Epidémie de mpox en Afrique : on vous explique pourquoi l'OMS a déclenché son plus haut niveau d'alerte mondiale

Une nouvelle souche de la maladie, détectée dans plusieurs pays du continent, présente des symptômes plus violents et un taux de mortalité plus élevé que les précédentes.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le siège de l'Organisation mondiale de la santé, à Genève en Suisse, le 18 août 2022. (BENJAMIN POLGE / HANS LUCAS / AFP)

"Une urgence de santé publique de portée internationale." L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclenché, mercredi 14 août, son plus haut degré d'alerte face à la résurgence sur le continent africain des cas de mpox, anciennement appelée variole du singe. Une nouvelle souche du virus, d'abord identifiée en République démocratique du Congo (RDC), s'est propagée à plusieurs pays voisins ces dernières semaines. Franceinfo vous explique pourquoi l'OMS s'inquiète de cette épidémie.

Une nouvelle souche, plus dangereuse, a été détectée

Le virus du mpox a été découvert pour la première fois chez des humains en 1970, dans l'actuelle RDC. Au fil des ans, plusieurs variants ont été observés. Il y a deux ans, une épidémie mondiale, portée par le sous-type clade 2, s'est propagée dans une centaine de pays où la maladie n'était pas endémique. Face à cette flambée de cas, l'OMS avait décrété l'alerte maximale en juillet 2022, puis l'avait levée moins d'un an après, en mai 2023. Cette poussée épidémique avait concerné une centaine de pays, pour près de 100 000 cas et 140 décès recensés en tout par l'OMS entre 2022 et fin 2023.

La souche que l'OMS surveille désormais, baptisée clade 1b, a été découverte en RDC en septembre 2023. Elle est plus mortelle et plus transmissible que les précédentes. Ce variant fait apparaître des éruptions cutanées sur tout le corps, quand les précédentes souches étaient caractérisées par des éruptions et des lésions localisées, sur la bouche, le visage ou les parties génitales.

L'OMS est d'autant plus inquiète que le taux de mortalité de cette souche peut atteindre 5% chez les adultes et 10% chez les enfants. Les variants précédents touchaient surtout des hommes homosexuels et bisexuels. Mais cette fois, des nombreux cas de transmissions lors de rapports hétérosexuels ou sans contact sexuel ont été recensés, notamment entre mère et enfants, ou entre enfants au sein d'écoles. De nombreuses fausses couches ont également été recensées, et les chercheurs étudient d'éventuels effets sur la fertilité.

L'épidémie se propage vite

"Le nombre de cas recensés [en RDC] depuis le début de l'année est déjà supérieur" au total enregistré en 2023, avec "plus de 15 600 cas et 537 morts" depuis le mois de janvier, a rapporté l'OMS mercredi 14 août. Une semaine plus tôt, le chef de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, avait déclaré que "le virus s'était propagé à des provinces qui n'étaient pas touchées auparavant".

"La maladie a été enregistrée dans les camps de déplacés autour de Goma, au nord-est de la RDC, où l'extrême densité de la population rend la situation très critique. Les risques d'explosion sont réels vu les énormes mouvements de population" dans cette région de conflit, frontalière de plusieurs pays, a précisé à l'AFP le coordinateur médical de Médecins sans frontières (MSF) en RDC, Louis Albert Massing. Goma dispose en outre d'un aéroport international, ce qui augmente le risque de transmission du mpox dans d'autres pays.

En quelques semaines, le virus s'est ainsi propagé à l'étranger. "Au cours du mois dernier, environ 90 cas de clade 1b ont été signalés dans quatre pays voisins de la RDC qui n'avaient jamais signalé de mpox auparavant : Burundi, Kenya, Rwanda et Ouganda", a souligné Tedros Adhanom Ghebreyesus, mercredi 14 août. "Dans la mesure où on voit que cette souche est sortie de sa niche écologique, qui était plutôt la République démocratique du Congo, il est clair qu'on peut avoir une transmission internationale", met également en garde Sylvie Briand, directrice du département risque épidémique et pandémique à l'OMS.

Il n'existe pas de traitement contre la maladie

Le patient infecté par le mpox subit une fièvre, de forts maux de tête, des douleurs musculaires, une inflammation caractéristique des ganglions lymphatiques, des maux de dos et une grande fatigue. D'après l'OMS, il n'existe pas de traitement spécifique pour cette infection. Les symptômes disparaissent spontanément.

Deux vaccins spécifiques sont recommandés, mais peu de doses sont disponibles. Les patients vaccinés jeunes présentent des symptômes moins violents, mais les campagnes d'injections contre la variole ont pris fin en 1980, après l'éradication de la maladie. "Par conséquent, à l'heure actuelle, les personnes âgées de moins de 40 à 50 ans (selon le pays) peuvent être plus sensibles à la variole du singe", précise l'OMS. Par ailleurs, on ne connaît pas encore précisément le degré d'efficacité de ces vaccins face à la nouvelle souche du virus.

La situation nécessite "une riposte mondiale", selon l'OMS

Face à la propagation de l'épidémie, le comité d'urgence de l'OMS s'est réuni mercredi 14 août. "Il m'a fait savoir qu'à son avis, la situation constitue une urgence de santé publique de portée internationale. J'ai accepté cet avis", a déclaré Tedros Adhanom Ghebreyesus, à l'issue de la réunion. "De nombreux membres du comité d'urgence sont d'avis que ce qui se passe en Afrique est en fait le sommet de l'iceberg, (...) et qu'en raison des faiblesses du système de santé, nous n'avons pas une vue d'ensemble du fardeau que représente le mpox", a précisé le président de ce groupe d'expert, le professeur Dimie Ogoina.

"L'OMS s'engage, dans les jours et les semaines à venir, à coordonner la riposte mondiale, en collaborant étroitement avec chacun des pays touchés et en tirant parti de sa présence sur le terrain, afin de prévenir la transmission, de traiter les personnes infectées et de sauver des vies", a également affirmé Tedros Adhanom Ghebreyesus mercredi. Le déclenchement de l'alerte maximale permet aux "pays qui ont des vaccins en stock [de] faire des donations plus rapidement", détaille Sylvie Briand auprès de franceinfo. "Il s'agit aussi de faire en sorte, puisque le virus traverse les frontières, (...) de réduire la transmission internationale."

La responsable de l'OMS souligne les pays jusqu'ici touchés "ont des systèmes de santé très fragiles". "L'OMS a fait une demande de 15 millions de dollars pour commencer à soutenir ces pays, leur donner des tests diagnostiques et pouvoir non seulement se procurer les vaccins, mais aussi les distribuer, parce que la vaccination ne se fait pas gratuitement", poursuit-elle. "Ces ressources et ces outils sont en nombre limité. Il va falloir non seulement les mettre à disposition des pays africains infectés, mais aussi avoir de bonnes stratégies pour se focaliser sur les groupes les plus à risque, et être sûr que le peu de moyens que nous avons va être utilisé le mieux possible", insiste Sylvie Briand.

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