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Info franceinfo Cocaïne, balise GPS et cargaison de noix : l’improbable enquête sur une énorme saisie de drogue

Et si les 725 kilos de cocaïne découverts dans l'Essonne venaient... du Périgord ? Une drôle d’enquête pourrait se dénouer… dans une cargaison de noix.
Article rédigé par franceinfo, Pierre de Cossette
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Cocaïne (illustration). (NATHALIE BOURREAU / MAXPPP)

Ce 18 avril, en début de soirée, lorsqu’ils ouvrent la porte latérale du Renault Trafic gris immobilisé après une course-poursuite à Guibeville, dans l'Essonne, les douaniers de la brigade des Ulis n’en reviennent pas. Sous leurs yeux, des dizaines de "pains" de cocaïne, en vrac, frappés de la lettre grecque oméga, dont certains tombent de la camionnette. La pesée affichera 725 kilos.

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Si les douaniers sont surpris, c’est qu’à aucun moment, ils ne pensaient pas tomber sur une telle quantité de drogue. Selon les informations de franceinfo, ils ont été prévenus quelques heures plus tôt de la remontée de cet utilitaire, jusque-là en Espagne et surveillé par les gendarmes de la section de recherches de Nancy. Charge alors aux douaniers de le contrôler, sans certitude sur la présence de drogue à bord. Dans l’Essonne, plusieurs équipages de la BAC (brigade anti-criminalité) se mettent aussi aux trousses de la camionnette, qui finit sa course dans une zone d’activité. Le conducteur, lui, a pris la fuite à pied, s’évanouissant dans la nuit.

La balise de la colère

Le procureur d’Evry ne gardera l’affaire que quelques heures. La quantité de cocaïne est telle – une valeur marchande estimée à au moins 40 millions d’euros – que ce sont les magistrats rompus à la criminalité organisée de la Jirs (juridiction interrégionale spécialisée) du parquet de Paris qui récupèrent l’enquête. Des magistrats, qui, selon plusieurs sources, vont se retrouver bloqués : les douaniers ont en effet repéré sous l’utilitaire une "balise", et l’ont fait savoir… L'information devient même publique lorsque dans un tweet, un journaliste de Valeurs Actuelles s’en fait l’écho.

Pour le parquet, qui a ouvert l’enquête, presque impossible de poursuivre les investigations, au risque qu’un avocat ne fasse tomber la procédure.

Sauvé par des noix ?

Les enquêteurs se demandent aujourd’hui si la drogue saisie en Essonne n’arrivait pas tout droit… du Périgord. Coïncidence ? Le braquage d’une cargaison de noix, le matin-même de la découverte des pains de cocaïne, pourrait relancer l’affaire.

Le 18 avril, à Nabirat, en Dordogne – quelques heures avant la saisie en Essonne – le chauffeur d’un semi-remorque chargé de noix est garé devant l’entreprise qu’il doit livrer. Il n’est même pas 7 heures lorsque trois hommes encagoulés le braquent, l’obligent à ouvrir les portes du conteneur et en repartent avec des cartons. Le chien des gendarmes spécialisé dans la détection des stupéfiants "marquera", signe de la présence de drogue dans le véhicule...

Gendarmes, policiers et douaniers retracent alors le fil de cette cargaison de noix… arrivée sur le sol français quelques jours plus tôt, par le port du Havre. Les enquêteurs en sont aujourd’hui convaincus :  de la cocaïne avait été placée dans le conteneur, en Amérique du Sud, à l’insu des commerçants (technique dite du "rip-off"). Et les trafiquants auraient dû la récupérer lors du déchargement au Havre, opération sans doute rendue difficile et risquée en raison d’une journée de grève contre la réforme des retraites. Des malfaiteurs auront finalement retrouvé leur marchandise dans le Périgord.

Les policiers en charge d’enquêter sur ce braquage ont été surpris d’apprendre la saisie, douze heures plus tard de 700 kilos de cocaïne au sud de Paris. Ils trouvent intrigante la concomitance entre les deux affaires et cherchent aujourd’hui à établir formellement un lien, afin de conforter leurs prémonitions.

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