizio Pulvirenti a la ferme intention de repartir en Afrique.
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