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Les grandes peurs de nos sociétés

Les plus grands chercheurs en anthropologie se réunissent dès aujourd'hui à Nanterre. Accélération du rythme de la vie, globalisation, peurs environnementales : les spécialistes tentent de déterminer ce qui, dans la société actuelle, provoque chez nous la peur.
Article rédigé par franceinfo
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"Incertitude et inquiétude" . C'est le nom du
colloque de la 12e biennale de l'association européenne des
anthropologues sociaux (EASA), qui se tient à partir d'aujourd'hui à Nanterre.

Les 1.500 anthropologues réunis à partir de ce mardi cherchent
ce qui, dans la société, suscite en nous l'incertitude, l'inquiétude, et donc
la peur. Quelques premières pistes ont déjà été élaborées.

Le monde va de plus en plus vite

Nous avons l'impression, aujourd'hui, de ne plus avoir le
temps pour les choses importantes de la vie, alors que nous sommes sans cesse
confrontés à des solutions censées nous faire gagner du temps. Les informations
voyagent à la vitesse de la lumière, mais notre cerveau ne s'est pas adapté à
les traiter plus rapidement. D'où l'impression d'une augmentation du nombre de
choses à faire chaque heure, chaque jour. Et cela provoque, au mieux du stress,
au pire de la peur.

Le monde bouge, se globalise

Le monde est de plus en plus marqué par des crises globales
(financière, sociale, etc.) qui sont complexes à gérer pour les gouvernements,
car ils dépassent le simple niveau des Etats. La globalisation est donc elle aussi une source d'inquiétude,
alors même qu'à ses débuts elle rendait optimiste.

Le chercheur Jonathan Friedman explique : "On
croyait que les hommes formeraient désormais une seule et même famille, et ce
serait la fin des conflits ethniques. Mais tout cela n'était que mirage"
.
Cette vision a laissé place "à son cortège de précarité, d'inégalités, de
poussées de fièvre nationaliste, de migrations forcées"
.

La nature nous inquiète

Longtemps, l'homme a cru que son destin et celui de la
nature étaient bien distincts. Or, ces deux univers déteignent l'un sur l'autre :
on a découvert que la nature était affectée par l'activité humaine.

Et inversement : aujourd'hui, même des légumes
inoffensifs sont devenus sources de craintes. "Nous avons perdu la maîtrise
de notre alimentation"
, explique Frédéric Keck, anthropoloque. Grippe
aviaire, concombre tueur, ont ravivé la crainte liée à la sécurité alimentaire.

Un nouveau rapport au danger

Autrefois, le danger, il fallait faire avec. Il fallait
manger pour survivre, quitte à tomber sur un aliment ou un parasite mortel.
Aujourd'hui, le risque n'est plus jugé comme acceptable. Or, paradoxalement, il
n'y a pas de progrès sans risque. Les vaccins peuvent entraîner des effets secondaires,
les voitures des accidents. Ce qui accentue notre incertitude et notre
inquiétude.

Les anthropologues gardent cependant un certain optimisme :
l'incertitude quant à l'avenir ne suscite pas forcément la peur... elle peut
parfois donner un souffle à la capacité créatrice de l'homme. "L'art, la
créativité et l'imagination consistent à préserver et à produire de la
diversité et de l'inattendu"
, explique Isabelle Rivoal. "L'incertitude
rend donc possible la création"


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