Actifed, Dolirhume, Humex... Quatre questions sur l'interdiction à la vente libre des médicaments contre le rhume dès mercredi

L'Agence nationale de sécurité du médicament rend obligatoire la présentation d'une ordonnance pour acquérir ces traitements, car ils présentent trop d'effets indésirables pour soigner une maladie bénigne.
Article rédigé par franceinfo
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Des boîtes de médicaments anti-rhume qui ne seront plus accessibles sans ordonnance à partir du 11 décembre 2024. (THIBAUT DURAND / HANS LUCAS / AFP)

Sortir ses mouchoirs plutôt qu'avaler un comprimé ? A partir du mercredi 11 décembre, les autorités sanitaires françaises rendent obligatoires la présentation d'une ordonnance en pharmacie pour se voir délivrer huit traitements antirhume, a annoncé l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) lundi. Elle estime que les effets secondaires encourus, comme des AVC et des infarctus, bien que rares, sont trop importants pour un simple nez bouché. Franceinfo revient en quatre questions sur cette décision.

1 Quels sont les médicaments concernés ?

La décision de l'ANSM concerne les médicaments vasoconstricteurs, dont l'objectif est de rétrécir les vaisseaux sanguins, qui ont en commun une molécule appelée la pseudoéphédrine. Disponibles sans ordonnance sous forme de comprimés, ils sont aussi vendus en spray nasal sur prescription et visent à décongestionner et désencombrer le nez. Ce sont donc les principaux médicaments utilisés contre le rhume.

Très connus du grand public, ils sont commercialisés sous les noms suivants : Actifed Rhume, Actifed Rhume jour et nuit, Dolirhume paracétamol et pseudoéphédrine, Dolirhumepro paracétamol pseudoéphédrine et doxylamine, Humex Rhume, Nurofen Rhume, RhinAdvil Rhume ibuprofène/pseudoéphédrine et RhinAdvilCaps Rhume ibuprofène/pseudoéphédrine.

2 Comment l'ANSM justifie cette décision ?

L'Agence nationale de sécurité du médicament explique qu'"au regard d'une part des très nombreuses contre-indications, précautions d'emploi et des effets indésirables connus de la pseudoéphédrine et d'autre part du caractère bénin du rhume (maladie qui guérit spontanément en 7 à 10 jours)", le fait de pouvoir obtenir ces molécules sans ordonnance, et donc sans un avis médical, "fait courir un risque trop important aux patients".

"Nous demandons aux médecins prescripteurs de bien évaluer la balance bénéfice/risque pour chaque patient avant de lui prescrire un de ces médicaments."

L'ANSM

dans sa décision publiée lundi

Par ailleurs, l'agence déplore que les mesures de réduction des risques qu'elle a mises en place, comme l'interdiction de la publicité auprès du grand public, l'information régulière sur les dangers liés aux vasoconstricteurs oraux, ainsi que la mise à disposition de documents pratiques pour les patients et les pharmaciens, "n'ont pas suffisamment réduit la population exposée au risque de survenue d'effets indésirables rares, mais graves".

3 Pourquoi prendre cette décision maintenant ?

En octobre 2023, le gendarme du médicament avait renouvelé son alerte concernant la prise de ces comprimés. Et si celle-ci a entraîné une "baisse temporaire des ventes sans impact majeur sur l'exposition des patients", les ventes sont tout de même reparties à la hausse "depuis septembre 2024", explique l'ANSM. En outre, elle cite "de nouveaux risques neurologiques" confirmés par l'Agence européenne du médicament (EMA), "venant s'ajouter aux nombreux risques déjà connus, notamment d'accidents vasculaires cérébraux et d'infarctus du myocarde". Malgré cela, l'EMA avait estimé que les traitements antirhume concernés ne présentaient pas de risques suffisants pour les interdire.

En réalité, cela fait plus de dix ans que l'ANSM s'interroge sur la nécessité d'interdire la vente libre de ces produits contre le rhume, selon les informations de franceinfo. D'autres acteurs mettent également en garde contre les effets indésirables de ces médicaments. Dès 2006(Nouvelle fenêtre), la revue médicale Prescrire estimait que la prise de médicaments à base de pseudoéphédrine faisait courir des "risques disproportionnés" aux patients. De son côté, la Haute Autorité de santé avait considéré en 2012 que l'intérêt de cette molécule était "faible", "compte tenu d'une efficacité insuffisamment établie et du risque cardiovasculaire".

4 Comment réagissent les professionnels de santé ?

Cette décision de l'ANSM va dans le sens des principales sociétés savantes françaises, qui s'opposent globalement à l'usage de ces médicaments.

"C'est dommage de courir le risque de faire un accident vasculaire ou un infarctus pour un simple rhume."

Jean-Paul Hamon, président d'honneur de la Fédération des Médecins de France

sur franceinfo

"Le premier principe en médecine, c'est que le remède ne soit pas pire que le mal", estime aussi un médecin généraliste interrogé, précisant que dans le cas d'un rhume, le sérum physiologique pour déboucher les narines et le paracétamol en cas de maux de tête suffisent.

En revanche, elle risque de froisser les pharmaciens, qui estiment qu'une telle restriction réduit injustement l'éventail de médicaments à proposer à leurs clients enrhumés, lesquels rencontrent de plus en plus de difficultés à obtenir des rendez-vous médicaux. "Ça va devenir compliqué pour nous de répondre aux problèmes des patients", estimait Béatrice Clairaz-Mahiou, coprésidente de la Société francophone des sciences pharmaceutiques officinales (SFSPO), dans Le Quotidien du pharmacien.

"Les gens n'auront plus de médecin et nous, on ne pourra plus rien conseiller."

Béatrice Clairaz, pharmacienne

dans "Le Quotidien du pharmacien"

Cette décision ne plaît pas non plus aux laboratoires pharmaceutiques, pour qui les ventes vont diminuer. Dans Le Parisien, leur représentant, NèreS, qui rassemble 26 groupes produisant des médicaments disponibles sans ordonnance, s'est dit "étonné" que les autorités françaises soient "en contradiction avec l'Agence européenne du médicament".

Pour d'autres observateurs, les autorités sanitaires ont, au contraire, été d'ores et déjà trop longues à réagir. "Les soignants ont mieux à faire que de passer du temps à déconseiller aux patients un médicament qui devrait être retiré du marché", estimait la revue indépendante Prescrire début 2024.

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