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Départementales : la parité est-elle une arnaque pour les femmes ?

Moins de dix départements devraient être dirigés par des femmes, à l'issue des élections de jeudi. La faute à qui ? Francetv info pose la question au collectif Osez le féminisme. 

Article rédigé par Ariane Nicolas - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Election du nouveau président du conseil départemental de Vendée, Yves Auvinet (DVD), le 2 avril 2015. (  MAXPPP)

La parité à l'assemblée départementale, mais pas à sa tête. Moins de dix femmes devraient être désignées présidentes de conseil départemental, sur près d'une centaine, jeudi 2 avril. Pourtant, elles forment 50% des effectifs élus dimanche dernier lors des élections départementales, grâce à une loi imposant un binôme pour la première fois. La parité aux départementales est-elle un écran de fumée ? Nous avons posé la question à Margaux Collet, membre du conseil d'administration de l'association Osez le féminisme. 

La parité aux départementales, c'est une arnaque ?

D'abord, Osez le féminisme salue la parité instaurée par la loi de 2013 aux élections départementales, avec le système de binômes. C'est une vraie avancée, puisque l'on passe d'environ 500 à 2 000 femmes élues dans les conseils départementaux. Près de 1 500 femmes ont donc accédé à des postes stratégiques. De fait, sans obligation légale, la parité n'évolue pas. J'ai fait un petit calcul : sans l'instauration de binômes obligatoires, on aurait obtenu la parité en 2131, en suivant le rythme dans lequel la France était engagée.

Après, il est regrettable que de nombreux binômes soient déséquilibrés. Certains duos avaient été formés de telle sorte que l'homme soit davantage dans la lumière, notamment au niveau des médias. Il faudra être attentif aux types de délégations qui seront attribuées aux femmes : elles doivent avoir accès aux finances ou au développement économique, par exemple, et pas seulement aux fonctions qui correspondent aux rôles sociaux traditionnels qui leur sont attribués, comme l'enfance.

Pourquoi les femmes sont-elles si peu nombreuses à briguer la présidence d'un département ?

Je ne sais pas si on peut généraliser ainsi, chaque situation est particulière. Mais on constate un phénomène d'autocensure très fort, en plus d'une censure qu'on leur impose directement, en rabaissant leur potentiel politique. C'est toute une éducation qui est en jeu. Des femmes élues conseillères à 30 ou 40 ans sont toujours imprégnées d'idées selon lesquelles les femmes doivent avoir moins d'ambition, rester plus dans la sphère privée. N'oublions pas que 80% des tâches ménagères sont encore effectuées par les femmes, et qu'elles sont souvent responsables de la garde des enfants. Compliqué pour faire les marchés le dimanche, assister à des congrès, finir tard le soir. Cela rend le combat plus difficile pour elles. Une chose est sûre, on ne peut pas mettre en cause leur manque d'expérience. Des centaines de femmes sont conseillères générales depuis des années. Il faut mettre fin à la culture de la "conseillère en viager" ou de la conseillère suppléante. Il reste encore beaucoup à faire.

Préconisez-vous d'imposer la parité y compris au niveau de la présidence ?

On pourrait effectivement imaginer que les partis soient obligés de présenter autant de candidats potentiels que de candidates au niveau national. Mais je ne sais pas comment ce serait matériellement possible. La question des pénalités en cas de non-respect de la parité à la tête des départements se poserait. On ne peut pas tout pénaliser. Si les partis ne se sentent pas concernés par l'égalité femmes-hommes... L'important, ce sont les politiques concrètes sur le terrain. La parité n'est pas une fin en soi, c'est un levier : ce n'est pas parce qu'une femme est à tel ou tel poste que sa politique sera féministe. 

Pensez-vous que la parité soit plus difficile à instaurer aux élections locales ?

Pas plus qu'à d'autres élections. Le machisme n'est pas plus présent dans les petits villages qu'ailleurs, il est diffus. On le retrouve à tous les niveaux de décision, dès qu'il y a des enjeux de pouvoir, dans les grandes entreprises, en politique ou dans les médias. Après, quand on analyse le vote du Sénat sur la prostitution [qui a rétabli le délit de racolage passif], il est vrai que certains élus sont passés pour des machos, de vieux hommes pas en phase avec la société qu'ils sont censés représenter. 

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