Hôpitaux publics : "On est en plein mercato pour trouver des soignants", s’inquiète un neurologue
François Salachas, neurologue à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris) et signataire d'une tribune réclamant la revalorisation de certaines professions médicales, a estimé mardi sur franceinfo qu'on "a dégoûté beaucoup de soignants" de l'hôpital public.
"Il faut que les personnels susceptibles de venir travailler à l’hôpital public ou ne pas en partir aient confiance" en ces structures, a jugé mardi 9 novembre sur franceinfo le docteur François Salachas. Ce neurologue à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, également membre du Collectif inter-hôpitaux (CIH), cosigne une tribune dans le journal Le Monde avec des représentants des hôpitaux d'Île-de-France et de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP) pour demander une revalorisation des professions médicales qui manquent d’attractivité.
franceinfo : L’hôpital se vide de son personnel parce qu’il n’est pas attractif. Ce constat vous surprend-il ?
François Salachas : Non, cela ne me surprend pas du tout. On a l’impression qu’on est en plein mercato pour trouver des soignants, ce qui est un énorme problème. Je ne suis pas du tout d’accord avec le constat qui consiste à dire que si on ne trouve pas de soignants, c’est parce que c’est un métier pénible, et que plus personne ne veut faire de métier pénible. C’est un discours qui n’est pas facile à accepter. La vraie raison, c’est que l’on a dégoûté beaucoup de soignants de travailler à l’hôpital public et qu’on a déstructuré des équipes. Il faut maintenant les reconstruire mais, pour cela, il faut que les personnels susceptibles de venir travailler à l’hôpital public ou ne pas en partir aient confiance. Or, qui va être le détenteur de cette confiance ? Les directions administratives, qui se sont beaucoup déconsidérées depuis une dizaine d’années ? Les chefs de service et les cadres supérieurs, qui seraient capables d’embaucher avec une autonomie suffisante et surtout de promettre de bonnes modalités de travail ? Vont-ils avoir cette crédibilité si on ne change pas la gouvernance de l’hôpital, c’est-à-dire si on ne redonne pas les clés aux services ? Le problème est là.
Comprenez-vous ce ras-le-bol du personnel soignant ?
Oui, il faut comprendre la "gueule de bois" des soignants. Ils ont fait un énorme effort avant qu'on "siffle la fin de la récré", comme si s’occuper des patients correctement, avec les moyens qu’il faut, était une récréation. Comme si l’hôpital n’était pas là pour soigner les gens. Comme s’il était simplement là pour être en équilibre financier. On marche sur la tête. Ce que dit cette tribune, c’est qu’il faut que les besoins sanitaires guident les moyens nécessaires et que les meilleurs garants de cela, malheureusement, ce ne sont pas des administratifs ou des directeurs d’hôpitaux, qui sont là pour obéir à un diktat d’équilibre financier. Les meilleurs garants sont les soignants. Il faut simplement leur redonner la main et pour l’instant ce n’est pas le cas. Les soignants sont des personnes qui viennent travailler à l’hôpital pour l’esprit d’équipe et pour la capacité à s’épanouir dans un travail au service des patients. Quand ils rentrent le soir chez eux et qu’ils ne peuvent pas se regarder dans la glace à cause de leurs conditions de travail, ils s’en vont.
Attendez-vous quelque chose du président de la République mardi soir ? Faut-il qu’il évoque la situation dans les hôpitaux ?
Il faut qu’il arrête de parler de l’hôpital et qu’il fasse des choses qui se traduisent dans la réalité par une efficacité. Si le président n’annonce pas un changement de paradigme total dans l’organisation du système de santé, on sera très loin du compte et il n’y n’aura aucun résultat dans les mois qui viennent. On l’a répété mais on a l’impression que cela n’imprime pas : il y a actuellement dans notre pays des pertes de chance dues au fait qu’on a un nombre important de lits fermés. La polémique sur [la proportion de lits fermés, 20% ou 6% en fonction des discours,] est ridicule. Ce n’est pas le problème. Quand on veut résoudre un problème, on cherche un moyen. Or, depuis le début, on est dans les prétextes, les rejets des responsabilités vers l'autre et le discours selon lequel "cela fait dix ans que ça dure donc vous ne pouvez pas me demander cela". On n’est pas là pour flatter le narcissisme des gouvernants. On est là pour que les gouvernants prennent les mesures d’urgence nécessaires. Bizarrement, pendant le Covid-19, cela a été possible.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.