L'autodépistage du sida, bientôt en France ?
Un comité d'experts a recommandé mardi à l'Agence américaine des médicaments d'autoriser la vente libre d'un test buccal permettant de dépister le HIV à domicile.
Un comité d'experts indépendants a recommandé mardi 15 mai à l'Agence américaine des médicaments (la Food and Drug Administration, FDA) d'autoriser pour la première fois la vente libre d'un test d'autodépistage du sida. Baptisé OraQuick In-Home HIV, il s'agit d'un tampon buccal qui, au contact du fluide muqueux oral (sécrété à la base des gencives), produit des résultats en vingt minutes. Si le sujet est séropositif, une ligne violette apparaît, comme pour les tests de grossesse. FTVi vous dit ce que valent ces tests, dont la vente n'est pas encore envisagée en France, et où en est l'Hexagone dans les stratégies de dépistage.
Un test a priori fiable, déjà utilisé en Europe
Quelques jours avant la réunion du comité, des experts de la FDA se sont inquiétés de la fiabilité de l'OraQuick In-Home HIV, car les anticorps permettant d'établir un diagnostic sont largement moins nombreux dans le fluide muqueux oral que dans le sang. Mais une étude conduite en janvier dernier par le Centre universitaire de santé McGill, à Montréal (Canada), a montré que le test buccal d'autodépistage OraQuick était "comparable, en termes de précision et d'efficacité, au test sanguin traditionnel".
A l'instar des tests sanguins classiques, ces versions express ne sont vraiment fiables que trois mois après une possible contamination, mais elles sont opérantes. Un essai clinique mené par le fabricant a montré que le test buccal permettait de détecter avec succès une contamination par le VIH dans 93% des cas, soit légèrement au-dessous du seuil de 95% recommandé par la FDA. En revanche, le test a été exact à 99% pour indiquer qu'une personne n'était pas séropositive. Il devrait jouer un rôle important pour ralentir la propagation du VIH. Le dispositif existait déjà sous un autre nom, OraQuick Rapid HIV, depuis 2006, mais il devait être effectué sous surveillance médicale. En 2009, le Royaume-Uni l'a adopté. Mais pas la France.
En France, on pointe "un problème éthique"
Dans l'Hexagone, aucune étude n'est actuellement menée sur ces tests buccaux. Outre le débat autour de la fiabilité de certains dispositifs, il existe "un gros problème éthique", explique le Pr Christine Rouzioux, chef de service en virologie au CHU Necker, à Paris. Car si le test d'autodépistage est commercialisé en libre-service, "on aura des gens qui se retrouveront face à un résultat positif, livrés à eux-mêmes", sans accompagnement psychologique, ni personne pour leur proposer une prise en charge médicale. De plus, "on ne considère pas que c'est une urgence, puisqu'on a en France une offre de santé publique incomparable avec celle des Etats-Unis, avec des structures comme les centres de dépistage anonyme et gratuit (CDAG)", ajoute-t-elle.
Ces centres, conscients que le délai d'obtention des résultats (jusqu'à une semaine en CDAG, quelques jours en labo ou à l'hôpital) dissuade certaines personnes, utilisent de plus en plus les tests de dépistage rapide par le sang, qui permettent un diagnostic en trente minutes et existent depuis une quinzaine d'années dans les labos français.
Des tests rapides pour les populations les plus concernées
La France a toutefois du mal à diagnostiquer tôt les séropositifs. Certaines initiatives tentent de combler ce retard, notamment pour enrayer la contamination des populations sensibles, comme les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes, et qui représentent en France 37% des nouveaux cas diagnostiqués en 2008.
En 2009, suivant la publication des recommandations en santé publique de la Haute Autorité de santé (HAS), de nouvelles stratégies de dépistage ont été mises en place.
Après le succès de Comtest, expérimenté à Montpellier, Lille, Bordeaux et Paris en 2009, le Kiosque Infos Sida a lancé en janvier 2010 le projet Checkpoint dans le quartier gay du Marais, à Paris, pour pallier les problèmes d'accès au dépistage de ces populations. "Les délais entre la réalisation du test et le rendu des résultats et l'inadaptation des structures actuelles à certains publics" peuvent dissuader ces personnes de se rendre à l'hôpital ou dans un CDAG, indique Yagg, un site d'info à destination de la communauté LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres).
Des initiatives efficaces mais menacées
Checkpoint leur propose donc un test rapide, confidentiel et gratuit, une consultation avec un médecin, puis un prélèvement d'une goutte de sang sur le bout du doigt. Le résultat est connu en trente minutes. Comme pour tous les tests de dépistage, si c'est positif, un deuxième prélèvement doit être effectué pour confirmer. Entre janvier 2010 et janvier 2012, plus de 6 500 tests ont été réalisés auprès de 5 270 personnes, avec un taux de résultats positifs de 2,4%. Le test coûte environ 65 euros à l'association, en comptant les frais de structure et de personnel. Financé jusqu'en janvier dernier notamment par l'Agence régionale de santé, la Ville de Paris et Sidaction dans le cadre d'une recherche biomédicale, Checkpoint est aujourd'hui en déficit et risque de fermer.
Pourtant, l'efficacité de ces initiatives est indéniable. Le Checkpoint coûte moins cher qu'un CDAG, le taux de prévalence observé y est supérieur, et surtout, "il a permis l'orientation de l'ensemble des gens testés positifs vers une structure de soins", explique Nicolas Derche, chef de service au Kiosque Infos Sida. "Et l'on sait qu'une prise en charge médicale rapide avec traitement permet de réduire la charge virale, et ainsi de réduire les risques de transmission", ajoute-t-il.
Plus de 33 millions de gens vivent avec le VIH dans le monde. En France, en 2011, on estimait à 50 000 le nombre de personnes contaminées sans le savoir.
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