Non, les collèges privés ne sont pas forcément plus performants que ceux du public
Les collégiens français de 15 ans scolarisés dans le privé obtiennent de bien meilleurs scores que ceux du public au test Pisa, qui mesure les performances éducatives dans les pays développés. Mais que cache cet écart ?
C'est Le Monde (abonnés) qui a levé le lièvre à la mi-septembre. La France est 25e au classement des performances Pisa, qui comparent les compétences éducatives des adolescents de 15 ans. Mais elle serait 10e ou 11e si l'on ne prenait en compte que les résultats des collégiens de 15 ans scolarisés dans l'enseignement privé. Ces chiffres signifient-ils réellement que le privé est plus performant ?
Que dit l'OCDE ?
Après avoir épluché Regards sur l'éducation 2014 (PDF), le volumineux rapport de l'OCDE sur les performances des collégiens français à l'âge de 15 ans, la journaliste du Monde spécialiste de l'éducation Maryline Baumard remarque que les adolescents du privé sous contrat (le seul pris en compte dans l'enquête de l'OCDE) affichent d'exceptionnelles performances.
"On découvre, écrit-elle dans le quotidien, que les élèves de 15 ans de l'enseignement public (soit 82,5% d'une génération) obtiennent un score moyen de 490 points, alors que ceux du privé sont à 521 points (rappelons-nous que la moyenne OCDE est à 500 !). Les 31 points qui séparent ces deux mondes représentent quasiment les acquis d'une année scolaire…"
Considéré ainsi, le chiffre est impressionnant. L'OCDE précise que "les résultats tendent à être plus élevés dans les établissements privés que dans les établissements publics dans 27 des 45 pays et économies dont les résultats sont disponibles". Regardons-y néanmoins de plus près.
Qui étudie dans les établissements privés ?
A quoi attribuer ces bons résultats de l'enseignement privé sous contrat, c'est-à-dire, pour l'essentiel, de l'enseignement catholique, qui scolarise un peu moins d'un jeune sur cinq ? D'abord, à une population qui n'est pas à l'image de la France dans son ensemble. L'adjoint au directeur de l'enseignement catholique de Paris, Jean-François Canteneur, le souligne : "Ceux que l'on reçoit ont voulu venir."
Le phénomène est encore plus marqué dans les grandes villes par une volonté de contournement de la carte scolaire. Selon un rapport (PDF) de l'Ecole d'économie de Paris cité par Le Figaro, "la composition sociale des collèges parisiens publics et privés a connu une évolution divergente (...) entre un secteur public où la ségrégation diminue et un secteur privé qui demeure fortement stratifié." En clair : qui fait peu de place à la mixité sociale.
Et la demande est telle, explique Jean-François Canteneur, que les directeurs des établissements privés parisiens enregistrent en ce moment les candidatures pour la rentrée 2015.
Qui va dans le public ?
Cette fuite vers le privé aggrave encore un des principaux défauts, pointé par l'OCDE, de notre système éducatif. Car la France est un des pays qui peine le plus à corriger les inégalités sociales, et où l'origine sociale joue le plus sur la réussite ou l'échec d'un élève, comme l'analyse Le Monde (article payant).
Ces 31 points d'écart entre collégiens du privé et du public ne disent pas autre chose. Analyste à la direction de l'Education de l'OCDE, Sophie Vayssettes a disséqué pour francetv info les données de l'OCDE. Qu'en ressort-il ? "Il y a bien un écart de 31 points si l'on compare la note moyenne des collégiens du privé avec les collégiens du public sur les performances en maths. Et un écart du même ordre dans les autres matières." Mais si on compare les résultats de collégiens du privé et du public à niveau socio-économique comparable, "on n'obtient plus que huit points d'écart de différence. Vu la marge d'erreur, ce n'est pas significatif."
A l'arrivée, estime-t-elle, "il y a une population plus difficile dans le public que dans le privé" et ce sont surtout "les différences socio-économiques" qui jouent dans les bons résultats du privé.
Une caractéristique assez répandue dans les pays de l'OCDE. Selon Regards sur l'éducation 2014, "après contrôle du milieu socio-économique des élèves et des établissements, les établissements privés ne l'emportent plus sur les établissements publics que dans 8 pays et économies, et les établissements publics l'emportent sur 12 pays et économies".
On constate néanmoins en France le renforcement d'un système à deux vitesses. Avec un écart qui va grandissant : "Parmi les 100 meilleurs lycées de France, notait ainsi Le Figaro dans son palmarès 2014, quelque 70 établissements sont privés."
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