L'hégémonie de Google sur la sellette
"Google détourne le
trafic " sur Internet, selon le commissaire européen à la Concurrence
Joaquin Almunia. Dans un entretien accordé jeudi au Financial Times , il met en
cause "la manière dont Google présente ses propres services ", qui
fait déjà l'objet de plusieurs plaintes et d'enquêtes pour abus de position
dominante.
L'Union européenne
reproche à Google de toujours mettre en avant ses propres moteurs de recherche
verticale. En clair, cela signifie que lors d'une recherche concernant un film
à l'affiche, par exemple, le premier résultat sera fourni par Google Movies, et
non par un site tiers. Même chose, par exemple, pour les comparateurs de
voyages.
Une enquête ouverte
depuis 2010
En réalité, ces soupçons de
"traitement préférentiel " visant Google ne sont pas nouveaux. En
novembre 2010, le portail de comparateurs de prix Ciao!, détenu par Microsoft,
a déposé une plainte devant la Commission européenne, qui a ouvert une enquête.
Un moteur de recherche français spécialisé dans le droit, eJustice, a également porté plainte. Il accuse Google de l'avoir "déréférencé",
de sorte que les résultats d'eJustice n'apparaissent plus dans Google. La
raison ? Selon Dominique Barella, le créateur du site, qui répondait au moment de la plainte au site
Rue89, "Google nous a envoyés au tapis trois fois. Ils ont fait
pression pour qu'on passe sous leur algorithme, et pour qu'on utilise leur
système de publicité ", ce qu'ils avaient refusé. En 2012, les plaintes
des sites de voyage Expedia et TripAdvisor se sont ajoutées aux plaintes déjà
existantes.
En décembre dernier, les
relations entre Google et l'Union européenne semblaient s'être améliorées :
après un entretien avec le PDG de Google Eric Schmidt, Joaquin Alumnia avait
déclaré que les "divergences avaient été réduites ", et qu'un engagement
aurait lieu en janvier 2013. Sans quoi des sanctions pourraient être imposées à
Google, à hauteur de 10% de son chiffre d'affaires.
Des plaintes concernant
des brevets
Aux Etats-Unis aussi, plusieurs
plaintes soupçonnant Google de pratiques anti-concurrence avaient été déposées
devant l'équivalent de l'autorité de la concurrence, la FTC. Mais cette dernière a blanchi début
janvier Google dans une enquête analogue : selon elle, la modification de la
présentation des résultats, au même titre que la modification de l'algorithme, peuvent
se justifier par un souci d'améliorer le fonctionnement général du moteur de
recherche.
La plainte contre Google
devant la FTC contenait toutefois un autre volet, portant sur la propriété
intellectuelle, sur lequel Google a dû céder du terrain. Car le géant américain
a racheté Motorola Mobility en mai dernier, enrichissant considérablement son
portefeuille de brevets. Google a dû s'engager à lâcher du lest sur les
conditions d'accès aux brevets "essentiels " en matière de
téléphonie, c'est-à-dire aux technologies qui sont devenues – ou sont en passe
de devenir – des standards. La FTC et Google ont donc signé un accord sur
des conditions d'accès "justes, raisonnables et non discriminatoires "
à ces technologies mobiles. Conséquence : mercredi 9 janvier dernier, Google a
abandonné deux plaintes pour violation de brevets engagées contre Microsoft.
Dernier volet de l'affaire
: un volet commercial, visant les services de publicité en ligne de Google, AdWords et AdSense. Jusqu'à présent, Google empêchait ses annonceurs de mener une même
campagne de publicité sur plusieurs plate-formes. Désormais, selon l'accord
conclu, les annonceurs pourront exporter leurs campagnes AdWords vers d'autres
vendeurs d'espace publicitaire.
Un géant tout-puissant
?
La question de l'hégémonie
de Google, et pas seulement en matière de concurrence, est régulièrement posée.
Depuis des mois, les fournisseurs d'accès à Internet sont eux aussi en guerre contre
Google, pour des raisons de partage des bénéfices. Le trafic croissant
d'internautes sur les sites de vidéo en ligne, dont YouTube – filiale de Google
– oblige les fournisseurs d'accès à acquérir plus de serveurs, pour augmenter
le débit de données disponibles. Pour les FAI, Google doit mettre la main au
portefeuille et aider les investissements nécessaires. Le point d'orgue de
cette confrontation est intervenu début janvier, avec le blocage par Free des
publicités provenant de Google, en signe de menace.
La presse, en outre, ne
manque pas de manifester son mécontentement envers le moteur de recherche, qui
dispose d'une rubrique "actualités" référençant le contenu des sites
d'information. Faute d'un accord sur la rétribution des éditeurs de presse, le
gouvernement pourrait imposer à Google une taxe, sorte de "droit
d'auteur". Ce vendredi, la ministre de la Culture Aurélie Filipetti a fixé
un ultimatum à fin janvier pour un compromis entre Google et l'Etat sur cette
question.
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