Variole du singe : quatre questions sur les morts récentes survenues au Brésil, en Espagne, en Inde et au Pérou
Les morts se sont enchaînées ces derniers jours, portant à dix le nombre de décès de personnes porteuses de la variole du singe dans le monde depuis mai. Mais les autorités continuent de s'interroger sur les causes réelles de ces morts.
Cinq personnes sont mortes en l'espace de quelques jours. Après l'Espagne, qui a confirmé la mort de deux patients atteints de la variole du singe ce week-end, l'Inde et le Pérou ont annoncé, lundi 1er août, la mort d'une personne porteuse du virus dans leur pays. Jeudi, le Brésil avait lancé l'alerte, en annonçant le premier décès d'une personne atteinte de la maladie, hors du continent africain.
Ces morts interviennent dans un contexte où le virus, dont la souche est originaire d'Afrique de l'Ouest, se répand dans le monde entier. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclenché le 24 juillet son plus haut niveau d'alerte, l'Urgence de santé publique de portée internationale (USPPI), pour renforcer la lutte contre la variole du singe. Franceinfo revient en quatre questions sur ces récents décès de patients atteints du virus.
1Où les morts récentes ont-elles été annoncées ?
Les cinq morts survenues ces derniers jours constituent les premiers décès de patients atteints de la variole du singe en dehors de l'Afrique, rapporte l'AFP. Au total, dix décès ont été enregistrés dans le monde depuis mai, les cinq premiers ayant été signalés sur le continent africain, où la maladie est endémique et a été détectée pour la première fois chez l'homme en 1970.
Le premier mort hors d'Afrique a été recensé au Brésil, le 28 juillet dernier. Il s'agit d'un homme de 41 ans décédé à Belo Horizonte, dans le sud-est du pays. Selon le ministère de la Santé du pays, le Brésil a recensé à ce jour près de 1 000 cas de la variole du singe, la plupart dans les Etats de Sao Paulo et Rio de Janeiro, situés dans la même région. Le premier cas avait été détecté le 10 juin, chez un homme qui avait voyagé en Europe.
L'Espagne a recensé, samedi, un deuxième décès de patient atteint de la variole du singe. Il s'agit d'un homme de 31 ans qui était hospitalisé à l'hôpital de la Reine Sophie, à Cordoba, dans le sud du pays, selon un communiqué des autorités andalouses. La veille, le pays avait annoncé le premier décès d'un patient atteint de cette maladie jamais enregistré en Europe.
Avec près de 4 300 personnes infectées au 29 juillet, selon les chiffres fournis par le ministère de la Santé espagnol (en espagnol), l'Espagne est le pays européen qui fait face au plus grand nombre de cas de variole du singe recensés. Dans le pays, 120 personnes touchées par le virus ont été hospitalisées.
Un homme de 22 ans est aussi mort, samedi 30 juillet en Inde, une semaine après avoir été hospitalisé à son retour des Emirats arabes unis, selon les autorités indiennes. Les tests réalisés sur la victime de 22 ans, ont montré qu'il était atteint de la variole du singe. L'Inde a enregistré au moins quatre cas de la maladie, dont le premier le 15 juillet chez un autre homme de retour au Kerala après un voyage aux Emirats Arabes Unis.
Au Pérou, un patient séropositif qui avait abandonné son traitement contre le VIH, et était infecté par la variole du singe, est également décédé lundi. L'homme, âgé de 45 ans, "est arrivé à l'hôpital dans un état très grave avec la variole du singe. Sa santé s'était affaiblie après avoir abandonné son traitement contre le VIH", a déclaré le directeur de l'hôpital national Dos de Mayo, Eduardo Farfan sur une radio locale. Plus de 300 cas de variole du singe ont été répertoriés dans le pays.
2Le lien entre la variole du singe et la mort des patients a-t-il été établi ?
Pour les deux patients décédés en Espagne, ce n'est pas encore le cas. Evoquant "deux hommes jeunes", le ministère de la Santé espagnol n'a pas fourni davantage de détails sur le profil de ces patients. Il a renvoyé aux "analyses qui pourront avoir lieu postérieurement pour pouvoir déterminer la cause de la mort".
Pour le patient de 41 ans décédé au Brésil, la variole du singe ne doit pas être le seul facteur à prendre en compte, selon les autorités. Il "était suivi à l'hôpital pour d'autres affections cliniques graves", ont déclaré les autorités de l'Etat du Minas Gerais, situé au sud-est du pays. "Il est important de souligner qu'il avait des comorbidités graves, pour ne pas susciter de panique dans la population", a aussi déclaré le secrétaire à la Santé du Minas Gerais, ajoutant que le patient suivait un traitement contre le cancer.
Des tests complémentaires doivent également être effectués sur l'homme décédé en Inde. La mort du patient péruvien aurait, quant à elle, été causée par un système immunitaire affaibli selon les équipes médicales. "Il n'est pas mort de la variole du singe mais d'une septicémie", a précisé le directeur de l'hôpital national Dos de Mayo à Lima.
3Quels sont les risques de mortalité de la variole du singe ?
Selon Imad Kansau, médecin spécialiste des maladies infectieuses à l'hôpital Antoine-Béclère de Clamart (Hauts-de-Seine) interrogé par franceinfo, ces décès parmi des personnes porteuses du virus sont rares. "Il s'agit des complications qui surviennent chez des patients immunodéprimés, donc des patients qui sont au stade de maladies qui donnent une immunodépression, c'est-à-dire une baisse importante des défenses. Ces patients peuvent décéder par des complications neurologiques ou respiratoires", explique-t-il.
Dans les pays africains où la maladie est endémique, le taux de mortalité varie de 1 à 10%, selon l'OMS. Mais, "avec des soins appropriés, la plupart des patients se rétablissent", précise l'organisation. Dans sa foire aux questions, elle rappelle que "dans la plupart des cas, les symptômes de la variole du singe disparaissent spontanément au bout de quelques semaines".
Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies précise que la souche virale détectée en Europe, issue de l'Afrique de l'Ouest, présente un taux de létalité moyen de 3,6% (en anglais), d'après les études menées dans les pays africains. Les cas graves surviennent habituellement chez les nouveau-nés, les enfants et les personnes atteintes d'un déficit immunitaire. Parmi les complications possibles, l'OMS cite des surinfections cutanées, des pneumonies ou encore des problèmes oculaires.
"On ignore dans quelle mesure ce taux est transposable chez nous : on dispose généralement d'assez peu d'informations sur les caractéristiques des patients infectés dans les épidémies en Afrique et nos systèmes de santé sont très différents de ceux des pays concernés", commentait pour franceinfo l'infectiologue Paul Loubet.
4Pourquoi l'OMS Europe prévoit-elle une augmentation du nombre de décès en lien avec l'épidémie ?
En dépit de ce faible taux de létalité, les autorités de santé s'attendent déjà à de nouveaux décès, "compte tenu de la poursuite de la propagation (du virus)", a justifié dans un communiqué Catherine Smallwood, une responsable des situations d'urgence de l'OMS Europe.
"La notification des décès liés à la variole du singe ne change pas notre évaluation de l'épidémie en Europe. Nous savons que, bien que spontanément résolutive dans la plupart des cas, la variole du singe peut entraîner de graves complications", a-t-elle relevé, rappelant l'objectif "d'interrompre rapidement la transmission du virus en Europe".
Plus de 18 000 cas ont été détectés dans le monde hors d'Afrique depuis début mai, dont la majorité en Europe. Dans le détail, la maladie a été signalée dans 78 pays et 70% des cas sont concentrés en Europe, a précisé mercredi le directeur de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.
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