Films, Internet, jeux vidéo : les nouvelles armes de recrutement du djihad
La sous-culture du djihad. Force est de constater que la propagande des groupes islamistes radicaux est très structurée et très pointue. En fait, chaque organisation djihadiste a sa branche média. Et les terroristes du groupe de l’Etat Islamique en ont même plusieurs. Il y a Al Furqan, spécialisé dans les communiqués officiels du groupe et qui a réalisé, semble-t-il, des vidéos de décapitations, comme celle de James Foley. Il y a aussi la branche Al Hayat, qui diffuse vidéos, photos, magazines. Ça semble fou, mais Daech a son propre magazine, Dabiq , qui est édité en arabe, en anglais, en français ou encore en russe, le tout est donc bien ficelé.
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Et ça aussi c’est une marque de fabrique, explique notre confrère de RFI, David Thomson. Il est notamment l’auteur du livre Les français Jihadistes . "Toutes les productions médiatiques de l’Etat islamique reprennent les codes cinématographiques occidentaux sur la réalisation, la narration… L’objectif est d’utiliser les instruments qui ,à leurs yeux, constituent une propagande occidentale avec une autre propagande qui est djihadiste ".
"Parfois les djihadistes reproduisent des scènes de certains films [exécutions, attentats, assassinats NDLR] réalisés par Hollywood, sauf que là on est dans la réalité" (David Thomson)
La réalité est donc photographiée, tweetée, partagée, montée, parfois mise en musique, souvent exagérée. Bref, tout ça est proche du marketing. Une communication massive, omniprésente conçue comme une arme à part entière et qui vise des cibles : musulmans traditionnels ou reconvertis, ennemis, jeunesse occidentale ou occidentalisée, consommatrice d’instagram et de vidéos virales.
Pour Asiem El Difraioui, politologue et spécialiste des groupes djihadistes, tout cela relève d’une "sous-culture du djihad ", qui a inventé ses propres codes. Et qui n’est pas à une incohérence près. "Théoriquement ", explique-t-il, "ces djihadistes rejettent complètement l’image. Mais là, l’image est devenue leur arme principale et ils sont en contradiction totale avec leur propre dogme ".
Des jeux vidéo façon djihad
Il faut dire que beaucoup de jeunes partis rejoindre les groupes terroristes en Irak ou en Syrie ont eux-mêmes été séduits par ces photos ou ces vidéos sur internet. Ils en connaissent la force et c’est précisément pour ça qu’ils continuent à photographier, filmer et partager leur quotidien une fois sur le terrain.
En la matière, c’est Al-Qaida qui avait tout inventé. Mais aujourd’hui, l’élève Daech a dépassé le maître, investissant tous les champs de bataille possibles y compris le jeu vidéo. GTA version djihadiste par exemple, avec un l’air de Salil Sawarim, un chant religieux, (un nashid qui dans son genre est peu un tube), et qui sert ici de bande son guerrière.
GTA c’est tout simplement LE produit culturel le plus vendu dans le monde. Al-Qaida avait déjà produit un jeu assez abouti dans lequel il fallait tuer George Bush à la Maison Blanche. Et puis il y a le cas des jeux en réseau, rappelle Olivier Mauco, spécialiste de l’utilisation politique des jeux vidéo. World of Warcraft, le plus populaire, compte près de huit millions de joueurs qui y nouent parfois des liens très forts.
"Il y a déjà eu un usage des jeux vidéo par des groupes terroristes à des fins de communication, ils s’en servaient comme un chat. La CIA investigue dans ces mondes ". Les autorités américaines estiment que le jeu vidéo "peut être un des médias les plus modernes pour faire porter un discours, faire vivre des expériences et fédérer une communauté ", explique le spécialiste.
Les jeux vidéo, nouvelle arme dans l’arsenal de propagande des mouvements djihadistes ? Quelque part ce n’est pas une invention. Les Etats-Unis, la Chine ou même l’Iran les utilisent depuis longtemps déjà ces terrains virtuels pour faire mettre en scène des combats contre leurs ennemis du moment.
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