Le gouvernement veut surfer sur le financement participatif
Pierre Moscovici, ministre de l'Economie, a présenté mercredi matin en Conseil des ministres son projet de "simplification et de sécurisation de la vie des entreprises ". Celui-ci comporte une partie sur le financement participatif, avec pour objectif d'assouplir dans les grandes largeurs la règlementation de ce secteur d'activités.
Cet ensemble de mesures intervient alors que l'économie du financement participatif est en plein boom. Le magazine Forbes prévoit d'ailleurs que le marché du crowdfunding atteindra 1.000 milliards de dollars en 2020.
► ► ► 2013 : What's in store for crowdfunding and angel investors
Comme l'explique Vincent Ricordeau, co-fondateur de Kiss Kiss Bank Bank, une des principales plate-formes de financement participatif en France : "l'absence de cadre réglementaire ne nous empêchait pas de fonctionner, car nos volumes financiers étaient tout petits. Comme nos volumes commencent à être conséquents, on a voulu nous sortir de la zone grise et nous mettre dans une zone régulatoire visible ".
Créer un véritable marché
Sans cadre réglementaire adapté, les plate-formes de financement participatif auraient tout simplement été forcées de fermer, selon Vincent Ricordeau. Or, l'Etat ne veut pas prendre le risque de laisser ses start-up s'envoler vers d'autres pays, comme les Etats-Unis, où la réglementation vient de s'adapter à ces sites et au potentiel économique qu'ils représentent.
Résultat, les différentes mesures vont élargir le champs d'action de ces structures, leur permettant de créer un véritable marché, ouvert aux investissements et aux spéculations, notamment. "*Cela va permettre à ce marché en pleine explosion de continuer sa marche en avant, mais dans un cadre règlementaire * ", indique Vincent Ricordeau.
► ► ► Le "crowdfunding" à la recherche d'un cadre juridique
Trois mesures pour un boom
Dès lors, créer un cadre juridique pouvant encadrer les sites de financement participatif (et leurs abus) était nécessaire pour le gouvernement. Ce sera bientôt chose faite, avec le projet de loi de Pierre Moscovici. Celui-ci contient trois mesures phares, et qui concernent trois secteurs différents. Nous vous les détaillons ici :
Plate-formes d'actions : la création d'un statut de conseiller en financement participatif
C'est le changement le plus marquant, et le plus rapide, puisqu'il va être mis en place par ordonnance, sans la nécessité de validation par la Commission européenne. Aujourd'hui, certaines plate-formes, communément appelées les "plate-formes d'investissements en actions ", commercialisent les actions des sociétés. D'une manière simple et directe, un internaute peut se rendre sur cette plate-forme, choisir le montant de son action, et choisir l'entreprise dans laquelle il souhaite investir.
► ► ► Voir l'infographie des Echos sur les différents secteurs du financement participatif
Le problème, c'est que pour prétendre à ce fonctionnement, la plate-forme en question devait posséder des fonds propres "gigantissimes ", selon Vincent Ricordeau. "Pour pouvoir offrir ce service, il fallait accéder à un statut de conseiller en investissement, qui vous demandait des fonds propres de 650.000 euros ", explique-t-il. Des fonds propres qu'une petite société de financement participatif n'était absolument pas en mesure de fournir. Normal, puisque cette règlementation avait été conçue pour encadrer les banques et les assureurs.
Désormais, un nouveau statut sera créé, spécialement pour ces plate-formes de crowdfunding * : celui de "conseiller en financement participatif* ". Il permettra d'alléger les procédures et de réduire le besoin en fonds propres à hauteur de 100.000 euros.
Plate-formes de prêts : il sera désormais possible de prêter aux entreprises
Aujourd'hui, un particulier n'a pas le droit de prêter à une entreprise contre rémunération à travers des plate-formes de financement participatif. Cela devrait changer. "Le mécanisme est complètement interdit. Il semblerait que ce qu'on appelle des prêts participatifs, aujourd'hui réservés aux entreprises, soient ouverts, à l'avenir, aux particuliers, ce qui leur permettrait d'investir dans des entreprises à travers ces prêts ", explique Vincent Ricordeau.
Cette mesure doit encore être validée par la Commission européenne, à priori autour de fin septembre. "Pas d'effet immédiat, mais on est sur la bonne voie ", juge le co-fondateur de Kiss Kiss Bank Bank.
Plate-formes de dons : un allègement des statuts et moins de blocages
Cette dernière catégorie de plate-formes est la plus connue et celle qui rapporte aujourd'hui le plus d'argent. C'est aussi la moins réglementée, et donc celle qui fonctionne le plus librement. La raison de cette relative liberté est simple : l'argent est généré dans de petits volumes. Or, ces volumes sont en train d'exploser actuellement.
Problème : la législation qui encadre aujourd'hui ces plate-formes est celle des banques et des assureurs. Or il est impossible pour ces structures de se plier à toutes les conditions financières qui sont demandées, notamment à l'obtention d'un "agrément d'établissement de paiement ". C'est-à-dire une forme de "caution", donnée par un établissement bancaire.
Une caution extrêmement difficile à trouver pour un petit établissement souhaitant se lancer, et qui bridait le marché, puisque seules les grosses structures, telles que KissKissBankBank, étaient en mesure d'obtenir. Cette demande d'agrément devrait, selon toute vraisemblance, être allégée. La Commission européenne devra également donner son avis sur la question.
Pour aller plus loin : Les Echos proposent le travail de l'ACP (Autorité de contrôle prudentiel) et l'AMF (Autorité des marchés financiers), qui ont élaboré le "guide du financement participatif " .
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