Les avocats de Michel Neyret demandent au tribunal de ne pas réduire "l'homme" à "l'affaire"
Le procès de l'ancien numéro 2 de la police judiciaire lyonnaise s'est achevé, mardi, avec les plaidoiries de la défense. Le jugement sera rendu début juillet.
C'était au tout début du mois de décembre 2011. Michel Neyret, en détention provisoire depuis un mois, avait quitté la prison de la Santé pour être conduit jusqu'aux assises de la Loire. L'ancien numéro 2 de la police judiciaire lyonnaise devait témoigner dans une affaire de braquage. Il était apparu décontracté, exposant le dossier avec aisance, malgré sa mise en examen pour corruption, violation du secret professionnel et trafic d'influence. "Voilà Michel Neyret", a résumé son avocat devant le tribunal, mardi 24 mai. Pour commencer sa plaidoirie, Yves Sauvayre a préféré retenir l'image du témoin plutôt que celle du prévenu. Avec son confrère, il a tenté de redorer l'image de son client, écornée par "l'affaire", mais aussi par les quatre semaines de débats.
L'ancien flic, qui était si à l'aise dans l'enceinte des tribunaux à l'époque, fait profil bas depuis le début de son procès devant le tribunal correctionnel de Paris. Quand il n'est pas à la barre pour répondre aux questions du président d'une voix fluette, il regarde le bout de ses chaussures, la tête penchée en avant, les yeux parfois fermés sous le poids des charges égrenées à l'audience. "Vous avez senti un homme fragile, un homme épidermiquement fragile devant vous", relève son autre avocat, Gabriel Versini-Bullara.
"Huit mois dans une vie exemplaire"
Lundi, l'accusation a requis contre l'ancien numéro 2 de la PJ lyonnaise quatre ans de prison, dont dix-huit mois avec sursis. Une demande en deçà de la peine encourue, dix ans de détention. Il n'empêche. Pour ses avocats, les "fautes" et les "maladresses" commises par Michel Neyret ne méritent pas ce quantum. "Bien sûr, vous allez le condamner", a lancé Yves Sauvayre. Mais "ce qu'on lui reproche ne représente que huit mois dans une vie exemplaire", a-t-il martelé. Avant lui, son confrère avait demandé au tribunal de "ne pas réduire Michel Neyret à une volonté d'homme corrompu. Ce n'est pas connaître le personnage, l'homme."
Vous avez limité votre réflexion et votre analyse sur une très courte période, faisant abstraction de tout le reste.
Il est vrai que les faits reprochés à Michel Neyret courent sur une courte période, allant de février à septembre 2011. Mais selon l'accusation, ils constituent l'aboutissement d'une "méthode Neyret", celle d'un "électron libre" dans la police, fixant ses propres règles dans la gestion de ses informateurs, n'hésitant pas à "violer la loi" pour obtenir des résultats, puis pour satisfaire son "intérêt personnel". Une lecture du dossier contestée avec vigueur par la défense. "Ce n'est pas la méthode Neyret qui est mise en cause, c'est la méthode de la police", tonne Gabriel Versini-Bullara, dénonçant "l'hypocrisie" qui règne concernant le traitement des indics. "La pratique du terrain, ce n'est pas la règle votée à l'Assemblée nationale", ajoute-t-il, soulignant que depuis l'arrestation de Michel Neyret, "ça dort tellement tranquillement à Lyon qu'il n'y a plus rien" comme affaires. "Quelques bandes organisées doivent se frotter les mains" depuis le départ de l'ancien limier des rangs de la police.
"L'escroquerie à l'amitié"
Pour l'avocat, la rétribution d'informateurs par des saisies de stupéfiants ou les "relations atypiques" entretenues entre un agent traitant et son indic "sont des pratiques anciennes dans la police et qui perdurent encore aujourd'hui". La seule erreur de Michel Neyret a été, selon lui, de vouloir se frotter à la délinquance financière en se rapprochant de Gilles Bénichou et de Stéphane Alzraa, figures de la "jewish connection lyonnaise" et de la fraude à la taxe carbone.
"Vous n'auriez pas dû vous occuper de ce que vous ne connaissiez pas", lance Gabriel Versini-Bullara à l'adresse de Michel Neyret, assis devant lui. Pour son conseil, l'ancien patron de la BRI de Lyon, star de l'antigang aguerri aux affaires de stupéfiants, a pêché par inexpérience face à des "escrocs professionnels qui ont inventé pour lui l'escroquerie à l'amitié". Mais l'avocat l'assure. Michel Neyret n'avait qu'un seul objectif : "Noyauter ce groupuscule pour faire une belle affaire, avec le but premier de toujours servir l'Etat."
Michel Neyret est tombé parce qu'il a été trompé.
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