Qui sont les panthéonisés ? Portrait-robot des "grands hommes"
Ils sont 71 à avoir été admis au Panthéon depuis la Révolution. Ils seront quatre de plus à partir du mercredi 27 mai. Mais qui sont ces "grands hommes" ?
"Aux grands hommes la patrie reconnaissante." Rarement formule aura été aussi juste : avant le 27 mai, à une exception près (Marie Curie), ce sont exclusivement des hommes qui ont été honorés en deux siècles au Panthéon : 70 au total.
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Affichant sa volonté de parité, François Hollande y fait entrer quatre résistants, deux hommes et deux femmes : Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion et Jean Zay. Quel sera, à l'issue de cette cérémonie, le profil du panthéonisé ? Portrait-robot des 75 personnalités honorées au Panthéon, établi notamment grâce au Dictionnaire des gloires du Panthéon, de Jean-François Decraene (éd. du Patrimoine).
Une majorité écrasante d'hommes
Avant la panthéonisation de 2015, sur 71 personnalités honorées au Panthéon, une seule était une femme, la scientifique Marie Curie (1867-1934), prix Nobel de physique (en 1903) et de chimie (en 1911) pour ses études sur la radioactivité. Elle y est entrée en 1995 avec son mari, Pierre, physicien comme elle, à la fin du second septennat Mitterrand.
Le 27 mai, l'entrée de Germaine Tillion et de Geneviève de Gaulle-Anthonioz ne suffira pas, et de loin, à rétablir l'équilibre.
Entrés au Panthéon sous l'Empire
Un temple républicain, le Panthéon ? Non, un monument impérial, plaident les chiffres : sur 75 panthéonisations, 42 ont été effectuées sous le Premier Empire. Plus que tout autre, Napoléon a imprimé sa marque sur cette église transformée en nécropole des "grands hommes" en 1791.
La Ve République, elle, y fait entrer 14 personnalités (une sous de Gaulle, sept sous François Mitterrand, deux sous Jacques Chirac, et donc quatre sous François Hollande). La IIIe République honorera 11 des siens, la IVe République en glorifiera cinq et la Révolution, deux (les écrivains Voltaire et Rousseau). Signalons encore l'architecte du Panthéon, Jacques-Germain Soufflot, inhumé dans la crypte en 1829, sous la Restauration.
Plutôt parisiens
Le pouvoir est à Paris. Rien d'étonnant donc si, sur les 75 personnalités honorées au Panthéon, 16 sont nées dans la capitale (soit 21,3%). Les autres grandes villes ne sont quasi pas représentées : un panthéonisé est né à Lyon (le marin Charles-Pierre Claret de Fleurieu, 1738-1810), aucun à Marseille. Venus de tout le territoire, la plupart des autres ont fait carrière à Paris, même s'ils n'y ont pas vu le jour.
Neuf personnes inhumées au Panthéon sont nées à l'étranger : l'écrivain Jean-Jacques Rousseau et le banquier Jean-Frédéric Perregaux en Suisse, les cardinaux Caprara, Rieti, Erskine en Italie, tout comme le scientifique Joseph-Louis Lagrange et le dernier doge de Gênes, Girolamo-Luigi Durazzo. Le général Winter a poussé son premier cri aux Pays-Bas, et Marie Curie à Varsovie, en Pologne.
Plutôt des politiques et des militaires que des artistes
Qui la "patrie" qualifie-t-elle de "grands hommes" ? D'abord des politiques (35), des militaires (23) et, loin derrière, des scientifiques (9) ou des écrivains (7, au même rang que les avocats).
Dans cet inventaire à la Prévert, signalons aussi deux médecins : sous l'Empire, Pierre Cabanis, qui s'intéressa au sort des prisonniers et tenta d'améliorer celui des aliénés, et le député Jean-Baptiste Baudin, tombé en 1851 sur les barricades (contre le futur Napoléon III) après avoir lancé : "Vous allez voir, messieurs, comme on meurt pour 25 francs !" (son indemnité parlementaire).
Hors littérature, peu de salut pour les arts : un seul peintre, Joseph Vien, y est inhumé, en tant qu'artiste officiel de l'Empire, ainsi que l'architecte Jacques-Germain Soufflot qui avait construit l'église Sainte-Geneviève (devenue le Panthéon) sous Louis XV.
Panthéonisés très vite…
Sur 75 personnalités, 51 ont été panthéonisées moins d'un an après leur mort. Règle appliquée sous l'Empire, où les grands serviteurs du régime étaient immédiatement récompensés, mais vérifiée aussi, par exemple, pour Victor Hugo, devenu de son vivant une légende. A sa mort en 1885, le gouvernement a organisé de grandioses funérailles nationales suivies de sa panthéonisation.
… ou lors d'une commémoration
Les panthéonisations tardives, souvent à l'occasion de commémorations, indiquent le sens que le pouvoir en place veut donner à cet anniversaire. Pour le centenaire de la Révolution française, en 1889, vingt ans après la défaite de 1870, furent ainsi panthéonisés les généraux Lazare Carnot, Théophile Corret de la Tour d'Auvergne, et François-Séverin Marceau.
Un siècle plus tard, pour le bicentenaire, en 1989, sous François Mitterrand, la tonalité se fait moins guerrière et plus intellectuelle : sont alors désignés le philosophe des Lumières Nicolas de Condorcet, l'Abbé Grégoire, avocat de l'égalité des droits des citoyens, et le mathématicien Gaspard Monge.
Sous la Ve République, les présidents font des choix précis en désignant les résistants qui entrent au Panthéon. Le transfert des cendres du résistant gaulliste Jean Moulin s'est déroulé en 1964, sous de Gaulle, vingt ans après la Libération. François Hollande, lui, a choisi, pour le 70e anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale, d'honorer deux socialistes, Pierre Brossolette et Jean Zay.
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