Médicaments innovants : il faut "créer les conditions pour que nos innovations thérapeutiques ne quittent pas notre territoire", alerte L'AFM-Téléthon
Laurence Tiennot-Herment, présidente de l'AFM-Téléthon, estime révoltant que des malades français soient privés de ces médicaments innovants.
"Savoir qu'il peut y avoir un seul malade, un seul enfant qui n'ait pas accès à un traitement innovant, qui peut l'empêcher de mourir, c'est tout simplement inacceptable", s'est indignée lundi 21 février sur franceinfo Laurence Tiennot-Herment présidente de l'AFM-Téléthon.
franceinfo : Quels sont les malades qui sont selon vous privés d'accès à des médicaments innovants ?
Laurence Tiennot-Herment : J'ai un exemple précis à citer, un médicament de thérapie génique qui peut sauver la vie d'enfants atteints d'une maladie très rare, l'adrénoleucodystrophie, une maladie mortelle pour les enfants lorsqu'il n'y a pas de donneur de moelle compatible. C'est un médicament qui a obtenu son autorisation de mise sur le marché européen en juin ou juillet dernier, une très bonne nouvelle pour toutes les familles. Et puis en octobre, le laboratoire américain décide unilatéralement d'abandonner sa commercialisation pour se consacrer au seul marché américain. Cette situation est inacceptable, parce qu'en plus ce médicament est issu d'une recherche française co-financée par les fonds du Téléthon.
Est-ce un exemple isolé ou y en a-t-il d'autres ?
Il y a un autre médicament de thérapie génique du même laboratoire américain, aussi issu d'une recherche française, pour une maladie rare du sang, la bêta-thalassémie. L'autorisation de mise sur le marché, c'était en 2019, et ce laboratoire américain a décidé d'arrêter sa commercialisation en octobre 2021. Pour cette maladie-là, il y a une alternative thérapeutique, puisque les patients peuvent subir des transfusions sanguines toutes les trois semaines, mais l'espoir était très important pour les familles. On connaît de nombreuses familles qui étaient dans l'attente de ce médicament pour éviter ces transfusions sanguines.
Que faut-il faire pour résoudre ce problème selon vous ?
Il y a un vrai problème de fond : ces innovations sont nées en France, avec des fonds du Téléthon, avec la recherche publique, d'où l'indignation. Mais ce n'est pas seulement pour les maladies rares : on a vu au moment du Covid notre fragilité lorsqu'on dépend d'industries en-dehors de la France ou hors d'Europe. C'est d'ailleurs à ce moment-là qu'on a beaucoup entendu parler de souveraineté nationale, et de réindustrialisation. De notre côté, pour toutes les innovations publiques, ou qui sortent des laboratoires du Téléthon, ça fait des années qu'on a alerté les pouvoirs publics. On avait organisé un grand colloque sur la sécuriseration de notre indépendance sanitaire en septembre 2019. Il est clair que la souveraineté nationale, ce n'est pas seulement réindustrialiser la France avec le paracétamol ou les masques chirurgicaux, ça doit être de créer les conditions pour que nos innovations thérapeutiques ne quittent pas notre territoire. Et aussi pour que les Biotech, qui portent ces projets innovants, puissent lever des fonds d'investissement chez nous, se développer chez nous, et que nous gardions la maîtrise de la commercialisation.
Quels sont les leviers pour y parvenir ?
Il faut des fonds d'investissement ambitieux en santé, avec des moyens importants. Il faut qu'ils soient proactifs, qu'ils accompagnent les porteurs de projets, et qu'ils aient la culture du risque. Si on laisse partir l'innovation très tôt de notre territoire, alors on perd la commercialisation. L'industriel est ensuite souverain dans sa décision de poursuivre, d'arrêter, de choisir ses territoires. Ca peut être catastrophique : savoir qu'il peut y avoir un seul malade, un seul enfant qui n'ait pas accès à ce traitement innovant, qui peut l'empêcher de mourir, c'est tout simplement inacceptable.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.