Commémoration de la Rafle du Vel d'Hiv : "On doit faire de l'histoire, c'est absolument essentiel" car "on voit les vieux démons ressurgir", affirme Hélène Mouchard Zay
Emmanuel Macron a pointé la responsabilité du régime de Vichy dimanche 17 juillet au cours de son discours à Pithiviers dans le cadre de la commémoration du 80e anniversaire de la rafle du Vel d'Hiv. "On doit faire de l'histoire, c'est essentiel, y compris pour notre présent où l'on voit les vieux démons ressurgir", a réagi Hélène Mouchard-Zay, dont le père a été assassiné par des miliciens du régime de Vichy en juin 1944.
"On ne peut se contenter de commémorer, même sur un lieu de mémoire", a affirmé dimanche 17 juillet sur franceinfo Hélène Mouchard-Zay, la fille cadette de Jean Zay, ministre de l'Education nationale sous le Front populaire. Lui aussi a été interné par le régime de Vichy, pui assassiné par des milliciens. "On doit faire de l'histoire", martèle Hélène Mouchard-Zay. C'est "essentiel, y compris pour notre présent où l'on voit les vieux démons resurgir". Elle déplore "une banalisation des propos antisémites". "Les tabous tombent", se désole Hélène Mouchard Zay.
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franceinfo : Pourquoi était-il important de faire de la gare de Pithiviers un lieu de mémoire ?
Hélène Mouchard-Zay : Les enfants ont connu un véritable calvaire. C'est beaucoup plus qu'une étape. C'est là que les enfants ont été cruellement séparés de leurs mères. On a recueilli des témoignages d'enfants qui ont réussi à survivre. C'est de là que les mères ont été déportées par quatre convois qui sont partis directement des camps de Pithiviers. La gare de Pithiviers, avec Drancy, c'est une des seules gares d'où sont partis directement des trains vers Auschwitz. Et à la fin du mois d'août, ce sont des convois entiers d'enfants qui sont partis, qui ont transité par Drancy, et qui ensuite ont été assassinés à Auschwitz. Aucun enfant n'est revenu.
Est-ce que c'est important pour vous de transmettre aux lycéens, aux collégiens, qui viendront dans ce musée ?
C'est complètement essentiel. A Orléans, il y a déjà un musée mémoriel qui raconte très en détail l'histoire de ces camps. Le musée de Pithiviers sera complémentaire, en insistant beaucoup plus sur les circonstances du départ, sur comment étaient formés les convois, avec aussi des rappels de témoignages. Cette histoire montre jusqu'à quelle responsabilité criminelle le régime de Vichy a été, par le choix de la collaboration. Mais le régime de Vichy n'est pas tombé du ciel. Tout cela n'est pas tombé du ciel. Tout cela a été préparé d'une certaine façon par toute une histoire. Et une question essentielle, c'est, comment on a pu en arriver là ? Comment dans la France, pays des droits de l'homme, terre d'asile - c'est ce que disait Chirac - comment ce régime de Vichy a pu livrer ainsi à ceux qui allaient les exterminer, des masses d'enfants, de femmes et d'hommes ?
Il y a 27 ans, Jacques Chirac reconnaissait la responsabilité pleine et entière de la France dans la rafle du Vel d'Hiv. Ce dimanche à Pithiviers, Emmanuel Macron a appelé "les forces républicaines" à "redoubler de vigilance" face à un antisémitisme "encore plus brûlant" et "rampant" qu'il y a 20 ans. Est-ce que c'est essentiel, après des élections qui ont été marquées par la montée du Rassemblement national et par des discours extrêmes ?
Complètement, en particulier la montée de ce qu'on appelle le révisionnisme ou négationnisme. Ce sont des gens qui commencent par essayer de réhabiliter Pétain à coup de mensonges historiques. Moi je n'aime pas trop l'expression "devoir de mémoire". Je préfère "travail de mémoire" et "devoir d'histoire". On doit faire de l'histoire. On ne peut se contenter de commémorer, même sur un lieu de mémoire, si la visite par ces jeunes n'est pas préparée en amont et reprise après. Il faut faire ce travail pédagogique qui accompagne les jeunes dans ces visites de lieux de mémoire. Et ces visites de lieux de mémoire doivent dire et expliquer comment on en est arrivé là. C'est absolument essentiel, y compris pour notre présent où l'on voit les vieux démons même resurgir.
C'est une très grande inquiétude. Forcément on se dit, est-ce qu'on a fait tout ce qu'il fallait ? Beaucoup d'enseignants font un travail magnifique dans les lycées sur ces événements. Ils n'ont pas beaucoup de temps, malheureusement. Pourtant, l'antisémitisme est là. Alors, évidemment, il revêt de nouveaux habits. Ce n'est jamais le même. Ne serait-ce que parce qu'il y a une loi qui interdit les propos antisémites. Donc il se dissimule sous d'autres habits, d'autres termes. Mais on voit bien qu'il est toujours là et on voit bien que l'on assassine encore au nom de l'antisémitisme. Une des choses qui m'avait beaucoup frappé, c'est la profanation du cimetière juif à Carpentras en 1990. Ma génération n'aurait jamais pensé qu'il puisse y avoir de telles choses. Il y avait à peu près un million de personnes dans la rue. Et à leur tête, le président de la République. En 2012, à Toulouse, on assassine des enfants juifs dans une cour d'école, et moi je n'ai pas vu une manifestation. Symboliquement, cela veut dire que les barrières tombent, les tabous tombent. Il y a une banalisation de ces propos antisémites.
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