Ils vivent avec la moitié d’un cerveau… et ils se portent bien !
Peut-on vivre avec une moitié de cerveau en moins ? Des chercheurs du California Institute of Technology (Caltech, aux États-Unis) ont montré que des personnes qui avaient subi une hémisphérectomie (le retrait d’un des deux hémisphères du cerveau) dans l’enfance présentaient des fonctions cérébrales remarquables et vivaient étonnamment bien. Les scientifiques ont publié leurs travaux le 19 novembre 2019 dans la revue Cell Reports.
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Des réseaux cérébraux intacts
Les chercheurs ont appuyé leur étude sur six personnes à qui des chirurgiens avaient retiré un hémisphère cérébral pour maîtriser des formes intraitables d’épilepsie lorsqu’ils étaient âgés de trois mois à 11 ans. Les scientifiques de l’institut Caltech ont ensuite réalisé des scans cérébraux sur ces sujets et les ont comparé aux images obtenues sur des personnes possédant toujours leurs deux hémisphères.
Résultat : les réseaux cérébraux qui contrôlent plusieurs fonctions comme la marche ou la parole étaient intacts chez les personnes qui n’avaient plus qu’un hémisphère. "Malgré la perte d’un hémisphère cérébral complet, nous avons retrouvé les mêmes réseaux cérébraux que dans des cerveaux sains comprenant deux hémisphères" s’enthousiasme le docteur Dorit Kliemann, principal auteur de l’étude, dans un communiqué de l’institut Caltech.
"Nous pouvions presque oublier leur état lorsque nous les avons rencontré"
Autre observation : le nombre de connexions entre les neurones - les cellules cérébrales - était plus élevé chez les personnes opérées que chez les personnes saines. "Il semble que les réseaux collaborent davantage. Les réseaux eux-mêmes ne semblent pas anormaux chez ces patients mais le niveau de connexion entre les réseaux est accru chez les six patients" interprète le docteur Kliemann.
Une observation qui explique la capacité de ces personnes à marcher, à parler, à réfléchir et à ressentir des émotions. "Nous pouvions presque oublier leur état lorsque nous les avons rencontré pour la première fois. Quand j’étais assis devant l’ordinateur et que je voyais ces images d’IRM ne montrant qu’un demi-cerveau, je m’émerveillais du fait qu’elles proviennent du même être humain que je venais de voir parler et marcher" témoigne encore le docteur Kliemann.
Compenser le manque d’un hémisphère
Comment expliquer ce phénomène de renforcement du réseau de communication entre les neurones ? Selon les chercheurs, cette connexion plus forte chez les personnes ayant subi l’ablation d’un hémisphère pourrait refléter une adaptation des cellules du cerveau. Celles-ci se seraient en effet réorganisées pour assurer un fonctionnement cognitif maximal malgré la perte d’une structure essentielle.
Prochaine étape pour ces chercheurs : comprendre comment l’hémisphère restant compense les fonctions de l’hémisphère manquant. "Alors que beaucoup de nos fonctions se reflètent dans chaque hémisphère, certaines sont fortement latéralisées en un hémisphère. Comment ces fonctions latéralisées se réorganisent-elles après l'hémisphérectomie ?" s’interroge la docteure Lynn Paul, également autrice de l’étude. "Que se passe-t-il lorsqu’il y a une tâche ou un stimulus spécifique à l’hémisphère manquant qui survient" poursuit-elle. Une question à laquelle les prochains travaux de ces scientifiques pourraient bientôt répondre.
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