: Vidéo Pénuries de médicaments : "Play to Win", "jouer pour gagner", la stratégie de Sanofi
Pourquoi les pénuries de médicaments sont-elles de plus en plus fréquentes, au point qu'un Français sur quatre y ait déjà été confronté ? Le manque de prévoyance dans la constitution des stocks n'est pas seul en cause : les malades seraient régulièrement victimes des choix stratégiques des laboratoires. Extrait de "Pénuries de médicaments : à quoi jouent les labos ?", à voir dans "Complément d'enquête" le 9 septembre 2021.
Début 2021, les actionnaires de Sanofi ont perçu un montant record de 4 milliards d'euros de dividendes. L'année 2020 a été faste pour le Big Pharma français, qui a vu ses profits multipliés par quatre. Fin 2019, une nouvelle stratégie a fixé des priorités claires pour le laboratoire. Elle est baptisée "Play to Win", "Jouer pour gagner".
Voici quelques-uns de ses objectifs : "Atteindre 30% de marge opérationnelle en 2022, augmenter les dividendes, ne plus se concentrer sur les classes thérapeutiques non stratégiques." Dirigée par un nouveau patron britannique, la firme a décidé de se concentrer sur les traitements innovants.
Sanofi aurait-il cessé de produire le BCG pour des raisons de rentabilité ?
Comme les piqûres contre l'eczéma ou les vaccins, qui génèrent un important chiffre d'affaires et concernent des millions de patients en France. Bien plus que les quelque 10 000 malades du cancer de la vessie... pour qui le BCG, injecté dans l'urètre, permettait de diminuer notablement les risques de récidive. Mais Sanofi a cessé définitivement sa production en 2019 après des pénuries à répétition.
De nombreuses recherches ou productions de médicaments auraient ainsi été abandonnées, déplorent les représentants du personnel de Sanofi. Pour des raisons de rentabilité, selon eux. Tels "le cardiovasculaire, les anti-infectieux au titre que ce n'était pas une priorité financière de développer des antibiotiques, parce que ça rapportait moins d'argent – ils l'ont expliqué comme ça", affirme Thierry Bodin, représentant CGT-Sanofi.
Abandonnés aussi, explique-t-il, tout ce qui concerne le diabète, la neurologie, et tout particulièrement la maladie d'Alzheimer, "et pratiquement aussi quasiment tout ce qui existait sur Parkinson".
Un laboratoire qui réalise 80% de son chiffre d'affaires français grâce aux remboursements de la Sécurité sociale
Le représentant du personnel en appelle "aux politiques, à tous ceux qui peuvent agir sur la direction de Sanofi. Il faut que ça change ! Ce n'est plus possible, parce que la loi de l'argent ne va pas dans le sens de l'intérêt sanitaire". Un laboratoire qui réalise 80% de son chiffre d’affaires français grâce aux remboursements de la Sécurité sociale a-t-il le droit d'abandonner des traitements essentiels ? "Si un laboratoire ne veut pas produire un médicament, vous ne pouvez pas l'y obliger !" regrette Marisol Touraine.
Celle qui était ministre des Affaires sociales et de la Santé (2012-2017) quand Sanofi a annoncé son intention d’arrêter la production du BCG reconnaît une certaine impuissance des autorités. L'ancienne ministre préconise "un arsenal juridique plus contraignant qui, en tout cas, oblige au maintien d'une dose de production suffisante".
Sollicités par le magazine, l'actuel ministre de la Santé et sa direction générale n'ont pas, à ce jour, répondu aux relances. Contacté, le laboratoire Sanofi n’a pas souhaité s’exprimer dans une interview filmée. Il affirme avoir dû stopper la production de BCG à cause de difficultés de fabrication et conteste l’avoir abandonnée pour des raisons de rentabilité. En attendant, les pénuries continuent...
Extrait de "Pénuries de médicaments : à quoi jouent les labos ?", un document à voir dans "Complément d'enquête" le 9 septembre 2021.
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