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"Maman n'a jamais pensé qu'elle entrerait au Panthéon" : Simone Veil racontée par ses fils

Un an après sa mort, Simone Veil va entrer dimanche au Panthéon, avec son mari. Franceinfo a rencontré leurs deux fils, Jean et Pierre-François. 

Article rédigé par Grégoire Lecalot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Simone Veil et son époux vont entrer au Panthéon ce dimanche 1er juillet.  (ALEXIS SCIARD  / MAXPPP)

"En réalité, la famille n’a jamais imaginé que le parcours de maman la conduirait au Panthéon". Jean et Pierre-François, les deux fils de Simone Veil, racontent leur "fierté" à la veille de l'entrée au Panthéon de leur mère, accompagnée de leur père, dimanche 1er juillet à Paris. Cette cérémonie doit permettre de raviver la mémoire de la Shoah, "ce sont les déportés juifs qui entrent dans notre Panthéon" expliquent-ils. En même temps, cette entrée sous la coupole est un "arrachement, maman ne nous appartiendra plus, elle appartiendra à la Nation".

"Nos parents appartiendront à la Nation, c'est une immense fierté" dit l'un des fils de Simone Veil

franceinfo : Quel est votre sentiment avant la cérémonie au Panthéon dimanche ?

Jean Veil : Maman n'a jamais pensé qu'elle entrerait au Panthéon. Mon père en plaisantait, compte tenu de l’image qu’il avait de son épouse. En réalité, la famille n’a jamais imaginé que le parcours de maman la conduirait au Panthéon, et encore moins immédiatement après son décès. Nous sommes dans une situation, mais peut-être comme beaucoup de Français, à imaginer que notre mère est la plus extraordinaire des mamans. Et donc, même si on avait conscience qu’elle faisait un parcours professionnel tout à fait particulier, cette cérémonie constitue un deuxième arrachement.

Maman va appartenir à la Nation. Nos deux parents sortent du cimetière Montparnasse pour être "enterrés" dans ce bâtiment si particulier qu’est le Panthéon. Ils ne nous appartiennent plus.

Jean Veil

franceinfo

C’est quand même une situation atypique, un peu particulière. Tout le monde pense, j’imagine, qu’il sera enterré avec ses parents. Nous avons un frère qui est déjà au cimetière Montparnasse, j’ai 71 ans, et j’espérais, sans qu’il y ait une quelconque urgence, que je serais à leurs côtés le moment venu. Là, je sais qu’il y a assez peu de chances pour qu’un président de la République dise, "On va y mettre non seulement le mari, mais aussi les enfants", je n’y crois guère.  

Pierre-Francois Veil : Au-delà des boutades, c’est un moment fort, c’est une véritable coupure. C’est vrai que, désormais, nos parents appartiendront à la Nation. Voilà c’est comme ça, mais en même temps, c’est une immense fierté.  

Est-ce que cette entrée de votre mère au Panthéon sera aussi un moment de transmission de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale et des camps de concentration ?

Pierre-Francois Veil : C’est d’abord probablement un moment de réconciliation finale et définitive de notre mémoire nationale. En 1964, ce sont les résistants avec Jean Moulin qui entrent au Panthéon. En 2007, sur la proposition de maman, ce sont les Justes parmi la Nation, c’est-à-dire des gens qui ont mis leur vie en péril pour aider des Juifs pendant la guerre, qui entrent au Panthéon. Et aujourd’hui avec maman, ce sont les déportés juifs, les gens qui sont partis, 76 000 de France, 6 millions dans toute l’Europe, qui entrent dans notre Panthéon national.

Pensez-vous que cette cérémonie va permettre de soutenir la transmission de cette mémoire ?

Jean Veil : Quand elle a voulu en 1976 commencer à dire un certain nombre de choses, elle a senti que c’était un moment où il se passait dans la société française un mouvement extraordinairement dangereux après une période de refoulement. Le négationnisme commençait à se manifester et à envahir certains cerveaux. Maman a senti qu’à ce moment-là, il était de sa responsabilité de s’exprimer et de fermer un certain nombre de portes qui étaient susceptibles de s’ouvrir. Nous souhaitons qu’au moment où notre mère et notre père entrent au Panthéon, cette cérémonie soit un moyen de se réveiller, de se rendre compte que l’Europe est fragile et menacée. Et que, quand on tient à quelque chose qui est fragile et menacée, il faut se lever pour le défendre. Je crois que ça serait cela le souhait de nos parents. C’est de défendre ce qui est cher pour vous et ce qui garantit l’avenir d’un pays libre et puissant dans la fraternité.

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