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Touchers vaginaux et rectaux : "Réaliser ces gestes sans consentement est inacceptable et illégal"

Un tiers des touchers vaginaux et rectaux est réalisé par des étudiants en médecine, sans consentement du patient. Une pratique "ancienne", qui ne devrait plus exister en 2015, selon le docteur Philippe Deruelle.

Article rédigé par Marie-Violette Bernard - Recueilli par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Une opération dans un service d'urologie du groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint-Simon à Paris, le 14 janvier 2014. (GARO / PHANIE / AFP)

C'est une conclusion qui a fait grand bruit. Un tiers des touchers pelviens ou rectaux réalisés par des étudiants en médecine sur des patients endormis est effectué sans leur consentement, selon un rapport remis à Marisol Touraine, mardi 27 octobre. "L'Etat sera d'une extrême fermeté face à ces pratiques inacceptables, qui portent atteinte à l'intégrité du corps humain et aux droits fondamentaux des patients", a réagi la ministre de la Santé dans un communiqué.

Mais pourquoi ces gestes sont-ils réalisés sans le consentement des patients ? Comment faire évoluer les pratiques ? Francetv info a interrogé le docteur Philippe Deruelle, médecin au CHU de Lille et secrétaire général du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF).

Francetv info : Les touchers pelviens et rectaux sous anesthésie générale sont-ils fréquemment réalisés par des étudiants en médecine ?

Philippe Deruelle : En lisant l'enquête remise à la ministre de la Santé, il semble que cette pratique soit plus fréquente que ce que l'on peut croire. Un grand nombre d'étudiants ont visiblement été – ou sont encore – concernés par ce procédé.

Cette pratique permet aux étudiants d'apprendre à réaliser les touchers pelviens et rectaux sans qu'ils créent une gêne ou une douleur chez le patient, qui est anesthésié. Généralement, ces gestes sont en outre effectués pour permettre aux externes et aux internes de palper une pathologie présente, comme un cancer de la prostate ou un fibrome [une tumeur bénigne dans l'utérus].

Mais on ne réalise jamais un toucher vaginal ou rectal au bloc si l'intervention ne le nécessite pas. Quelqu'un qui vient se faire opérer des amygdales, ou même qui doit subir une ablation de l'utérus mais dont la palpation ne serait pas utile, ne fera pas l'objet d'un tel examen.

Dans un tiers des cas, ces gestes sont réalisés par les étudiants sans le consentement des patients. Comment expliquez-vous ce chiffre ?

Lorsque le patient doit subir une opération de chirurgie viscérale, gynécologique ou urologique, il sait que le chirurgien va procéder à un toucher vaginal ou rectal. A une époque, on ne jugeait pas choquant qu'un deuxième examen soit effectué ensuite par un étudiant en médecine, dans le cadre sa formation.

Mais il n'est pas normal, en 2015, d'effectuer un toucher vaginal ou rectal sans consentement. La loi Kouchner précise que les actes médicaux ne peuvent être réalisés qu'avec l'accord du patient. Dans certains cas, cet accord est tacite, comme pour la pose d'une perfusion par une infirmière. Mais il faut que le patient soit informé de ce qui va se passer.

Une tribune publiée en février affirme que ces touchers sans consentement révèlent un manque d'éthique de la part des médecins. Partagez-vous cette opinion ?

Je ne crois pas que ce soit une question d'éthique. Il s'agit de pratiques anciennes, qui se transmettent encore dans certains établissements, mais qui ne sont pas réalisées dans le but de nuire. L'objectif est au contraire de former les futurs médecins afin que leurs patients soient pris en charge le mieux possible par la suite.

Mais on ne peut plus raisonner comme cela aujourd'hui. Comme l'a dit Marisol Touraine, la réalisation de ces gestes sans le consentement du patient est inacceptable et illégale.

Les auteurs de cette tribune ajoutent que le toucher vaginal sans consentement pourrait "être assimilé, au sens pénal, (...) à un viol". Que répondez-vous à cela ?

Encore une fois, la volonté du chirurgien est de former un étudiant, et non de nuire au patient. Il est excessif de crier au viol, car le patient sait la plupart du temps qu'un médecin va effectuer un toucher dans le cadre de l'opération. Est-ce que le fait de subir deux examens au lieu d'un seul change quelque chose pour le patient ? Je ne sais pas.

Certaines situations sont par ailleurs bien plus traumatisantes pour les patients que les touchers sous anesthésie. Un manque d'empathie de la part du médecin, au quotidien, peut être bien plus difficile à vivre. Quoi qu'il en soit, je le répète, il ne doit pas y avoir de toucher pelvien ou rectal sans consentement du patient.

Marisol Touraine a promis de lancer une mission d'inspection au sein des établissements, et appelle à renforcer l'apprentissage par simulation : approuvez-vous ces initiatives ?

Je ne suis pas certain que l'inspection au sein des établissements soit efficace. La ministre de la Santé a en revanche raison de rappeler aux directeurs d'établissements, ainsi qu'aux praticiens, que le consentement du patient doit obligatoirement être recueilli avant un examen.

Sa proposition de développer l'apprentissage par simulation me semble en outre une priorité. Ces manipulations [sur mannequins] permettent aux étudiants d'apprendre à réaliser les touchers, de façon à ce qu'ils puissent ensuite les effectuer correctement sur les patients, que ce soit dans un bloc opératoire ou dans une salle d'examen. Il faut donc mettre le paquet sur cette initiative, et doter la France d'outils de simulation pour mieux former les étudiants.

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