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Un tiers des dentistes refusent de soigner les patients séropositifs

Une opération de testing réalisée auprès de 440 cabinets par l'association Aides révèle qu'un tiers des chirurgiens-dentistes refusent de soigner les patients séropositifs. Frontalement ou par des moyens détournés, ils appliquent souvent par ignorance une discrimination dans l'accès au soin, directement liée à la pathologie du VIH. Une attitude illégale dénoncée par l'Ordre de la profession.
Article rédigé par Arnaud Racapé
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (Un tiers des chirurgiens-dentistes refusent de soigner les patients séropositifs, selon un testing réalisé par l'association Aides © MAXPPP)

L'opération de testing menée par l'association Aides met en évidence des pratiques illégales de la part de certains chirurgiens-dentistes, qui refusent directement ou indirectement de soigner les patients porteurs du virus du Sida.

L'opération est unique en France, et son résultat tout autant. Alertée par des personnes séropositives sur les refus de soin dont ils sont victimes, notamment pour les soins dentaires et de gynécologie, l'association Aides a décidé de tester ces informations, et le constat est alarmant.

Un tiers de refus

Sur 440 chirurgiens-dentistes sollicités pour prendre un rendez-vous, 33,6% des praticiens ont refusé de prendre en charge la personne lorsqu'elle s'est déclarée séropositive. 3,6% ont opposé un refus clair et frontal, et 30% un refus déguisé, usant d'arguments divers pour dissuader l'interlocuteur de venir se faire soigner. Près de 17% de ces refus ont été identifiés comme des pratiques de discrimination ou de disparité de traitement, directement en lien avec le pathologie VIH.

"Les gens comme vous vont plutôt à l'hôpital"

Aides a enregistré ces fausses prises de rendez-vous réalisées sur un panel de praticiens dans 20 villes de France, et donc le florilège d'arguments, parfois totalement insensés, avancés par les professionnels pour ne pas recevoir le patient.

Un document audio est disponible en ligne, il est édifiant quant à l'ignorance dont font preuve certains praticiens ou assistants de praticiens. On peut y entendre, par exemple, des phrases telles que "Je n'ai pas le matériel nécessaire, désolé", "la docteur n'est pas formée pour ce type de patients ", ou encore "Ah, vous êtes séropositif ? par contre je dois vous dire que c'est 150€ pour un détartrag e". 

D'autres acceptent le patient, tout en insistant pour décaler le rendez-vous en fin de journée : "Je m'arrangerai pour qu'il n'y ait personne après vous ", sous-entendu pour avoir le temps de nettoyer ses outils comme il de soit.

"Je tombe des nues, c'est inadmissible"

Pour le directeur général délégué de l'association Aides Marc Dix-neuf, ces résultats sont inquiétants à deux titres : "ça veut dire que les praticiens ne sont pas bien informés sur les risques d'infection au VIH, et deuxièmement, et d'une manière générale qu'ils appliquent assez mal les bonnes pratiques cliniques. (...) c'est quelque chose qu'on voit assez régulièrement, on renvoie la personne vivant avec le VIH en fin de journée, on se dit 'comme ça on est tranquille'. Vraiment c'est un mauvais signe ."

Plus qu'un mauvais signe, une absurdité, dénoncée par Christian Couzinou le président du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, qui n'en revient toujours pas : "Je suis abasourdi. Ces chirurgiens-dentistes sont répréhensibles, c'est inadmissible ce qu'ils ont fait, c'est illégal, et je crois que ces patients qui sont refusés doivent déposer une plainte auprès du Conseil départemental de l'ordre, on les poursuivra, il n'y a aucun problème là dessus ".

Christian Couzinou ajoute que les chirurgiens-dentistes soignent sans doute des personnes porteuses du VIH régulièrement, mais qui ne le mentionnent pas comme c'est leur droit, ou encore qui l'ignorent : "Il y a des patients qui sont porteurs du HIV qui ne le savent pas, donc vous les traitez exactement de la même façon. Le cabinet dentaire est un miileu sûr, on travaille avec des gants, on travaille avec des masques, tout est stérilisé, donc je comprends pas franchement que des chirurgiens-dentistes refusent en 2015 de soigner qui ont le HIV (...) c'est aberrant, je tombe des nues" .

Les gynécologues s'en sortent mieux

Egalement sollicités au cours du testing, les gynécologues ont montré de meilleurs réflexes : 6% des 116 professionnels appelés ont refusé, directement ou indirectement, la prise de rendez-vous. Mais les pratiques discriminatoires, même plus marginales, sont présentes également au sein de la profession.

Dans un communiqué de presse, le Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes dit prendre "connaissance de l'étude menée par l'Association de lutte contre le sida Aides, et s'émeut profondément des conclusions de ce testing qui appellent sa réaction immédiate." 

Le Conseil national de l'Ordre des chirurgiens-dentistes affirme également dans ce communiqué que des sanctions pourraient être prises. "Le Conseil National confirme avec fermeté qu'aucune personne ne peut faire l'objet de discriminations dans l'accès à la prévention et aux soins. Les chirurgiens-dentistes qui ne respecteraient pas ce principe fondamental légal et déontologique s'exposent à des poursuites, tant devant les juridictions disciplinaires, que pénales. "

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