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L'article à lire pour comprendre la variole du singe dont le virus circule dans une trentaine de pays

Article rédigé par Vincent Matalon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 12min
Illustration du virus de la variole du singe, que l'on trouve habituellement près des forêts tropicales d'Afrique centrale et occidentale.  (THOM LEACH / SCIENCE PHOTO LIBRA / TLE / AFP)

Santé publique France recensait, mercredi, 33 cas avérés de "monkeypox", du nom anglais de la maladie, dans l'Hexagone.

Une "situation inhabituelle", mais aucune raison de paniquer. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) assure ne pas redouter de pandémie mondiale de variole du singe. Depuis que le Royaume-Uni a déclaré, le 7 mai, un cas confirmé de cette maladie, plus de 550 autres malades ont été signalés dans 30 pays habituellement épargnés par ce virus. La France comptait mercredi 33 cas identifiés, selon les données publiées jeudi 2 juin par Santé publique France.

Après deux ans et demi de pandémie de Covid-19, les nouvelles liées à la propagation du virus de la variole du singe peuvent inquiéter. Mais quels en sont les symptômes ? Peut-on en mourir ? Existe-t-il des traitements ?

Qu'est-ce que la variole du singe ?

C'est une zoonose virale, c'est-à-dire une maladie transmissible des animaux à l'homme, causée par l'orthopoxvirus simien. Il a été identifié et isolé pour la première fois en 1958 chez des macaques arrivés à l'institut sérologique du Danemark depuis Singapour. "C'est un virus plutôt mal nommé, car son hôte naturel est aujourd'hui plutôt constitué de rongeurs, comme les rats de Gambie", prévient Olivier Schwartz, directeur de l'unité Virus et Immunité de l'Institut Pasteur.

Cette maladie n'est donc pas nouvelle. Elle circule de manière endémique depuis les années 1980. "En général, on recense quelques milliers de cas chaque année", détaille le spécialiste auprès de franceinfo. La maladie est présente sous deux formes principales sur le continent africain, dans des zones proches des forêts tropicales humides. La première s'est propagée en République démocratique du Congo (RDC) et République du Congo, la seconde principalement au Nigeria, y compris dans des zones urbaines, ce qui a permis au virus de quitter plus facilement le territoire. "C'est cette deuxième souche, moins dangereuse, que l'on retrouve actuellement en Europe et en Amérique du Nord", précise à France 24 Matthias Altmann, épidémiologiste à l'université de Bordeaux et spécialiste des maladies infectieuses en Afrique.

L'OMS s'est manifestée ces dernières semaines car des regroupements de cas, sans lien direct avec des voyages en zone endémique, ont émergé dans des pays où la maladie ne circule pas habituellement.

Est-ce la même chose que la variole traditionnelle ?

La variole du singe appartient à la même famille que la variole humaine, éradiquée dans le monde en 1980. Elle a été identifiée pour la première fois chez l'homme en 1970, en RDC. Les deux virus "partagent à 90% la même séquence génétique", précise Olivier Schwartz. Ils sont donc cousins, "mais les infections semblent moins pathogènes avec la variole du singe qu'avec la variole humaine", ajoute le virologue.

"La souche ouest-africaine [de la variole du singe] a déjà fait une incursion aux Etats-Unis en 2003, à la suite de l'importation d'animaux infectés", rappelle dans un entretien à The Conversation Camille Besombes, médecin infectiologue à l'Institut Pasteur. "Les malades américains avaient été contaminés après un contact avec des chiens de prairie infectés, achetés dans des animaleries, où ils avaient côtoyé des rats de Gambie importés du Ghana et porteurs du monkeypox", continue la spécialiste. Au total, 47 cas suspects avaient été dénombrés mais aucune transmission interhumaine n'était intervenue.

Pourquoi la maladie circule-t-elle hors des foyers habituels ?

C'est la principale zone d'ombre de la récente vague de contaminations. "L'analyse des prélèvements récents en Europe montre que le virus qui circule est identique à la souche présente en Afrique de l'Ouest. Cela laisse penser qu'il ne s'agit pas d'un nouveau variant plus transmissible de la maladie", comme l'a été le variant Omicron vis-à-vis de la souche du Sars-CoV-2, relève Olivier Schwartz. Le spécialiste note par ailleurs que le virus de la variole du singe est un virus à ADN, plus stable et moins sujet aux mutations qu'un virus à ARN comme le Sars-CoV-2.

Une autre piste d'explication serait l'existence, en début de chaîne de contaminations, d'un événement "super-propagateur", au cours duquel un grand nombre d'infections aurait eu lieu. Les malades auraient ensuite pu infecter d'autres individus.

Ces nombreuses contaminations ont également pu bénéficier d'un terreau fertile, estime pour franceinfo Paul Loubet, infectiologue au CHU de Nîmes (Gard) : depuis l'éradication de la maladie en 1980, le vaccin contre la variole n'est plus administré en population générale. L'absence de campagne de vaccination a pu faire baisser l'immunité des plus jeunes patients contre cette famille de virus.

Quels sont les symptômes ?

La durée d'incubation du virus varie en général de six à seize jours. Les symptômes qui apparaissent par la suite sont très proches de ceux provoqués par la variole humaine. Dans un premier temps, le patient infecté souffre de fièvre, de forts maux de tête, de douleurs musculaires, ainsi que d'une inflammation des ganglions lymphatiques. Des maux de dos et une grande fatigue peuvent aussi apparaître.

Photo datée de 1997 fournie par le Centres américains de contrôle et de prévention des maladies. On y voit montre le bras droit et le torse d'un patient, dont la peau présentait un certain nombre de lésions dues à la variole du singe. (CDC /AP / SIPA)

Des boutons caractéristiques font ensuite leur apparition. "Les vésicules se concentrent plutôt sur le visage, les paumes des mains et plantes des pieds. Les muqueuses sont également concernées, dans la bouche et la région génitale", décrit Santé publique France. La disparition des symptômes prend, dans la majorité des cas, deux à trois semaines.

Peut-on en mourir ?

Alors que la mortalité de la variole humaine pouvait approcher les 30%, la variole du singe telle qu'on la connaît guérit en général spontanément. Les cas graves se produisent plus fréquemment chez les enfants et sont liés à l'ampleur de l'exposition au virus, à l'état de santé du patient et à d'éventuelles complications.

Dans les pays africains où la maladie est endémique, le taux de mortalité varie de 1 à 10%. Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (en anglais) précise que la souche virale détectée en Europe, issue de l'Afrique de l'Ouest, présente un taux de létalité moyen de 3,6%.

"On ignore dans quelle mesure ce taux est transposable chez nous : on dispose généralement d'assez peu d'informations sur les caractéristiques des patients infectés dans les épidémies en Afrique et nos systèmes de santé sont très différents de ceux des pays concernés", commente pour franceinfo l'infectiologue Paul Loubet. Une prise en charge médicale adéquate réduit considérablement les risques et la plupart des personnes guérissent spontanément. Dans les pays où la maladie a été repérée récemment, aucun décès n'a été recensé.

Comment la maladie se transmet-elle ?

Les cas de variole du singe recensés habituellement dans les pays africains résultent d'un contact direct avec du sang, des liquides biologiques ou des lésions cutanées ou muqueuses d'animaux infectés. La consommation de viande pas assez cuite d'animaux infectés est également considérée comme à risque.

La transmission dite secondaire, c'est-à-dire entre humains, est plus complexe. "Il existe un risque de transmission par l'intermédiaire de gouttelettes (postillons, crachats), mais le mode de contamination prédominant est le contact étroit et prolongé par voie cutanée avec une personne infectée", ajoute Paul Loubet. Cette conclusion permet au Centre européen de prévention des maladies d'affirmer, dans un rapport publié le 23 mai (PDF en anglais), que le risque posé en Europe par la variole du singe est "faible" en population générale.

Plusieurs experts soulignent que si ce virus pouvait être attrapé pendant une activité sexuelle, ce n'est pas pour autant une maladie sexuellement transmissible. Cette transmission pourrait être due aux contacts intimes lors de rapports sexuels, et non au rapport sexuel lui-même.

A ce jour, les cas ont été recensés en Europe "principalement, mais pas uniquement, chez des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes", relève SPF. "Dire qu'il s'agit d'une maladie qui ne touche que les hommes homosexuels est inexact", prévient toutefois dans les colonnes du Monde Matthew Kavanagh, directeur adjoint de l'Onusida, programme des Nations unies sur le VIH. Selon lui, les commentaires homophobes qui accompagnent parfois les publications sur cette maladie risquent notamment de dissuader des malades "de consulter leur soignant, de peur d'être identifiés à un groupe".

Existe-t-il des traitements ou des vaccins ?

Il n'existe pas de traitement ou de vaccin spécifique contre la variole du singe, mais des médicaments et vaccins conçus contre la variole peuvent être utilisés contre la variole du singe. En matière de vaccin, "il a été démontré, à travers plusieurs études, que la vaccination contre la variole [humaine] est efficace à 85% pour prévenir la variole du singe", rappelle l'OMS. Une "très bonne efficacité", selon le virologue Yannick Simonin, spécialiste des virus émergents, interrogé par franceinfo.

Pour limiter les risques épidémiques en France, la Haute Autorité de santé a recommandé mardi 24 mai de vacciner les adultes, y compris des professionnels de santé, ayant eu un contact à risque avec un malade. "Nous avons des stocks stratégiques et il s'agira de vaccination ciblée. On ne parle pas de vaccination totale", a précisé le lendemain la ministre de la Santé, Brigitte Bourguignon, sur RTL.

Côté traitements, certains médicaments antiviraux, conçus notamment contre la variole, peuvent également être utilisés pour traiter ou limiter les effets de la variole du singe, comme le tecovirimat.

J'ai eu la flemme de tout lire, vous pouvez me faire un résumé ?

Le virus de la variole du singe est déjà bien connu, puisqu'il circule dans certaines zones d'Afrique depuis les années 1980. A la différence du Covid-19, dont l'expression peut grandement varier d'un individu à l'autre, les symptômes de monkeypox sont très identifiables : fièvre, maux de tête, douleurs musculaires au cours des cinq premiers jours, puis apparition d'une grande quantité d'éruptions cutanées sur le visage, la paume des mains, ou encore la plante des pieds. Les malades guérissent en général spontanément et les symptômes durent de deux à trois semaines. Dans les pays où la maladie a été repérée récemment, les cas observés sont pour la plupart bénins et aucun décès n'a été recensé.

La manière dont le virus se propage est également très différente de celui du Sars-CoV-2. "Des contacts plus rapprochés qu'avec le Covid-19 sont nécessaires pour être infecté. La probabilité d'une infection par voie aérienne existe, mais les risques sont plus grands avec de la salive ou des postillons qu'avec des aérosols", énumère Olivier Schwartz, directeur de l'unité Virus et Immunité de l'Institut Pasteur. Plusieurs études montrent enfin que la vaccination contre la variole [humaine] est efficace à 85% pour prévenir la variole du singe. En France, les cas contacts jugés à risque sont invités à se faire vacciner pour endiguer la propagation.

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