Piqûres de tiques : les réponses aux questions que vous vous posez sur la maladie de Lyme
La maladie de Lyme fait l'objet de débats très clivés au sein de la communauté scientifique. Pour y voir plus clair, franceinfo répond aux questions liées à cette pathologie.
"Attention aux tiques". Ces panneaux ont fleuri dans les parcs et chemins aux abords des forêts, depuis que ces arachnides sont devenus la bête noire des randonneurs. Leur crime ? Transmettre la maladie de Lyme, une maladie infectieuse causée par une bactérie et inoculée par la morsure des tiques. La reconnaissance d'une forme chronique de cette pathologie, réclamée par des associations de malades, fait aujourd'hui l'objet d'âpres débats dans la communauté scientifique.
La Haute autorité de santé (HAS) a publié, mercredi 20 juin, des recommandations sur le sujet. Pour la première fois, elle a regroupé sous le terme de "symptomatologie/syndrome persistant(e) polymorphe après possible piqûre de tique" (SPPT) la "situation de patients qui ont pu être exposés aux tiques et qui présentent" des symptômes, "persistants et non expliqués, pouvant être invalidants". Ces termes officiels ont été vivement critiqués par l'Académie de médecine, qui estime que la HAS "reconnaît de fait implicitement l'existence d'une telle pathologie sans la moindre preuve".
De quoi s'agit-il exactement ? Quels sont les symptômes de cette maladie de Lyme ? Comment l'éviter ? Pourquoi fait-elle autant débat au sein de la communauté médicale ? Franceinfo répond aux questions que vous vous posez sur cette pathologie.
La maladie de Lyme, c’est quoi au juste ?
Il s'agit d'une maladie transmise par les tiques, de type ixodes, porteuses de la bactérie borrélie, de son nom latin Borrelia burgdorferi. Les tiques se nourrissent du sang des hôtes où elles s'accrochent, comme les oiseaux, les chevreuils, les bovins, les chats. C'est à ce moment qu'elles attrapent la bactérie et sont contaminées. "Puis la tique se décroche de l’animal quand elle est gorgée de sang et se retrouve dans la végétation, explique à franceinfo Muriel Vayssier-Taussat, cheffe du département santé animale à l'Institut national de la recherche agronomique (Inra). Comme la tique va devoir manger une deuxième fois, elle va chercher à s'accrocher à nouveau et c’est là qu'elle va contaminer l'Homme."
La maladie de Lyme, du nom d'une ville américaine où ont été étudiés les premiers cas dans les années 1970, se manifeste dans 95% des cas par une éruption cutanée circulaire, que l'on appelle érythème migrant. Une grosse tache rouge indolore qui apparaît sous trois à trente jours et peut s’étendre. Elle peut atteindre plusieurs centimètres de diamètre, puis disparaît. Cette tache rouge peut éventuellement s'accompagner d'une sensation de petite grippe, avec de la fièvre, des courbatures et une sensation de fatigue.
Dans 5% des cas, la maladie peut survenir des semaines, voire des mois après la piqûre. C'est ce que l'on appelle la borréliose de Lyme tardive, qui pourrait également se manifester de manière chronique. Sur ce point, la communauté scientifique est divisée. Certains estiment que les symptômes attribués à la maladie de Lyme correspondent en fait à d'autres pathologies. Les patients, eux, rapportent des douleurs musculo-squelettiques, articulaires, de violents maux de tête, une fatigue persistante voire invalidante, ainsi que des troubles neurologiques, rapporte Le Figaro.
On l'attrape où ?
Partout où il y a des tiques ! En gros, sur tout le territoire français, sauf le pourtour méditerranéen où le climat est trop sec. Les tiques apprécient les milieux tempérés et humides. Elles sont présentes essentiellement en forêt, mais aussi dans les jardins publics ou privés, et les prairies. Les régions les plus touchées sont l'Alsace, le Limousin, la Franche-Comté et la région Rhône-Alpes, signale un bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de Santé publique publié le 19 juin.
Les 60-70 ans sont particulièrement vulnérables à la maladie de Lyme. "La randonnée pédestre étant un loisir populaire parmi les jeunes retraités, ce groupe (…) présente donc un risque plus élevé de se faire piquer par des tiques", détaille le bulletin. Par ailleurs, la période propice aux piqûres, entre mars et octobre, "correspond non seulement à la période d’activité des tiques, mais également à celle où la fréquentation des forêts est la plus importante".
Si on en parle autant, c’est que les cas se sont multipliés ?
Le réseau de médecins généralistes Sentinelles a recensé 84 nouveaux cas pour 100 000 habitants en 2016 (soit environ 50 000 pour l'ensemble du territoire), contre 55 nouveaux cas pour 100 000 habitants estimés en 2009, indique le BEH. "En France, on n'a pas de données sur le long terme, relativise Muriel Vayssier-Taussat. Pour le moment, ça varie beaucoup d’une année sur l’autre. On n’a pas encore le recul pour savoir si ça augmente."
Pour Santé publique, cette hausse est peut-être due "à une médiatisation croissante de la maladie auprès du grand public et des professionnels de santé, permettant une meilleure reconnaissance [des symptômes] à la fois par les personnes atteintes et les médecins". Muriel Vayssier-Taussat met également en avant des facteurs qui influent de manière indirecte sur la présence de tiques : "Les surfaces forestières augmentent au détriment des surfaces agricoles. Par ailleurs, les animaux sauvages prolifèrent, notamment les sangliers et les cervidés."
Comment diagnostiquer la maladie ?
Si vous avez repéré un érythème migrant, se faire examiner par un médecin est suffisant. En revanche, ce qui peut s'avérer problématique, c'est si vous n'avez pas remarqué de morsure de tique. Car ce fameux érythème, s'il est situé dans le dos ou sur le cuir chevelu, peut facilement passer inaperçu.
En cas de symptômes articulaires ou neurologiques, deux types de tests effectués via des prises de sang sont proposés, afin de détecter les anticorps anti-Borrelia. Mais aujourd'hui, leur fiabilité est remise en cause, car ils peuvent faire apparaître de "faux positifs". En effet, une personne ayant des anticorps anti-Borrelia peut rester "séropositive" et ce même si la bactérie est éliminée du corps.
Mais l'inverse est aussi vrai. "Le pourcentage de faux négatifs avec les tests sérologiques (malades avérés qui apparaissent séronégatifs) est beaucoup trop élevé", explique ainsi au Monde (article abonnés) Alain Trautmann, directeur de recherches au CNRS. Le chercheur émérite à l’Institut Cochin cite notamment une étude britannique, qui fait état d'un taux de faux négatifs de 40%. "Les tests ne suffisent pas à eux seuls pour affirmer ou infirmer le diagnostic", a reconnu la HAS dans ses recommandations. Quant aux tests alternatifs, Santé publique les juge "insuffisamment évalués" et de "performances médiocres".
Autre point d'achoppement : "Les tiques transmettent d‘autres microbes et parasites, qui vont donner des maladies avec des symptômes similaires à ceux de la maladie de Lyme, signale Muriel Vayssier-Taussat. Or, ces tests sont développés pour identifier la Borrelia, mais ne détectent pas les autres pathologies." C'est d'ailleurs tout l'enjeu des différents programmes de recherche lancés par l'Inra : élaborer des tests de diagnostic adaptés, capables de repérer un spectre plus large de maladies transmises par les tiques.
Mais alors, ça ne se soigne pas ?
Si la maladie est diagnostiquée à un stade précoce, au moment de l'apparition de l'érythème, il existe des traitements antibiotiques. Là où les choses se compliquent, c'est quand la maladie apparaît plus tard sous une forme chronique. Des patients dénoncent "une errance du diagnostic" qui aboutit à un défaut de prise en charge. "Dans les trois quarts des consultations, on vous dit que la maladie de Lyme est 'la maladie à la mode', que 'ça n'existe pas'. Pour un malade, c'est une situation intenable", se désole Anne Colin, présidente de l'association Lympact, contactée par franceinfo.
De nombreux infectiologues estiment en effet qu'il n'y a pas de forme chronique de la maladie. "Le Lyme chronique n’existe pas, ni le SPPT [symptomatologie/syndrome persistant(e) polymorphe après possible piqûre de tique]", balaie le professeur Eric Caumes, membre du groupe de travail de la HAS pour la Société de pathologie infectieuse de langue française et chef du service de maladies infectieuses à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, interrogé par Le Monde.
Il s'appuie sur une étude qu’il a réalisée auprès de 301 de ses patients ayant une suspicion de maladie de Lyme, venus consulter de début 2014 à fin 2017. Seulement 29 (9,6%) avaient un Lyme certain, 28% des problèmes psychologiques, 18% des troubles musculo-squelettiques et 14% des affections neurologiques. Eric Caumes va même plus loin : il dénonce des traitements "abracadabrantesques" donnés à certains patients, qui doivent prendre jusqu'à vingt-trois médicaments.
De son côté, le docteur Cédric Grouchka, de la HAS, estime dans Le Monde qu'"on ne peut pas laisser des patients sans diagnostic". "Il y a des dizaines de milliers de personnes qui ont été infectées par les tiques, dont les tests officiels ne disent rien, abonde Christian Perronne, infectiologue à l'hôpital de Garches, interrogé par Libération. Des personnes qui sont malades, et on ne va pas les croire. C’est ça le problème." La HAS plaide pour que les patients dont aucun diagnostic n'a pu être posé puissent entrer dans un protocole de recherche. Les associations de patients ne disent pas autre chose. "Il faut qu'il y ait de la recherche, c'est primordial", lance Anne Colin, de l'association Lympact.
Les réponses, on les aura par ces études. Il faut que ce soit irréprochable, clair et net.
Muriel Vayssier-Taussat, cheffe du département santé animale à l’INRAà franceinfo
Et si je veux éviter de me faire piquer, je fais comment ?
Le maître-mot est la prévention. "Quand on fait de la randonnée, qu'on est en contact avec un jardin ou dans la forêt, il faut absolument porter des vêtements couvrants, longs et clairs, pour mieux repérer les tiques, des chapeaux, des chaussures montantes avec des chaussettes rentrées dedans", conseille Anne Colin. On peut également recourir à des répulsifs chimiques ou naturels.
Autre réflexe essentiel : s'examiner de la tête aux pieds après avoir marché dans les herbes hautes, après un pique-nique ou une balade en forêt. "Il faut aussi recommencer le lendemain, car si les tiques ont mangé, elles seront plus visibles", ajoute la présidente de Lympact. Et ne pas oublier d'examiner ses enfants ou de leur apprendre à s'examiner lorsqu'ils sont en âge de se laver seuls.
Si je me fais piquer quand même, c’est la fin du monde ?
Non, pas de panique ! "Ce n'est pas dramatique si on se fait piquer", rassure Muriel Vayssier-Taussat. La première chose à faire est de se munir d'un tire-tique, disponible en pharmacie. Si jamais vous avez des difficultés à enlever la tique, "un médecin peut aider à extraire les morceaux restés fixés à la peau", explique le magazine Que Choisir.
Il faut ensuite surveiller la zone concernée pendant un mois, "pour voir s’il y a un érythème, si on est fiévreux. Si on constate ces symptômes, on consulte son médecin qui peut donner un traitement antibiotique", ajoute Muriel Vayssier-Taussat. Enfin, ll faut savoir qu'on estime à seulement 20% la proportion de tiques infectées.
Je n'ai pas pu tout lire. C'est possible de me faire un petit résumé ?
La maladie de Lyme est transmise par les tiques, de type ixodes, porteuses de la bactérie borrélie (ou Borrelia). Les tiques sont présentes sur tout le territoire français, essentiellement en forêt, mais aussi dans les jardins publics ou privés, ainsi que les prairies. Elle se manifeste dans 95% des cas par une éruption cutanée circulaire, que l'on appelle érythème migrant. C'est une grosse tache rouge indolore qui apparaît sous trois à trente jours et peut s’étendre, puis disparaître. Elle peut éventuellement s'accompagner d'une sensation de petite grippe, avec de la fièvre, des courbatures et une sensation de fatigue. Un traitement antibiotique peut alors être administré.
Dans une très faible proportion des cas, environ 5%, la maladie peut survenir des semaines, voire des mois après la morsure. Elle pourrait aussi apparaître sous forme chronique, avec des douleurs musculo-squelettiques ou articulaires, de violents maux de tête, une fatigue persistante, voire invalidante, ainsi que des troubles neurologiques. Mais sur ce point, la communauté scientifique est divisée. De nombreux infectiologues estiment en effet qu'il n'existe pas de forme chronique de la maladie et que les symptômes peuvent être liés à d'autres pathologies. D'autres reconnaissent cette forme chronique et plaident pour davantage de recherche afin de proposer une meilleure prise en charge des patients.
En attendant, la prévention est de mise. Lors des randonnées et autres balades en forêt, il faut penser à bien se couvrir. En cas de piqûre, il faut retirer la tique le plus rapidement possible à l’aide d’un tire-tique et surveiller la zone piquée pendant un mois.
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