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''C’est une passion, du scoutisme pour adultes !'' : le ras-le-bol des survivalistes qui ne veulent plus être associés à des sectes ou à l'extrême droite

L'enlèvement de Mia, 8 ans, par un groupe d'hommes associés dans un premier temps à la ''mouvance survivaliste'' a crispé cette communauté, lassée d'être associée à un mouvement sectaire ou assimilée à des fanatiques complotistes, forcément armés et paranoïaques.

Article rédigé par Ludovic Pauchant
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
Un homme allume un feu dans la nature, dans l'Hérault, le 26 novembre 2017. (VINCENT PEREIRA / MAXPPP)

La communauté des survivalistes se serait bien passée de cette nouvelle publicité désastreuse. Las : quelques heures après l'enlèvement de la jeune Mia, 8 ans, finalement retrouvée en Suisse saine et sauve avec sa mère, qui en avait perdu la garde, sur les ondes de toutes les radios de France, dont franceinfo, se répand le murmure d'une opération fomentée par un commando de survivalistes. Excitant, au passage, l’intérêt de l'auditeur, tant le terme cavale dans un sulfureux paysage : Cassandre fanatiques, fin du monde, "effondrement", abri antiatomique, rations de survie, chasse à l'arc et masques à gaz militaires.

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Dans les forums spécialisés, ceux qui manifestent un intérêt pour le survivalisme s'agacent et tempêtent : ''Les gens ont peur de ce qu'ils ne connaissent pas : en quoi sommes-nous une secte ou dangereux ?, s'indigne Erik, 41 ans. J'emmène ma femme et mon fils faire des 'explos' en forêt sur un week-end, on est au grand air, on se retrouve et on déconnecte. En même temps on se teste, comme un entraînement, au cas où...''

"La plupart des journalistes qui publient des torchons sur nous ne prennent pas la peine de venir discuter, peste de son côté Antoto Run sur la page Facebook ''Survivalistes de France''. Ce sont des articles qui font la synthèse de deux ou trois autres, avec un peu de préjugés personnels pour assaisonner le tout.''

Le survivalisme n'est pas un ami très présentable

Il faut dire que dès ses origines, le survivalisme n'est pas un ami franchement présentable. Ne serait-ce qu'en raison de la personnalité de Kurt Saxon, qui théorise le mouvement dans les années 1960 (NDLR : la paternité du mot est incertaine, mais l'importance de Kurt Saxon, dans l'émergence et la popularisation du concept, fait relativement consensus).

Kurt Saxon, Donald Eugene Sisco de son vrai nom, est ainsi membre du Parti nazi américain, de la John Birch Society, un mouvement d'extrême droite américain, de l'Église de Satan puis, enfin, de la scientologie. Le libertarien prétend alors former les Wasp (White anglo-saxon protestant) à s'imposer et dominer ceux qu'ils considèrent comme les ennemis du peuple. Avec, parmi eux, en premier lieu, évidemment les communistes, anarchistes et autres gauchistes, mais aussi les toxicomanes et les étudiants. En termes d'ascendance, on a connu plus séduisant... Cette dernière est quasi unanimement rejetée de nos jours par l'immense majorité des néo-survivalistes, notamment français, qui y voient davantage une pratique axée sur l'autonomie et l'indépendance vis-à-vis du système économique et des infrastructures étatiques, proche de la nature.

''C'est un divertissement, un hobby''

''Apprendre les techniques de survie, c’est un divertissement, un hobby, une passion, du scoutisme pour adultes qui s’amusent pour l’immense majorité'', explique l'internaute Cyril S. sur la page de ''Survivalistes de France''.

"Cela fait appel à notre instinct de survie, nous ramène en enfance, dans un pays comme le ou les nôtres qui ne sont pas en guerre et où la survie consiste surtout à travailler pour avoir de l’argent et pallier le troc qui n’existe plus et avoir une carte bancaire pour vivre au quotidien.''

Cyril S.

sur Facebook

"Le survivalisme est une approche intelligente pour prévoir l’imprévisible, complète Terry D., un autre internaute, sur le même forum. Une philosophie de vie pour la protection de nos proches, peut-être illusoire, mais ô combien rassurante." D'autant que si une minorité affiche une vision égoïste du survivalisme (avec l'''effondrement'', quelques élus, mieux préparés que les autres, survivront et chacun devra compter sur soi pour ne pas périr), une majorité donne à voir un altruisme de bon aloi, avec l'idée que les rapports horizontaux dans la transmission des savoirs et du savoir-faire peut profiter à toute la communauté.

"Est-ce que ça embête quelqu'un si ça m'amuse de penser que peut-être, un jour, tout foutra le camp et que je ferai partie de ceux qui ne subiront pas parce que je me suis préparé, s'interroge Gaétan, 32 ans. Il y a quelques mecs un peu 'borders' chez les survivalistes, mais on est dans la moyenne... Et même ceux qui aiment les armes, ou un peu 'fana-mili', ça embête qui ? Les chasseurs aussi achètent des armes."

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À cet égard, cet attrait pour les objets du domaine militaire (armes, couteaux, masques à gaz, rations de survie, munitions, lampes puissantes, sac à dos à motif camouflage) semble plutôt relever davantage du fétichisme du collectionneur que d'une attirance morbide pour les armes ou un processus rationnel d'équipement imposé par la perspective d'avoir à survivre dans le chaos après "l'effondrement", un terme souvent utilisé par les survivalistes et collapsologues. Yves Cochet, docteur en mathématiques et ancien ministre de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement dans le gouvernement de Lionel Jospin, avait défini l'''effondrement'' ainsi : "Un processus à l’issue duquel les besoins de base (eau, alimentation, logement, habillement, énergie, mobilité, sécurité) ne sont plus fournis à une majorité de la population par des services encadrés par la loi."

Il s'agit, pour certains néo-survivalistes, d'une crainte qu'ils estiment fondée et qu'il faut anticiper. Dans les groupes de discussions, sur internet, ces survivalistes-là ne sont pas légion, même s'ils existent bel et bien et sont l'une des composantes de cette communauté à tout le moins hétérogène. La plupart voient plutôt l'''effondrement'' comme une éventualité, une raison d'acquérir des compétences, comme le bushcraft, la chasse, allumer du feu, se réchauffer et se nourrir dans la forêt, etc. En somme, comme un totem de jeu pour scouts adultes ou amoureux de sensations extrêmes dans la nature.

"Ils ne cherchent pas la survie, ils cherchent à vivre autrement"

''Il y a les survivalistes que j'appelle optimistes, ceux qui se préparent à un effondrement du système partiel et qui commencent à aller chercher l'autosuffisance et l'autonomie, expliquait le 16 avril sur franceinfo Laurent Combalbert, ancien négociateur du Raid. Et puis, de l'autre côté, il y a les survivalistes agressifs, qui sont dans une logique d'effondrement presque volontaire, recherchée, qui se retrouvent par quelques centaines sur des réseaux et sur des pages spécialisées.''

"Le terme de survivaliste pour cette première catégorie est exagéré, poursuit ce spécialiste des kidnappings et des mouvements survivalistes et collapsologues. Ils ne cherchent pas la survie, ils cherchent à vivre autrement."

"Les survivalistes agressifs ou les 'effondristes', ceux qui cherchent l'effondrement du système sont dans une logique d'armement, plutôt solitaires, par petits groupes, petites meutes."

Laurent Combalbert

à franceinfo

"Ils sont plutôt dans la logique que si le système s'effondre, poursuit Laurent Combalbert, les gens ne vont pas s'entraider, mais vont s'entretuer et il faudra survivre le temps qu'un nouveau système social s'organise. À l'inverse, les autres sont plutôt dans la recherche de l'autosuffisance, de l'autonomie énergétique, du localisme, arriver à se nourrir localement, avoir un impact écologique le plus léger possible, réduire sa consommation. Donc ils sont plutôt solidaires et jouent sur l'entraide." À quelques lieues, donc, du fantasme du loup solitaire, armé et paranoïaque.

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