Arrêts maladie : comment réduire la facture ?
Début août, la presse a révélé que le gouvernement envisageait de faire payer aux entreprises, à la place de la Sécu, une partie des arrêts maladie de leurs salariés, les arrêts de moins de huit jours. La ministre de la Santé justifie alors cette mesure en expliquant vouloir "responsabiliser" les employeurs car selon elle, la principale cause de nombreux arrêts maladie est la "pénibilité psychologique" que les entreprises imposent à leurs salariés. Avec cette mesure, le gouvernement espérait faire une économie de 900 millions d'euros pour la Sécurité sociale.
Une levée de boucliers du patronat
Cette idée a fait bondir le patronat et suscité des tensions au sein même du gouvernement. La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a torpillé le projet défendu par Agnès Buzyn au cours de l'été en écrivant une lettre au Premier ministre pour dire tout le mal qu'elle en pensait. Edouard Philippe a finalement jeté l'éponge le week-end dernier et annoncé qu'il renonçait à cette mesure parce qu'elle allait à l'encontre de l'action gouvernementale en faveur de la création d'emplois et des entreprises.
Mais dans le même temps, le Premier ministre a expliqué vouloir régler ce problème d'arrêts maladie qui augmentent et coûtent très cher à la Sécu. La facture ne cesse en effet de s'alourdir. En 2017, les indemnités journalières (IJ) pour arrêts maladie ont coûté plus de dix milliards d'euros. En moyenne, la hausse est de plus de 4% par an. Cette augmentation reste pour le moment inexpliquée.
L'Assurance maladie ne recense pas les motifs d'arrêts et cela serait impossible à faire car les médecins n'inscrivent pas toujours les éléments médicaux qui justifient l'arrêt sur le formulaire ou alors ils indiquent un motif très flou (parfois à la demande du patient). Résultat : il est très difficile d'établir une corrélation entre l'évolution du nombre d'arrêts maladie et l'état de santé de la population active. Et cela contribue à alimenter les éternelles polémiques sur les médecins soi-disant complaisants et les patients qui abuseraient. Même le Premier ministre a jeté la suspicion sur le bien-fondé de ces arrêts en comparant l'augmentation des arrêts maladie à l'instauration d' « un jour de congé supplémentaire ».
Comment expliquer l'augmentation des arrêts de travail ?
L'augmentation des arrêts de travail s'explique en partie par la réforme des retraites de 2010, qui a fait reculer progressivement l'âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans. Il y aujourd'hui de plus en plus de seniors actifs or, plus on vieillit, plus le risque d'être en arrêt maladie augmente et plus les arrêts sont longs.
Pour les 60 ans et plus, la durée moyenne d'un arrêt indemnisé est de 76 jours, contre 52 pour les 55-59 ans et 35 pour l'ensemble de la population. Autre facteur d'explication : l'emploi est reparti à la hausse ces derniers mois. Or, plus de gens qui travaillent signifie mécaniquement plus d'arrêts maladie.
Les conditions de travail se dégradent en France
Cette hausse des arrêts maladie s'explique aussi par la dégradation des conditions de travail. Il s'agit du principal argument d'Agnès Buzyn pour justifier cette idée de mettre à contribution les entreprises. Et selon plusieurs spécialistes, si les arrêts courts augmentent, c'est à cause d'une mauvaise gestion du travail, du stress, du burn out.
Le salarié s'arrête parce qu'il n'en peut plus nerveusement de la pression ou d'une organisation du travail défaillante. Et même s'il n'existe pas de statistiques précises sur les motifs d'arrêt, il y a un chiffre significatif : en cinq ans, les demandes pour faire reconnaître une affection psychique (dépression...) en maladie professionnelle ont été multipliées par sept.
Comment freiner l'augmentation des arrêts de travail ?
Depuis trois ans, la Sécu a mis sous pression les médecins qui prescrivent le plus d'arrêts maladie avec des entretiens qui peuvent déboucher sur un encadrement très strict des prescriptions. La Sécu mise aussi sur la prévention auprès des assurés pour éviter les arrêts qui se chronicisent. L'enjeu est considérable puisqu'une personne sur deux en arrêt maladie de plus de six mois ne reprendra jamais le travail.
Mais la principale préoccupation du gouvernement est de faire baisser la facture des arrêts maladie. Le Premier ministre a ainsi demandé aux partenaires sociaux d'engager une concertation pour trouver des solutions. Faute de résultat, il menace de reprendre la main et pourquoi pas revenir au projet initial de transfert vers les entreprises, ou diminuer le montant des indemnités journalières.
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