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De Mitterrand à Hollande, ce qu'ils ont dit sur le Vel d'Hiv

Les 16 et 17 juillet 1942, 13.000 juifs ont été arrêtés en région parisienne par les forces de police, sur instruction du gouvernement de Vichy. Trois générations de présidents ont depuis défilé à l'Élysée. Quatre présidents, unanimes sur la souffrance endurée par les juifs de France pendant la Shoah et la cruauté de ce crime contre l'humanité. Pour ce qui est de désigner un coupable dans les rangs français, les réponses ont divergé.
Article rédigé par Mélanie Potet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Franceinfo (Franceinfo)

Alors que François Hollande a présidé dimanche matin la commémoration
du 70e anniversaire de la rafle du Vel d'Hiv, le chef de l'État s'est démarqué
de son modèle, l'ex-président François Mitterand, qui considérait que la France
ne devait pas être mise en cause dans la déportation des Juifs pendant la Seconde guerre mondiale, cantonné fidèlement à ce que pensait le Général de
Gaulle. Ce n'est qu'en 1995 avec l'élection de Jacques Chirac à la tête de l'État,
qu'un président français reconnaîtra la responsabilité de la France. Retour sur 20 ans de discours.

Mitterrand, la France Libre

À la veille du 50e anniversaire de la rafle du
Vel d'Hiv, le "Comité Vel d'Hiv 42" adresse un appel au président
de la République de l'époque pour qu'il reconnaisse que l'État français de
Vichy était responsable "des persécutions et crimes commis contre les
juifs de France"
. Le 14 juillet suivant, François Miterrand réagit vivement à cette demande lors d'un entretien télévisé : "ne demandez
pas des comptes à la République, elle a fait ce qu'elle devait. L'État
français, ce n'était pas la République"
.

Pour Mitterrand, comme pour ses prédécesseurs, la République
n'était pas en cause puisque l'État français s'était substitué à elle. Une
vérité, certes, mais pour lui, la France n'était pas non plus en cause car il n'y avait
eu qu'un seule et unique France légitime : celle de la France Libre, celle
du Général De Gaulle comme le souligne la doctrine élaborée par René Cassin. Il participera au 50e anniversaire mais refusera catégoriquement de s'exprimer, laissant la parole à
Robert Badinter, alors président du Conseil Constitutionnel.

Jacques Chirac, la rupture

Il faut attendre 1995 et l'élection de Jacques Chirac pour
qu'un président admette la responsabilité de la France. Pourtant gaulliste
convaincu, Chirac prononça le 16 juillet 1995, pour les 53 ans de la rafle
du Vél d'Hiv, un discours qui a marqué une véritable rupture.

"Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée
par des Français, par l'État français. Ce jour-là, la France, patrie des
Lumières et des droits de l'homme, terre d'accueil et d'asile, accomplissait
l'irréparable" (J. Chirac)

Un discours sans appel sur la culpabilité française qui n'a
pas manqué d'être salué par le monde entier comme une courageuse et salutaire
reconnaissance. Soutenu par ses deux Premiers ministres, Alain Juppé et Lionel
Jospin, M. Chirac créera la commission Mattéoli qui adoptera ses
recommandations : une puissante fondation pour la Mémoire de la Shoah, une
commission d'indemnisation des victimes de la spoliation, et une pension à tous
les orphelins de déportés juifs de France.

Nicolas Sarkozy, "il n'y a rien à ajouter"

Le 19 juillet 2007, quelques semaines seulement après son élection,
Nicolas Sarkozy affirme que "Jacques
Chirac a dit ce qu'il fallait dire et il n'y a rien à ajouter et rien à
retrancher à son très beau discours"
. Ainsi, l'ex-président ne prit pas
la parole au mémorial du Vél d'Hiv. C'est son premier ministre, François Fillon qui y prononcera
un discours. Discours dans lequel il reprit la phrase historique de
Chirac.

François Hollande, sur les pas de Chirac

Le président actuel a prononcé, dimanche matin, pour le 70e anniversaire de la rafle du Vél d'Hiv, un discours en résonnance de la mémoire des juifs de France, dans le sillage de Jacques Chirac. Qu'il a notamment rencontré samedi en Corrèze.

François Hollande a affirmé que ce crime contre l'humanité était un "crime commis en France par la France" .

"La reconnaissance de
cette faute a été énoncée pour la première fois, avec lucidité et courage, par
le président Jacques Chirac, le 16 juillet 1995" (F. Hollande)

Le chef de l'État a ainsi contribué par sa présence et sa parole à l'écriture de cette page de l'histoire de France.

À ce jour, deux seuls présidents, l'un gaulliste issu de la droite et l'autre socialiste de filliation mitterrandienne, ont reconnu publiquement la responsabilité de l'État français dans la déportation de 75.000 juifs de France.

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