Malformations fœtales : quatre questions sur la polémique liée à la prise de Dépakine
Cet anti-épileptique, qui a continué à être prescrit à des femmes enceintes jusqu'en 2015, serait responsable de la malformation de centaines d'enfants, selon "Le Figaro".
La Dépakine pourrait bien rejoindre les rangs de ces médicaments responsables d'un scandale sanitaire, au même titre que le Mediator. Cet anti-épileptique serait responsable d'au moins 425 cas de malformations à la naissance entre 2006 et 2014, selon Le Figaro daté du mercredi 17 juin. Francetv info fait le point sur cette affaire de santé publique.
Depuis quand la Dépakine est-elle commercialisée ?
Cela fait plus de quarante ans. Ce médicament est commercialisé en 1967 par le laboratoire Sanofi. Prescrite pendant la grossesse, sa molécule, le valproate de sodium, peut entraîner des malformations du fœtus, notamment un spina bifida (malformation de la colonne vertébrale). Dans 30 à 40%, elle provoque aussi un trouble du comportement.
Ces risques sont connus depuis 1982. Des spécialistes avaient signalé, dans la célèbre revue médicale The Lancet, les effets secondaires de ce médicament lorsqu'il est pris pendant la gestation.
Ses effets secondaires ont-ils été rapidement identifiés en France ?
Non, les médecins ont continué à le prescrire aux femmes enceintes. Selon les données de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), 54 cas de fœtus ou d'enfants morts à cause du valproate ont été recensés en France entre 1986 et 2015. Quant aux enfants déclarés souffrant de malformations, ils sont 377.
Ce n'est qu'en 2006 que le Vidal, la bible des professionnels de santé français, déconseille le recours à cet anti-épileptique pendant la grossesse. Malgré tout, Le Figaro affirme qu'il y a eu 425 naissances avec des malformations liées au valproate entre 2006 et 2014. Un chiffre extrapolé à partir du Registre des malformations en Rhône-Alpes (Remera).
Selon le quotidien, ce n'est que tout récemment, en juin 2015, que les médecins ont reçu un dépliant de l'ANSM à destination des patientes, où il est fait mention "d'un risque élevé de troubles graves du comportement et/ou de malformations" liés à la prise de Depakine ou de son générique. Jusque-là, les femmes enceintes ignoraient ce risque.
Des familles ont-elles porté plainte ?
En mai, Marine Martin a décidé de porter plainte contre X, visant Sanofi, pour dénoncer la mauvaise information des patientes. En février 2013, France 3 avait rencontré cette mère et son fils Nathan, atteint de troubles du langage et de malformations physiques. Pendant ses deux grossesses, elle a continué à prendre son traitement contre l'épilepsie, et c'est au bout de quelques années qu'elle a fait le lien entre les maladies de ses enfants et la Dépakine. Depuis, elle a créé une association et rassemblé près de 300 familles qui racontent toute la même histoire.
L'avocat de la famille de Marine Martin estime que les similitudes entre ce dossier et celui du Mediator sont "frappantes". "Pour la Dépakine, la littérature médicale alerte dès le début des années 1980 sur les effets délétères de la molécule sur le fœtus. Pourtant, comme dans le Mediator, il aura fallu plus de trente ans (fin 2014) pour qu'effectivement les patients et les médecins prescripteurs soient clairement informés des risques", explique Me Charles Joseph-Oudin à l'AFP. Selon lui, "une demi-douzaine de plaintes vont suivre".
Que répond Sanofi ?
Sanofi affirme avoir "toujours, sous le contrôle des autorités de santé, respecté ses obligations d'information auprès des professionnels de santé et des patients" sur "les possibles effets indésirables connus liés à l'utilisation du valproate de sodium, notamment en ce qui concerne la prise de ce médicament pendant la grossesse".
Le laboratoire ajoute qu'il "actualise régulièrement en fonction de l'évolution des connaissances scientifiques" les informations sur les effets indésirables du médicament et fournit également des "mises en garde appropriées et adaptées aux médecins ainsi qu'aux patients sur les risques potentiels liés à la prise de ce médicament, y compris les risques pour le fœtus".
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