Fermeture d'un centre de santé à Montluçon : "de la non-assistance à personne en danger" pour les patients
Les maisons de santé, où se regroupent médecins généralistes et spécialistes, devaient être une solution dans les zones manquant de praticiens. Dans cette ville de l'Allier, un centre flambant neuf ferme, faute de médecins.
Un centre de santé ferme et des milliers de patients se retrouvent orphelins. La France en compte environ 2 000, dont 428 pluriprofessionnels, selon le ministère de la Santé. Ces regroupements de médecins, dans un même lieu, étaient présentés comme LA solution dans les déserts médicaux.
Mais certains disparaissent, comme à Monluçon, dans l'Allier. Le centre ferme ses portes mercredi 30 juin, moins d'un an après son inauguration. Ce n'est pas pour des raisons financières, la mairie ayant investi 900 000 euros dans le projet. Deux médecins salariés ont en fait démissionné, et l'APARM, l'Association de patients abandonnés en recherche de médecins, qui gère le centre, n'a pas réussi à trouver de nouveaux praticiens.
Tout est pourtant encore flambant neuf dans ce local prêté par la mairie. Depuis l'annonce de la fermeture de la maison de santé, l'ambiance est morose. Yasmina passe le pas de la porte pour la dernière fois, et un sentiment domine, la colère. "Franchement, où est-ce qu'il faut qu'on aille maintenant ?", s'inquiète cette octogénaire. Sa médecin lui a fourni une ordonnance pour six mois. "Mais après ?"
"Je suis cardiaque, j'ai besoin de médicaments tous les mois. Où je vais me les faire prescrire ?"
Yasmina, patiente du centre de santé de Montluçonà franceinfo
Comme au moins 7 000 autres patients, Yasmina se retrouve sans médecin traitant. C'est aussi le cas de Liliane, à qui l'on vient de remettre son dossier médical. "On vous le rend quand vous êtes morts, ou quand il n'y a plus de médecin", fait-elle remarquer.
Elle est complètement désemparée, et se voit déjà "aller aux urgences, appeler les pompiers" quand son mari, malade du coeur, ira mal. "On a l'impression que la ruralité, c'est pas la priorité", estime-t-il. "Les médecins ont bien fait un serment, disant qu'ils doivent soigner tout le monde. Vous allez dans un cabinet, ils vous refusent." Pour lui, "c'est de la non-assistance à personne en danger".
Le bassin monluçonnais compte, en 2021, 32 médecins pour 70 000 habitants. C'est peu. Les patients ont du mal à comprendre pourquoi les praticiens refusent de s'installer dans le centre de santé. "Ici, ils ont la possibilité d'être salariés, d'avoir leurs week-ends. Je trouvais que c'était une bonne solution pour eux", estime une patiente. "Maintenant, voilà ! S'il n'y a pas de médecin, il n'y a pas de médecin".
Il n'y a en tout cas pas assez de volontaires. Le docteur Gauvin, autour duquel le projet de centre de santé s'est bâti, dit pourtant alerter sur la situation depuis des années.
"C'est une catastrophe, aucune vision à long terme de tous les ministres que j'ai vu passer en 40 ans."
Docteur Gauvin, médecin au centre de santé de Montluçonà franceinfo
"On n'a pas inventé le fil à couper le beurre, c'est écrit, bon dieu ! C'est écrit depuis 20 ans !", s'énerve-t-il. "Et au lieu de relever le numerus clausus quand il fallait, ils ne l'ont pas fait. Donc maintenant, c'est trop tard." Pour le médecin, il faut sûrement instaurer une "obligation d'installation géographique, au début des études. Si on le fait aujourd'hui, ça va payer dans 12-15 ans !"
Il faudrait aussi pouvoir embaucher des médecins hors Union européenne, ajoute le praticien, qui dénonce un manque de soutien politique. Le maire de Montluçon assure qu'un projet similaire, avec des médecins retraités, doit prochainement voir le jour.
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