"Cette année, j'ai 28 élèves, l'année prochaine j'en aurai 37" : enseignants et parents d'élèves se mobilisent contre le manque de moyens
Suppressions de classes, effectifs plus élevés, options supprimées ou encore travaux en demi-groupes qui disparaissent... Si certains établissements gagnent des moyens supplémentaires pour la rentrée de septembre 2022, d'autres en perdent.
Au lycée de Gaillac (Tarn), l'annonce ne passe pas. Quatre postes de professeurs - mathématiques, français, espagnol et histoire – doivent être supprimés à la rentrée prochaine. "Cette année, j'ai 28 élèves en terminale, et dans la prévision de l'année prochaine j'en aurai 37", confie Christophe Frediani, enseignant en mathématiques et représentant du syndicat Snes. Il s'est mis en grève, cette semaine, comme la plupart de ses collègues de cet établissement de zone rurale. "C'est une dégradation de l'encadrement et de l'aide que l'on pouvait leur proposer jusqu'à présent."
C'est le résultat de la "dotation horaire globale" (DHG), l'enveloppe d'heures de cours, attribuée à chaque collège et chaque lycée pour la rentrée de septembre 2022. Christophe Frediani dénonce une baisse de moyens plus forte que les années précédentes dans son établissement, et d'autant plus incompréhensible à ses yeux que le nombre d'élèves global, lui, est stable (+4 élèves). Le professeur de maths regrette un "deux poids, deux mesures" avec certains autres établissements, notamment du centre-ville de Toulouse, situé à une soixantaine de kilomètres.
"On est zone rurale mais on se retrouve malgré nous en concurrence avec ces lycées-là, sauf qu'on ne peut pas tenir la concurrence, on ne donne pas les moyens d'avoir des taux d'encadrement aussi bons qu'eux, déplore Christophe Frediani. On aurait besoin de soutenir davantage des jeunes qu'on pourrait avoir ici, qui seraient plus en difficulté, qui socialement seraient moins favorisés que d'autres. On a de plus en plus de mal à assurer cette mission."
Ce matin nous réclamons des heures, des postes à VH Gaillac pic.twitter.com/y9mFZdfQMj
— S-Villeneuve (@vill_s) February 15, 2022
Suppression de moyens en REP ?
Un peu partout en France, une soixantaine d'établissements est mobilisée, selon le Snes. Clémentine Condé est professeure à Villeneuve-la-Garenne, une commune populaire au nord de Paris. Dans son collège, les dotations diminuent de 55 heures d’enseignement l’an prochain, pour quatre élèves en moins. Les travaux en demi-groupes risquent notamment de disparaître, mais aussi certains projets tels que le cinéma ou le journalisme. Les professeurs auront enfin moins de temps pour assurer le dispositif "devoirs faits", qui permet d’aider certains élèves. Un outil régulièrement mis en avant par le ministère de l’Education nationale.
Pour l'enseignante, ces diminutions de budget se font plus ressentir dans les établissements REP, éducation prioritaire. "L'Éducation nationale cherche depuis quelques années à faire des économies et nous pensons, étant donné que les classes sont suffisamment surchargées dans des collèges non REP – entre 28 à 30 par classes – que la logique est de supprimer à présent des moyens en REP pour augmenter nos effectifs", explique Clémentine Condé.
"Il y aura moins d'heures pour ces projets qui sont pourtant essentiels pour nos élèves."
Clémentine Condé, professeure à Villeneuve-la-Garenneà franceinfo
"Ils considèrent que nous avons davantage de moyens et que ce sont des moyens sur lesquels nous pourrions faire des économies, poursuit l'enseignante, alors que nous considérons que ces moyens sont essentiels pour mener à bien une pédagogie différenciée face à un public vraiment différent, raison pour laquelle nous sommes au départ réseau d'éducation prioritaire."
Les parents aux côtés des enseignants
Parfois les élus se rangent aux côtés des enseignants mobilisés, comme à Villeneuve-la-Garenne. Les parents d'élèves également. Ce manque de moyens est d'autant plus problématique après deux ans de crise sanitaire et de cours perturbés. "Plutôt que de se dire que l'année prochaine, on va permettre au lycée de fonctionner avec au moins des moyens constants, en fait on baisse ces moyens, dénonce Laurence Pourchier, administratrice pour la FCPE des Hauts-de-Seine. Et à cela s'ajoute les problèmes des heures d'enseignements qui ont été perdues, notamment faute de remplacement."
"Tout cela s'accumule et fait que l'Éducation nationale a du mal à fonctionner dans le département mais ailleurs aussi."
Laurence Pourchier, administratrice pour la FCPE des Hauts-de-Seineà franceinfo
Ces moyens pour la rentrée prochaine font en fait l'objet d'une bataille de chiffres acharnée. Si les syndicats pointent la suppression de 400 postes d'enseignants, le ministère de l'Education nationale lui s'appuie sur une baisse démographique de 6 000 élèves à la rentrée prochaine dans les collèges et lycées. Il rappelle la création de 300 postes de conseillers principaux d’éducation (CPE), 50 postes d'infirmiers et assistants sociaux et 60 postes d’inspecteurs.
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