Le Sénat adopte une version édulcorée du projet de loi santé
Au terme de deux semaines de débats, le Sénat avait largement remanié le projet de "loi santé" porté par la ministre Marisol Touraine. Les sénateurs ont notamment supprimé le tiers payant généralisé (critiqué par les syndicats de médecins) ainsi que la création du paquet de tabac neutre (bête noire des industriels du tabac et des buralistes) et infléchi la loi Evin pour promouvoir la communication des régions viticoles.
Une partie des mesures phares du texte initial pourront être réintroduites par le gouvernement lors d'une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale (où la gauche est majoritaire). Avant cela, le texte sera présenté à une commission paritaire mixte (7 députés, 7 sénateurs) pour tenter de trouver un compromis.
Les grands axes de la copie rendue par le Sénat :
Tabac et Alcool
Concernant la lutte contre le tabagisme, les sénateurs ont substitué au dispositif “paquet neutre” une stricte transposition de la directive européenne prévoyant de porter à 65% la surface des paquets de cigarettes consacrée aux avertissements sanitaires.
Les sénateurs ont également voté une modification de la loi Evin, qui précise "ne relèvent pas de la publicité et de la propagande les contenus liés à une région de production ou au patrimoine culturel, économique ou paysager liés à une boisson alcoolique".
Ils ont en revanche exigé un meilleur encadrement des "happy hours", en fixant un prix-seuil de l'alcool lors d'opérations de promotion. Selon le nouveau texte, "le prix unitaire de vente des boissons alcoolisées pratiqué par les commerçants lors d'opérations de promotion ponctuelle dans le temps ne peut être inférieur à un seuil, fixé par décret, correspondant à une fraction du prix de vente unitaire affiché dans l'établissement."
Toxicomanie
Les sénateurs ont validé le principe de l'expérimentation de salles de consommation de drogue à moindre risque ("salles de shoot"), pendant un maximum de six ans. Ils ont toutefois limité la disposition, en adoptant, contre l'avis du gouvernement, un amendement LR intégrant ces salles à un établissement de santé ou à un hôpital.
Ils ont également autorisé les prélèvements salivaires (au lieu de prélèvements sanguins), pour simplifier la procédure de constat d'une conduite sous usage de drogue.
Tiers payant et CMU complémentaire
Les sénateurs ont suivi leur commission des Affaires sociales qui a considéré que la généralisation du tiers payant constitue "une remise en cause inutile" de la pratique des médecins libéraux.
En revanche, ils ont validé "l'automaticité de l'ouverture et du renouvellement des droits" à la CMU-c pour les allocataires du RSA sans revenu d'activité.
Droit à l'oubli pour les malades du cancer
Les sénateurs ont précisé plusieurs points de la Convention AERAS (S'Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé), qui facilite l'accès à l'assurance et à l'emprunt des personnes ayant ou ayant eu un grave problème de santé. Les assureurs auraient désormais l'interdiction d'appliquer des surprimes et d'exclure des garanties.
IVG
Les sénateurs ont voté le rétablissement de deux articles, qui autorisent, d'une part, les centres de santé à pratiquer les IVG par voie chirurgicale et non plus seulement par voie médicamenteuse, et suppriment le délai d'attente d'une semaine entre les deux rendez-vous médicaux conditionnant l'accès à l'IVG.
L'IVG médicamenteuse est rétablie parmi les compétences des sages-femmes.
Procréation Médicalement Assistée
Les sénateurs ont voté une modification du code du travail prévoyant un "régime d'autorisation d'absence" destiné aux femmes engagées dans un parcours de procréation médicale assistée (PMA). Ils ont jugé que "si la loi protège les donneuses d'ovocytes, qui bénéficient d'autorisations d'absences pour se rendre aux examens et subir les interventions nécessaires, les contraintes liées aux actes médicaux requis pour une FIV ne sont pas prises en compte par le code du travail."
Lutte contre les liens et conflits d'intérêts
Le Sénat a par ailleurs renforcé la transparence entre laboratoires pharmaceutiques et autres acteurs de la santé "en imposant la publication individuelle de chaque contrat en lieu et place du montant agrégé de l'ensemble des contrats" (amendements 439, 441, 442 – art. 43 bis).
Esthétisme
Le Sénat a également décidé l'interdiction des cabines de bronzage à UV en raison des risques cancérigènes. Cette mesure, prise contre l'avis du gouvernement, a toutefois des chances d'être confirmée lors du retour du texte devant l'Assemblée nationale.
A l'issue du vote solennel, le Sénat a diffusé aux médias une infographie (ci-dessous) résumant les principales modifications apportées au texte :
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