Mort d'un jeune rugbyman : "Au foot ou au basket, on ne meurt pas sur le terrain. Au rugby si. Ce n'est plus possible"
Jean Chazal, neurochirurgien et spécialiste des commotions cérébrales s'est exprimé sur franceinfo après la mort de Nicolas Chauvin. Il pointe notamment le physique des joueurs.
Le débat est relancé sur la violence des chocs dans le rugby. Un jeune joueur de 19 ans du Stade Français, Nicolas Chauvin, est décédé mercredi 12 décembre des suites de ses blessures après un plaquage pendant un match à Bègles, dimanche 9 décembre. Jean Chazal, neurochirurgien au CHU de Clermont-Ferrand et spécialiste des commotions cérébrales, a rappelé jeudi 13 décembre sur franceinfo, a rappelé qu'il y a un an, il avait dit qu'"un jour, il y aura un mort sur le terrain'. Il y en a trois depuis sept mois".
franceinfo : Le rugby a toujours eu une réputation de sport violent, que certains d'ailleurs contestent. D'après-vous, a-t-on passé un cap qui est inquiétant ?
Jean Chazal : Oui. Sport violent ou sport de combat, à l'origine il ne l'était pas. C'était un sport de violence stratégique et contrôlée. Manifestement, ça a dérapé. Aujourd'hui, nous sommes dans un climat inquiétant. J'ai reçu l'étiquette de lanceur d'alerte il y a maintenant plus d'un an. À l'époque, j'avais dit 'un jour, il y aura un mort sur le terrain'. Il y en a trois depuis sept mois. Le dernier date d'hier soir. C'est préoccupant. Il est maintenant temps de tout mettre à plat et de regarder ce qu'il se passe réellement.
Comment expliquez-vous cette violence croissante dans les chocs entre rugbymen ?
Je crois d'abord qu'on est dans un fait de société. La violence fait partie de notre vie quotidienne, elle s'est installée dans le sport aussi. Deuxième chose, les gabarits ont augmenté. En 15 ou 20 ans, les joueurs ont pris 10 à 15 kilos, dans chacun des postes du rugby, par des régimes spéciaux, de la musculation, des compliments nutritionnels...
Pourquoi misent-ils de plus en plus sur la force physique ?
Il y a eu des joueurs d'exception. Le premier, largement connu, c'est Jonah Lomu. Mais c'était probablement physiologique. Et puis on a vu les exceptions se multiplier, tout le monde s'y est mis. Il y a actuellement un retour en arrière. D'abord, à la tête du Top 14, on voit deux équipes qui jouent à nouveau un rugby aéré, d'évitement, stratégique, à l'image des All Blacks qui sont aussi revenus en arrière. Ils sélectionnent des joueurs moins lourds, plus rapides. C'est donc une mauvaise passe, un fait de société : c'est l'homme augmenté avec les progrès technologiques, les progrès biologiques et de l'entraînement.
C'est forcément plus spectaculaire de voir des grands gabarits, des chocs plus puissants. Est-ce que c'est le spectacle qui l'emporte ?
C'est pareil avec les bandes dessinées : les personnages passent soit par la porte, soit à travers le mur. Ça frappe plus les esprits d'exploser le mur, mais ce n'est pas raisonnable. Il y a aussi le sport "business" : il faut gagner à tout prix. Le rugby a été très médiatisé ces dernières années. C'est bien, mais on a passé les limites du sport spectacle. C'est le seul sport où on voit s'affronter des gabarits aussi différents. Au foot ou au basket, on ne meurt pas sur le terrain. Au rugby si. Ce n'est plus possible.
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