Vendée : des "dysfonctionnements graves" dénoncés dans un hôpital psychiatrique par la Contrôleuse générale
Absence d'intimité, mesures d'isolement excessives... Des contrôleurs alertent sur des "atteintes aux droits fondamentaux des personnes hospitalisées graves et généralisées" au sein d'un établissement public de santé mentale de La Roche-sur-Yon.
La Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot, dénonce "un nombre important de dysfonctionnements graves portant atteinte à la dignité des patients et à leurs droits fondamentaux" au sein de l'établissement public de santé mentale (EPSM) de Vendée, au centre hospitalier Georges Mazurelle de La Roche-sur-Yon, dans un rapport publié jeudi 26 octobre.
Six contrôleurs ont visité l'établissement du 27 juin au 6 juillet 2022. Celui-ci dispose de 822 lots dont 341 pour des hospitalisations à temps complets, répartis dans douze unités, dont quatre d'admission, trois unités pour enfants et une pour adolescents. Ils alertent sur des "atteintes aux droits fondamentaux des personnes hospitalisées graves et généralisées".
Plusieurs patients "ont exprimé un sentiment d'insécurité"
Selon eux, "l'intimité des patients n'est pas respectée" dans les unités gérontopsychiatriques qui comptent 100 lits au total, puisque les patients ne peuvent pas fermer à clé la porte de leur chambre ni de leur espace sanitaire contenant les toilettes et la douche, et ce même dans les chambres doubles. Plusieurs patients se plaignent d'intrusion et "ont exprimé un sentiment d'insécurité". La tutrice d'une patiente a même déposé plainte contre un autre en avril 2022.
Par ailleurs, la Contrôleuse rappelle que "les patients en soins libres doivent pouvoir circuler librement" et que "les restrictions imposées aux patients hospitalisés sans leur consentement doivent être justifiées", alors que les portes de 5 unités sur 12 sont fermées et que, même les patients en soins libres, doivent attendre qu'un soignant leur ouvre.
La moyenne des mesures d'isolement "remarquablement élevée"
Il en va de même pour la durée des mesures d'isolement et de contention, souvent trop longue et pas toujours décidée par des psychiatres. En 2021, la durée moyenne des mesures d'isolement était "remarquablement élevée", souligne le rapport, à savoir 157 heures (soit plus de six jours et demi) chez les adolescents, 209 heures en chambre d'isolement et 433 heures dans d'autres chambres. Les durées de contention varient entre 74 et 220 heures, mais un patient est resté attaché 600 heures, soit 25 jours. Le recours à ces mesures doit donc "être réduit", recommande la Contrôleuse.
"Les mesures d'isolement et de contention ne peuvent être qu'exceptionnelles et motivées par la seule nécessité de 'prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui'", rappelle aussi Dominique Simonnot, alors que ses contrôleurs ont constaté que certaines de ces mesures étaient prescrites "si besoin", par exemple, si le patient est agressif, s'il urine sur le sol ou s'il insulte le personnel soignant. Elle martèle également que ces mesures ne peuvent viser des patients en soins libres.
Un manque de soignants
Sur place, les contrôleurs ont également constaté de "très graves difficultés de ressources humaines", puisque 18 postes de psychiatres et 40 d'infirmiers sont vacants et que les médecins sont "insuffisamment" présents dans les unités et voient souvent les patients lors d'entretiens "dont la durée peut être inférieure à cinq minutes".
De plus, "un grand nombre de soignants déplorent ne pas être suffisamment formés pour assurer l'information des patients" en soin sans consentement. Ces patients connaissent en effet rarement leurs droits et ne savent pas qu'ils peuvent faire un recours de la décision du juge des libertés et de la détention qui a ordonné leur hospitalisation. Juge qu'ils ne rencontrent d'ailleurs pas toujours ou dont ils apprennent les décisions des mois plus tard. "Il doit être mis fin aux hospitalisations arbitraires", conclut la Contrôleuse.
"Une réorganisation des fonctions médicales est en cours"
Dans une lettre adressée à l'hôpital psychiatrique jeudi, le ministre de la Santé, François Braun, explique que "la direction de l'établissement s'est engagée dans l'élaboration d'un plan d'actions immédiat que le rapport appelait". Les services de l'agence régionale de santé se sont par ailleurs déplacés dans l'établissement le 8 septembre 2022.
François Braun pointe notamment le fait que "les ressources humaines de l'établissement connaissent des tensions démographiques", avec un manque de psychiatres. "Une réorganisation des fonctions médicales est en cours", assure-t-il. Il poursuit en assurant que "des mesures relatives à la protection de l'intimité physique des patients ont été prises". Enfin, selon François Braun, "d'autres mesures relatives aux droits des personnes hospitalisées sans leur consentement ont été engagées".
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