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Grippe, Covid-19 et bronchiolite : les spécialistes s'alarment d'une situation "extrêmement tendue, critique même" dans les hôpitaux

Les effets combinés de la triple épidémie pèsent lourdement sur le système hospitalier. Le Comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires recommandé d'"amplifier le plus rapidement possible" les gestes barrières et la vaccination.
Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Aux urgences pédiatriques du CHU de Poitiers (Vienne), le 21 novembre 2022. (MAXPPP)

Une vague de bronchiolite particulièrement forte, le Covid-19 qui frappe de nouveau de manière significative et un virus de la grippe précoce. Une triple épidémie sévit actuellement dans toute la France. Les hôpitaux frôlent la saturation. C'est "extrêmement tendu, critique même", alerte le professeur Rémi Salomon, président de la conférence des présidents de la Commission médicale d'établissement des CHU. "C'est une situation exceptionnelle", a expliqué à franceinfo, lundi 19 décembre, Sophie Vaux, épidémiologiste à Santé publique France (SPF).

Revenue en force depuis près d'un mois, l'épidémie de Covid-19 "se poursuit de façon moins marquée", mais cette tendance ne se traduit pas encore à l'hôpital, où les indicateurs restent "en hausse", soulignait SPF, dans son point épidémiologique du 15 décembre. Ainsi, les nouvelles hospitalisations avaient à cette date progressé de 3,8% en sept jours, selon les données de SPF. Sur la même période, 777 admissions en soins critiques ont été enregistrées, soit 17% en une semaine. "Il y a toujours un décalage. Pour les hospitalisations, le début d'infléchissement se verra dans quelques semaines", analyse Sophie Vaux, qui ajoute que la situation est contrastée selon les régions.

La grippe "en pleine progression"

Du côté de la grippe, les indicateurs virent au rouge. Le nombre d'hospitalisations après un passage aux urgences a augmenté de 117% en une semaine, selon le dernier bulletin de l'Agence nationale de santé publique, publié le 14 décembre. Depuis le début de l'épidémie dans l'Hexagone et en Corse, 57 personnes ont été admises en réanimation pour des cas graves de grippe. Un peu plus de la moitié d'entre elles avaient plus de 65 ans et 21 étaient âgés entre 15 et 64 ans. Désormais, la grippe touche toutes les classes d'âge et toutes les régions de l'Hexagone. Une "épidémie précoce", dont le pic n'est pas encore atteint, prévient Sophie Vaux. "On est en pleine progression." La grippe touche cette année "davantage les personnes à risque, donc il peut y avoir plus d'hospitalisations. Mais l'épidémie débute, donc on ne peut rien dire sur son ampleur", observe l'épidémiologiste Christine Campèse.

En revanche, la tendance est à la baisse pour la transmission du virus respiratoire syncytial (VRS), principal responsable des bronchiolites du nourrisson. Le pic est très probablement passé estime SPF, qui relève, dans son dernier bulletin hebdomadaire du 14 décembre,  une "diminution des passages aux urgences et des hospitalisations après passage aux urgences (...) en France métropolitaine". Néanmoins, l'épidémie "se poursuit à un niveau élevé" partout dans le pays, y compris en outre-mer, observe l'agence. Le nombre d'hospitalisations reste très élevé et les experts continuent d'appeler à protéger les bébés. "L'épidémie a dépassé les dix années antérieures", insiste Sophie Vaux.

"Surtension plus importante des hôpitaux"

Les effets combinés de ces trois virus respiratoires pèsent lourdement sur le système hospitalier. D'autant plus qu'à cette triple épidémie s'ajoutent, cet automne, la perte d'efficacité des traitements préventifs pour certains immunodéprimés, ainsi que les faibles niveaux de vaccination contre le Covid-19 et la grippe, dans des populations à risque souvent identiques. Or les fêtes de fin d'année commencent, " avec des regroupements familiaux intergénérationnels qui peuvent avoir un impact" sur l'évolution des trois épidémies, en particulier celle de Covid-19, souligne Sophie Vaux.

Le Comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires (Covars), successeur du Conseil scientifique, a recommandé, lundi, d'"amplifier le plus rapidement possible" les gestes barrières et la vaccination. Il ne s'est pas prononcé sur une éventuelle obligation de port du masque dans les lieux clos, recommandant toutefois ce réflexe face à la "situation critique de l'hôpital". "Nous entrons dans une nouvelle histoire où le Covid est intégré au fardeau des épidémies hivernales", synonymes d'"une surtension plus importante des hôpitaux", a avancé auprès de l'AFP Brigitte Autran, la présidente du Covars, pour laquelle le masque doit être "un geste citoyen".

Le message est le même du côté de Santé publique France, ainsi que du professeur Rémi Salomon. Ce dernier incite à la vaccination et demande à la population de "faire pendant les jours qui viennent un effort plus important pour porter le masque et aérer les locaux".

La conjonction de plusieurs épidémies très fortes cet hiver et d'un hôpital qui a une capacité d'accueil réduite fait que la situation est particulièrement critique.

Rémi Salomon, président de la conférence des présidents de la Commission médicale d'établissement des CHU

à franceinfo

"On ne sait pas, on ne sait plus où placer les patients qui doivent être hospitalisés, et donc ça nous met dans des situations extrêmement compliquées où les patients doivent attendre sur des brancards, parfois plusieurs jours", assure le professeur. "Par manque de personnel, on a des lits qui sont fermés" et "malheureusement, ça, ce n'est pas résolu." La situation ne va d'ailleurs pas s'améliorer dans l'immédiat, puisque "la période des fêtes arrive" et que "les soignants aussi vont avoir des congés".

"Une fois de plus, on va faire avec, mais..."

"Le nombre d'hôpitaux qui filtrent les entrées augmente. Les ambulanciers et pompiers sont bloqués en attendant de décharger les patients. Ils ne sont plus suffisamment nombreux, ce qui engendre, en cascade, des conséquences sur d'autres services publics", relève auprès de franceinfo Christophe Prudhomme, porte-parole de l'Association des médecins urgentistes de France. Mais selon lui, "la triple épidémie n'est pas un bon argument" pour expliquer la quasi-saturation des hôpitaux : "Tout ça est prévisible. On a rouvert les lits qui étaient fermés par manque de personnel. Mais on a besoin de lits de réanimation en plus."

"On ne cesse de répéter que l'hôpital public est en crise. Les choses se sont dégradées depuis 2020 car les conditions de travail dégradées et les bas salaires font fuir le personnel", estime Christophe Prudhomme. Il appelle à "remettre à plat l'ensemble du système". "Pour les fêtes, on craint le pire. Une fois de plus, on va faire avec, mais de manière dégradée. La dégradation de l'hôpital public s'accélère d'hiver en hiver", constate le médecin.

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