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Témoignages Comment l'endométriose leur a gâché la vie

A l'occasion d'un congrès mondial sur l'endométriose, qui s'ouvre jeudi à Paris, francetv info a recueilli les témoignages de femmes qui souffrent de cette maladie, peu connue.

Article rédigé par Tatiana Lissitzky
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Marche mondiale contre l'endométriose à Paris, le 13 mars 2014. (MAXPPP)

Véritable cauchemar pour un très grand nombre de femmes, l'endométriose est encore une maladie peu connue, car complexe. Pourtant, cette affection douloureuse, souvent handicapante, concerne une femme sur dix et est l'une des premières causes d’infertilité féminine. Caractérisée par la présence de tissu utérin en dehors de la cavité utérine, la maladie affecte les femmes à différents niveaux et peut se manifester de multiples façons, des simples règles douloureuses au pneumothorax.

A l’occasion du premier congrès mondial organisé sur ce sujet par la Society of Endometriosis and Uterine Disorders, qui s'ouvre à Paris le jeudi 7 mai, francetv info a donné la parole aux femmes qui souffrent ou ont souffert de cette maladie. 

Claire 34 ans - "Mon poumon s'est dégonflé, j'ai eu un pneumothorax"

"J'ai été réglée à l'âge de dix ans et, quelques mois plus tard, j'ai commencé à avoir des douleurs intenses lors de mes règles, accompagnées de malaises et de diarrhées, à tel point que je manquais régulièrement les cours. Personne ne voulait entendre ma douleur, c'était normal d'avoir mal. Alors, vous vous faites une raison, vous essayez de tenir, mais ce n'est pas évident. C'est aussi les réflexions de la part des proches : 'Toujours la même chose, tu te plains, tu ne viens pas.'

Puis, à 27 ans j'ai arrêté la pilule pour essayer d'avoir un enfant. Et les douleurs ont été démultipliées. Là encore, personne n'écoutait. En 2012, j'ai eu un pneumothorax, mon poumon s'est complètement dégonflé. J'étouffais et on m'a amenée en urgence à l'hôpital. J'en ai fait deux, en un mois. Le diagnostic d'endométriose n'était toujours pas posé, et c'est en regardant une émission médicale que j'ai compris. J'ai aussitôt contacté l'association EndoFrance, dont je fais désormais partie, et j'ai pris un rendez-vous avec un spécialiste. C'est à l'échographie puis à l'IRM qu'il a vu l'étendue des dégâts. Des atteintes au niveau des poumons, du diaphragme, du pelvis supérieur vers le péritoine, mais aussi au bord des intestins et de la vessie. J'ai également des kystes sur les ovaires. Concevoir naturellement un enfant m'est impossible. J'ai multiplié les fécondations in vitro, sans succès. J'ai fait une fausse couche à 12 semaines de grossesse. Je ne perds pas espoir, mais, si j'avais été diagnostiquée plus tôt, je pense que la maladie n'aurait pas atteint un tel stade."

Marie, 30 ans - "Les médecins m'ont affolée pour rien"

"Lorsque le diagnostic a été posé, j'ai suivi un traitement qui a supprimé mes règles. Je ne voulais pas d'une ménopause artificielle qui impliquait de me faire moi-même une piqûre dans le ventre. Trop difficile psychologiquement. A partir de la prise du traitement, je n'ai plus eu de douleurs, mais j'ai pris 15 kilos, j'ai vu mon corps changer et je n'avais plus aucune libido. Je me suis sentie diminuée, fatiguée, moins dynamique. J'ai eu des moments très durs et de grosses déprimes. En réalité, j'ai vieilli d'un seul coup à 24 ans.

En face, les réactions des médecins m'ont souvent choquée. Comme ce spécialiste à qui je racontais que j'avais pris beaucoup de poids et qui a conclu que, 'puisque les douleurs sont parties, c'est que vous supportez bien le traitement'. J'ai aussi eu des réflexions, d'infirmières ou de médecins, qui me conseillaient de tomber enceinte le plus vite possible, avant qu'il ne soit trop tard, alors que je n'avais ni partenaire ni travail. La dernière fois que j'ai vu mon chirurgien, il m'a dit de revenir le voir pour faire une fécondation in vitro, lorsque je voudrais un enfant. C'était pour lui impossible de faire sans. Et pourtant, quelques mois plus tard, j'étais enceinte. Après mon accouchement, je n'avais plus d'endométriose. Je suis guérie. J'en veux aux médecins de m'avoir autant affolée, alors que mes symptômes étaient moins graves que ceux présentés par d'autres femmes. Je n'ai jamais eu de kystes ou de nodules. Pourquoi m'avoir dit que je ne pourrais pas avoir d'enfants ?" 

Marie-Pierre, 33 ans - "J'espère que la maladie ne reviendra pas après mon accouchement" 

"C'est à la suite d'une IVG médicamenteuse, en 2013, que j'ai développé l'endométriose. A l'IRM, on a vu que des nodules commençaient à attaquer mes reins. J'ai heureusement été diagnostiquée et opérée à temps. Les nodules n'ont pas touché mes trompes. On m'a mise sous ménopause artificielle. Le traitement est lourd, j'avais des bouffées de chaleur, des sautes d'humeur, je n'étais plus moi-même. 

J'ai vite arrêté pour essayer d'avoir un enfant. J'appréhendais beaucoup, les médecins m'avaient prévenue que ce serait difficile. Je suis actuellement enceinte de quatre mois. Et, depuis le début de ma grossesse, je ne souffre absolument pas, mais j'espère vraiment que l'endométriose ne reviendra pas après mon accouchement."

Stéphanie, 37 ans - "J'ai subi une hystérectomie"

"Depuis la naissance de mon fils en 2007, j'avais des douleurs abdominales horribles, des règles hémorragiques qui pouvaient durer une semaine, des fatigues intenses. C'est en parlant de mes symptômes avec une amie que j'ai compris que je souffrais d'endométriose. Je devais en avoir depuis l'adolescence, mais c'est lorsque l'on m'a prescrit une nouvelle pilule après l'accouchement que la maladie s'est accentuée. J'ai développé des nodules un peu partout, notamment au niveau du rectum.

La maladie est vite devenue un handicap au quotidien, pour le travail, mais aussi pour la vie de couple. Les rapports sexuels sont très douloureux, vous n'en avez même plus envie. Le conjoint ne comprend pas toujours, alors il faut lui expliquer, lui en parler. Puis j'ai consulté un spécialiste. Je devais me faire opérer pour supprimer les zones atteintes, mais, face à l'étendue de l'affection, il ne me restait plus qu'une solution : l'hystérectomie (l'ablation de l'utérus). C'est un épisode très dur, je voulais avoir un deuxième enfant. J'avais subi plusieurs fécondations in vitro, mais ça n'avait pas fonctionné. J'ai dû me résoudre. Quand vous subissez une telle intervention, c'est votre féminité qui est atteinte. On se sent mutilée, moins femme. Six mois après mon opération, en octobre dernier, comme le corps se souvient de tout, les douleurs réapparaissent parfois."

Christelle, 36 ans -  "La peau sèche, la fatigue, la baisse de la libido... A même pas 40 ans, c'est dommage"

"Lorsque j'ai arrêté la pilule pour faire un enfant, les douleurs que j'avais à l'adolescence sont revenues en force. Les gynécologues ne voulaient rien entendre, je m'étais renseignée sur l'endométriose, mais pour eux ce n'était pas possible. On me répondait 'Faites un enfant et ça va guérir'. J'avais des douleurs atroces, des problèmes de digestion, et même des rectorragies (des hémorragies du rectum), mais les médecins ne me prescrivaient que des antalgiques. J'ai fait des recherches auprès d'EndoFrance, puis je suis allée voir un spécialiste. 

La gynécologue voulait m'opérer. J'ai refusé, car j'avais lu que, si l'on souhaitait un enfant, ce n'était pas la meilleure option. J'ai donc été mise sous ménopause artificielle et j'ai mis mon projet de bébé en suspens. Autour de moi, tout le monde commençait à avoir des enfants et moi, je ne pouvais pas. C'était très dur. Puis j'ai eu recours à une fécondation in vitro qui a fonctionné du premier coup. J'ai donc eu la joie d'avoir une petite fille, en 2007. Malheureusement, l'endométriose est revenue directement après mon retour de couches. Je suis désormais sous traitement qui reproduit la ménopause avec tout ce qui va avec : la peau sèche, la fatigue, la baisse de la libido... A même pas 40 ans, c'est dommage." 

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