Journée mondiale Alzheimer : "Aujourd’hui je travaille à 50%, l’autre 50% est pour ma mère"
A l’occasion de la 23e Journée mondiale de lutte contre Alzheimer, Franceinfo donne la la parole aux familles. Selon une étude publiée mercredi 21 septembre, 80% des personnes qui s’occupent d’un proche atteint de la maladie rencontrent des difficultés pour concilier leur vie professionnelle et leur rôle d'aidant.
Comment concilier travail et rôle d’aidant quand un père, une mère, un frère ou un conjoint est atteint de la maladie d’Alzheimer et ne peut plus s’assumer seul ? C’est le combat quotidien de milliers de familles en France.
Pour quatre millions d’aidants en activité, l’annonce du diagnostic est synonyme du début d’une double vie. C’est ce que révèle une enquête de l’association France Alzheimer et maladies apparentées, selon laquelle près de huit aidants sur dix rencontrent des difficultés dans leur vie professionnelle.
Laetitia, 33 ans, est fille unique et vit à Paris. Il y a un an sa mère qui vit à Béziers est diagnostiquée Alzheimer. Laetitia est alors obligée de quitter le restaurant qu'elle tient. Aujourd'hui, elle occupe deux emplois à mi-temps. "Je suis cuisinière dans une crèche et je travaille aussi dans une boulangerie. Et dans cette boulangerie, j’ai refusé un CDI parce que si dans la minute où je vous parle, il faut que je descende voir ma mère, je descends", confie-t-elle au micro de Bruno Rougier.
J’ai refusé un CDI parce que si dans la minute où je vous parle il faut que je descende voir ma mère, je descends
Laëtitia explique avoir refusé des multitudes de CDI pour pouvoir se rendre disponible à tout instant. Des postes de cadre aussi, souligne la jeune femme titulaire d’un BAC+5. "BAC+5, cuisinière dans une crèche, ce n’est pas cohérent", reconnaît-elle. L’impact est aussi palpable sur la vie familiale, sociale et sur la santé de ces aidants qui, à plus de 90 %, évoquent "stress, anxiété, fatigue et troubles physiologiques".
Un sacrifice professionnel
En moyenne, les aidants en activité professionnelle consacrent trois heures par jour à l’accompagnement de leurs proches malades, souligne l’étude. Et parfois beaucoup plus. Françoise a elle aussi sacrifié sa carrière pour s'occuper de sa mère atteinte d'Alzheimer. Elle est aujourd'hui à mi-temps, par obligation. "Aujourd’hui je travaille à 50%, l’autre 50% est octroyé à ma mère. Je n’ai jamais voulu reprendre à 100%. Cela a un impact sur mon avancement. J’aurais voulu faire une belle carrière professionnelle mais ça ne s’est pas fait parce que je me consacre à elle, à sa maladie. Je ne veux jamais qu’elle s’écroule", explique Françoise.
J’aurais voulu faire une belle carrière professionnelle mais ça ne s’est pas fait parce que je me consacre à elle, à sa maladie. Je ne veux jamais qu’elle s’écroule
Et pour pouvoir veiller sur sa mère malade, elle a dû installer des caméras pour la visionner "tout au long de la journée". "J’ai l’écran qui est destiné pour le travail et le petit écran de mon téléphone portable sur ma gauche sur lequel je visionne ma maman matin, midi et soir. Cela a un impact sur le travail, sur mon moins de concentration au travail", admet-elle.
Besoin de soutien
Près de 45% des répondants à l’étude déclarent ne recevoir aucune aide (informative, financière, psychologique) pour assumer ce "double emploi". Et seulement 2 % affirment être accompagnés par leur entreprise. Il faut dire que peu d’entre eux osent parler de la maladie de leur proche à leur employeur. Seuls 58 % des personnes qui ont témoigné déclarent avoir informé leurs collègues proches et 48 % leur supérieur hiérarchique de leur situation personnelle. Et ils sont 17 % a n'en avoir même jamais fait mention afin de "préserver leur vie privée", souligne l’étude.
J'ai un patron très compréhensif
Sophie, qui accompagne sa mère Alzheimer âgée de 83 ans a, elle, osé franchir le pas et a décidé d'en parler à son directeur. Du coup sa vie professionnelle est plus sereine. "J’ai un patron très compréhensif. Quand maman a une crise ou si elle tombe, je quitte mon travail aussitôt en prévenant mon directeur qui me donne son accord sur le champ, voire même une semaine de congé s’il faut que je prenne une semaine de congé", explique-t-elle à Franceinfo.
Continuer à travailler coûte que coûte
Malgré les difficultés rencontrées, 96 % des aidants en activité déclarent vouloir continuer à travailler malgré tout, car l'activité professionnelle les sort aussi de leur quotidien d'accompagnant. "D’un côté, l’amour familial nourrit votre engagement et de l’autre côté, l’activité professionnelle, au-delà des ressources financières qu’elle vous apporte, vous permet de sortir du quotidien de la maladie", souligne l’association France Alzheimer et maladies apparentées.
A l’occasion de la 23e Journée mondiale Alzheimer, son président Joël Jaouen remettra mercredi 21 septembre un Livre blanc intitulé "Plaidoyer pour les aidants en activité professionnelle", en présence de la secrétaire d’Etat chargée des Personnes âgées et de l’Autonomie, Pascale Boistard.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.