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"Personne ne m'a demandé comment j'allais" : victime d'une fausse couche sur son lieu de travail, une caissière accuse Auchan

Cette jeune femme de 23 ans, employée au Auchan City de Tourcoing, dans le Nord, assure à franceinfo que la direction du supermarché a refusé d'aménager son emploi du temps alors qu'elle était enceinte.

Article rédigé par franceinfo - Margaux Duguet
France Télévisions
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L'enseigne Auchan, dans un supermarché de Toulouse (Haute-Garonne), le 28 novembre 2013. (REMY GABALDA / AFP)

Au téléphone, sa voix tremble, vacille, jusqu'à parfois se perdre dans les sanglots. Fadila*, mariée et âgée de 23 ans, a vécu ce que toute femme enceinte redoute : la fausse couche. Le drame s'est déroulé sur son lieu de travail. 

En contrat professionnel au Auchan City de Tourcoing (Nord), la jeune femme raconte que la direction du magasin n'a pas adapté ses horaires à sa condition, lui a refusé d'aller aux toilettes autant qu'elle voulait ou n'a pas exprimé la moindre empathie quant à ses récurrentes douleurs. Jusqu'à ce tragique jour de novembre où Fadila fait une fausse couche sur son siège de caissière. En colère, elle veut maintenant "casser le silence" pour faire connaître son histoire. Contacté par franceinfo, le responsable de la communication du groupe Auchan se dit, de son côté "attristé par l'épreuve rencontrée par cette personne", mais dément certains éléments factuels. 

"J'avalais mon vomi, je vous laisse imaginer"

Début novembre, trois jours après avoir débuté son contrat au Auchan de Tourcoing, Fadila se sent mal et évoque "des vomissements, des malaises et des nausées". Une prise de sang plus tard, la jeune femme apprend qu'elle est enceinte d'un peu plus de deux mois et informe le manager des hôtesses de caisse. Elle souhaite alors faire adapter son emploi du temps, trop lourd pour elle.

Mais après trois jours d'arrêt de travail, Fadila constate que sa demande reste lettre morte. "Je n'ai pas vu de changement, je ne pouvais pas aller aux toilettes délibérément, j'avalais mon vomi, je vous laisse imaginer", se souvient-elle. Des allégations que conteste fermement Auchan. "Elle n'a jamais exprimé de besoin d'aménagement d'emploi du temps"

"J'étais mal à la caisse, mais ils ne l'ont pas pris en compte", maintient de son côté Fadila. Elle prend alors une semaine d'arrêt maladie car, assure-t-elle, "je n'en pouvais plus"

Emmenée en urgence par les pompiers

Sans aménagement de son emploi du temps, Fadila revient au travail malgré tout, jusqu'à ce 21 novembre. Les douleurs se font alors de plus en plus fortes. Sa pause de 17 minutes n'y change rien. "J'ai des douleurs incroyables, c'est comme si on me coupait le ventre avec un couteau. C'était insupportable, même les clients voyaient que je n'étais pas bien", raconte-t-elle. Fadila se souvient s'être démenée pour obtenir un doliprane, qui n'est jamais venu. "A un certain moment, je n'en pouvais plus et me suis levée de mon fauteuil, j'y ai vu du sang dessus. J'ai pris la décision de fermer la caisse et de renvoyer les clients vers celle d'à côté"

Les managers interviennent immédiatement pour savoir pourquoi elle a fermé sa caisse avant la fin de sa journée. Fadila leur montre le sang. Les pompiers sont appelés et lui demandent si elle a pu aller aux toilettes. "Je leur ai dit que non, qu'ici ce n'est pas possible." Là encore, Auchan conteste. Le groupe affirme que les faits ont eu lieu le 22 novembre et que "la hiérarchie n'a reçu aucune demande de pause toilettes"

Les secours conduisent Fadila aux W.-C. "C'était un robinet de sang, j'étais choquée", se souvient-elle. 

J'ai dit aux pompiers que quelque chose était tombé dans les toilettes, le monsieur m'a répondu que j'avais perdu mon bébé.

Fadila

à franceinfo

Emmenée d'urgence à l'hôpital, Fadila dit y avoir "passé la pire nuit de sa vie". Une nuit où elle a cru "mourir" : "La douleur, je ne la souhaite à personne." Le lendemain, elle appelle Auchan : "Je leur ai dit que personne ne m'a demandé de mes nouvelles et l'on m'a juste répondu d'emmener un justificatif". Ce qu'elle fait un jour plus tard. Une manager lui demande alors si elle compte venir travailler le jour d'après. "J'ai senti le ciel tomber sur moi, je me suis dit : elle est aveugle ou quoi ?"

"Pour moi, l'image d'Auchan est salie"

Fadila a repris le travail la semaine du 9 décembre, avant d'être de nouveau en arrêt maladie. Mais, une rencontre avec le délégué syndical va la convaincre de sortir de son silence et de parler. 

La jeune femme a pu faire reconnaître sa fausse couche comme un accident de travail. Une enquête du CHSCT est également en cours.  

De son côté, Auchan soutient que, "sur le plan administratif, la gestion du dossier a été conforme avec les procédures, que ce soit pour l'arrêt maladie ou l'arrêt de travail". 

On regrette un enchaînement malencontreux des faits et que la personne ait ressenti peu de considération de la part de ses collègues.

Auchan

à franceinfo

Pour l'enseigne, certaines organisations syndicales "instrumentalisent une situation douloureuse".

Fadila, qui est censée revenir le 2 janvier, devrait être reçue par la direction des ressources humaines à son retour. Mais cette rencontre pourrait bien ne jamais avoir lieu car la jeune femme "n'a pas l'intention de travailler dans un endroit où tout le monde (me) regarde de travers". Fadila étouffe un sanglot. "J'ai perdu un enfant, ça fait mal. Je suis fragilisée et personne à Auchan n'a compris ça. Pour moi, l'image d'Auchan est salie."

*Le prénom a été changé.

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