AME : "Nous sommes inquiets pour la santé des plus démunis"
Aujourd’hui en France, 300 000 personnes bénéficient de l’Aide Médicale d’Etat qui prend en charge leurs soins pour un montant global de 943 millions d’euros. Les associations craignent une réforme qui limiterait son accès. Les explications de Nathalie Godard, responsable du plaidoyer France à Médecins du Monde.
Risques d'une réduction de la protection apportée par l’AME
Nathalie Godard, Médecins du Monde : "Nous sommes inquiets pour la santé des personnes les plus démunies en France aujourd’hui. Nous sommes dans l’attente mais le projet du gouvernement a priori de restreindre leur accès aux soins notamment en introduisant un ticket modérateur, ça ferait partie des options sur la table, c’est-à-dire en faisant partie une partie de la consultation qui sont bénéficiaires de l’Aide Médicale d’Etat.
Une autre option serait de réduire le panier de soins, donc le nombre de soins qui seraient couverts par cette protection. Tout ça nous inquiète énormément puisque les personnes qu’on voit sont très démunies : pour être éligible à l’AME il faut gagner moins de 746 euros par mois. C’est vraiment un niveau de précarité très élevé. Ces personnes sont dans un état de vulnérabilité et de besoin de soins qui est très important."
Des pathologies provoquées par les conditions de vie
Nathalie Godard, Médecins du Monde : "Les personnes que l’on voit dans nos centres de santé sont des personnes qui vivent dans des conditions très difficiles, à la rue, dans des campements, ou hébergés à droite à gauche mais en tout cas leurs conditions de vie sont extrêmement précaires. Et ça c’est une cause de problèmes de santé : dans nos centres de santé, les personnes éligibles à l’AME souffrent plus de pathologies infectieuses respiratoires, digestives ou cutanées qui sont liées à la précarité que parmi les patients d’un médecin généraliste. La tuberculose en fait partie."
Sans AME, des coûts supplémentaires à prévoir
Nathalie Godard, Médecins du Monde : "Si on laisse ces situations se dégrader sans faciliter les prises en charge précoce, ça va être beaucoup plus difficile de les prendre en charge, ça deviendra plus grave et donc aussi plus coûteux ! Les personnes iront aux urgences au lieu d’aller en médecine de ville. Cela concerne aussi des problématiques de santé psychique entraînées par leurs parcours migratoires."
Pas de soins de confort avec l'AME
Nathalie Godard, Médecins du Monde : "Le panier de soins de l’AME est bien plus réduit que celui du régime général de la Sécurité Sociale. Donc c’est faux de dire que les soins de confort sont accessibles aux personnes bénéficiaires de l’AME ! Ensuite l’absence de données très objectives sur l’AME alimente en fait beaucoup de fantasmes : il n’y a pas aujourd’hui de rapport sur l’état de santé des bénéficiaires.
Nous, ce que nous voyons c’est que le problème aujourd’hui c’est beaucoup plus le non-recours des personnes, c’est-à-dire leur difficulté à avoir accès à cette couverture maladie plutôt que l’abus. Les personnes qu’on voit dans nos centres de santé, ont un fort taux de non recours : 90% des personnes qui sont éligibles à l’AME ne l’ont pas. Ces personnes devraient en bénéficier et ne l’ont pas parce que c’est assez compliqué de l’obtenir."
Des conditions d’accès difficiles
Nathalie Godard, Médecins du Monde : "Les personnes doivent prouver qu’elles sont en France depuis 3 mois, avoir un document qui permet de le prouver alors que par définition, les bénéficiaires potentiels n’ont pas de titre de séjour. Il faut avoir une adresse, ce qui est très compliqué pour les personnes qui sont dans des situations très précaires. Et puis il faut remplir un document, quand on ne parle pas la langue c’est difficile. Enfin, cela dure une année : au bout d’un an il faut renouveler. Donc on a aussi beaucoup de situations de ruptures de droit. Un autre frein à l’accès aux soins est lié au fait que l’AME ne donne pas l’accès à une carte vitale. Les personnes sont donc parfois confrontées à des refus de soins parce qu’ils n’ont pas de carte vitale permettant de mettre en œuvre la télétransmission. Les demandeurs d’asile, dès lors qu’ils ont le récépissé qui en atteste, sont éligibles à la sécurité sociale classique."
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