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Les arguments de deux professeurs opposés à la vaccination obligatoire passés au crible

Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Article rédigé par La rédaction d'Allodocteurs.fr
France Télévisions

Henri Joyeux et Luc Montagnier, deux figures médiatiques du mouvement contre la vaccination obligatoire, organisaient ce 7 novembre une conférence de presse destinée à exposer leur point de vue et leurs arguments scientifiques. A notre tour de vérifier si ces arguments étaient bien scientifiques.

À deux mois de l'entrée en vigueur de l'élargissement de la vaccination obligatoire, les opposants multiplient les prises de position médiatiques. Deux figures de ce mouvement, les très controversés professeurs Henri Joyeux et Luc Montagnier, organisaient ce 7 novembre une conférence de presse destinée à "exposer leur point de vue" aux journalistes "de la presse santé, bien-être et société".

Les deux hommes prétendaient s'exprimer sur le volet scientifique du débat : Henri Joyeux sur l'adjuvant aluminique présent dans les vaccins, Luc Montagnier sur la mort subite du nourrisson.

Présentés sur le carton d'invitation comme deux intervenants "de renom", leur légitimité sur ces sujets n'est pas sans poser question, dès lors que le premier, cancérologue - et non spécialiste en épidémiologie ou en vaccinologie - a été radié par l'Ordre des médecins [1] ; le second, en dépit de titres de gloire passés, s'illustre depuis plusieurs années par la défense de diverses hypothèses scientifiques réfutées ou non-validées par des expériences reproductibles ("mémoire de l'eau", traitement de différentes pathologies lourdes par l'alimentation…).

Mais les arguments ici avancés en défaveur de la vaccination obligatoire étaient-ils, cette fois-ci, étayés par des données scientifiques solides ? Dans la foulée de la conférence, notre chroniqueur scientifique Florian Gouthière [2] est revenu sur deux des principales affirmations de la conférence de presse.

Sur la mort subite du nourrisson "qui survient après une vaccination"

L'affirmation du Pr Montagnier, pour qui "il existe (…) des observations, des faits scientifiques, des faits observés par les parents que cette mort survenait après une vaccination", a fait bondir notre journaliste, rappelant que cela fait plus de vingt ans… que l'on a réfuté cette allégation.

"La mort subite du nourrisson désigne la mort des enfants de 1 mois à 1 an apparemment en bonne santé, lors de leur sommeil", a-t-il rappelé. "À cet âge, on leur met des couches, on leur donne des petits pots pour bébé, on les vaccine, on leur chante des berceuses. La mort subite du nourrisson survient à des individus à qui on chante des berceuses, mais on ne va pas dire que les berceuses causent cette mort, évidemment…" Or, c’est précisément le type de raccourci –confondre une corrélation temporelle et un lien de cause à effet– que commet Luc Montagnier.

La question n'est pas de savoir si des nourrissons récemment vaccinés sont victimes de mort subite (car cela a de grandes chances d'être le cas même si l'action de vacciner n'a pas d'effet sur ce type d'événement), mais plutôt de savoir s'il y a plus de morts chez les vaccinés que chez les non-vaccinés.

En 2001, des chercheurs ont comparé le profil vaccinal des nourrissons victimes de mort subite et ceux d'enfants de même âge. Leur étude a montré une proportion plus importante de non-vaccinés chez les enfants victimes de mort subite que chez les autres. Autrement dit : le risque de mort subite est, objectivement, inférieur chez les vaccinés ! [3]

Les auteurs de ces travaux ont étudié des facteurs tels que le délai depuis la vaccination, le nombre de valences vaccinales reçues, etc. Bilan : il n’existe aucun lien entre vaccination et augmentation du risque de mort subite du nourrisson [4].

Sur l'aluminium vaccinal "qui part pour moitié dans le corps"

Au cours de la conférence de presse, Henri Joyeux a déclaré que l'adjuvant aluminique présent dans les vaccins restait, "pour moitié", au niveau du point d'injection "pour créer une réaction immunitaire", tandis que "l'autre moitié part dans le corps […] au niveau de l’os, soit au niveau des reins, soit au niveau du cerveau". "Et on le sait parce qu’il y a eu des études très importantes des ouvriers dans les usines de bauxite de la Maurienne, en France".

Les effets à long terme de l'exposition respiratoire d’aluminium chez des métallurgistes ont-ils quelque chose à voir avec une injection vaccinale ? Aucun.

Dans la suite de son intervention, Joyeux agite des études menées chez des animaux, parfois avec des quantités d’aluminium très largement supérieures (rapporté à leur poids) à celles présentes dans l'ensemble des vaccins potentiellement reçus par un humain au cours de sa vie.

Pour l'heure, aucune étude épidémiologique d'envergure n'a identifié de sur-risque de maladie chez l'enfant vacciné avec des produits avec adjuvants comparé à des enfants recevant des vaccins sans adjuvants (ou avec des enfants recevant un vaccin hexavalent comparé à ceux recevant un vaccin trivalent).

la rédaction d'Allodocteurs.fr


[1] Henri Joyeux a fait appel de cette décision.

[2] La déclaration de non conflits d’intérêts du journaliste, évoquée lors de l’émission, est disponible ici.

[3] Attention à ne pas confondre, là non plus, corrélation et causalité. La non-vaccination n’est pas forcément la cause du sur-risque de décès, mais peut être un facteur plus prépondérant dans un environnement qui renforce par ailleurs le risque de mort subite.

[4] En 2003, des chercheurs se sont penchés sur la qualité méthodologique des travaux qui avaient nourri la controverse, déplorant leur très grande légèreté. Plus récemment, des travaux mettant en avant un tel lien de cause à effet ont été épinglés pour la dissimulation de conflits d’intérêts et de liens avec les lobbies anti-vaccinaux

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