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Evacuation d'un collège à Saint-Malo : "Dix policiers qui bousculent des élèves de 6e, je ne pensais jamais voir ça dans ma carrière"

Des élèves, leurs parents et des enseignants ont été violemment délogés, jeudi, de l'entrée du collège Robert-Surcouf. Ils bloquaient l'entrée de l'établissement pour protester contre sa fermeture à la rentrée. Un enseignant témoigne pour francetv info. 

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des élèves devant le collège Robert-Surcouf à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), le 2 juin 2016. (Mélanie Anger / FRANCE 3 BRETAGNE)

Des cris et une bousculade. L'intervention des forces de l'ordre devant l'entrée du collège Robert-Surcouf à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) est encore dans les esprits, vendredi 3 juin. Des élèves, leurs parents et des enseignants bloquaient l'entrée de l'établissement pour protester contre sa fermeture, prévue pour la rentrée 2017, lorsque l'évacuation a eu lieu, jeudi matin. Que s'est-il passé exactement ? Un professeur, qui enseigne depuis cinq ans dans ce collège, contacté par francetv info, raconte ce qu'il a vu et vécu.

"Lorsque je suis arrivé devant le collège, jeudi matin, les portes étaient cadenassées", commence cet enseignant, qui n'est pas syndiqué. De fait, les parents s'étaient concertés pour mener une action. Ils avaient décidé de mettre des chaînes sur des grilles de l'entrée de l'établissement, dès 7h30, précise à francetv info le secrétaire académique du syndicat Snes-FSU Bretagne, Gwénaël Le Paih.

"La police a chargé pour ouvrir les grilles"

"La police municipale est arrivée assez vite, suivie par la nationale, poursuit l'enseignant. On a discuté avec les forces de l'ordre. L'ambiance était bon enfant. Les élèves tapaient dans les mains. On leur avait dit de rester sur le trottoir, et pas sur les routes, pour les sécuriser."

Puis, après ce moment de discussion, la police nationale intervient. "Un peu avant 10 heures, la police a chargé pour ouvrir les grilles. Je ne comprends pas pourquoi. Le ton n'était pas monté, il n'y avait pas d'agacement", s'indigne le professeur.

Des policiers ont jeté des élèves par terre. Ils ont bousculé tous ceux qui étaient devant les grilles. Les enfants étaient en pleurs. C'était très violent.

Un professeur du collège Robert-Surcouf

à francetv info

L'enseignant n'en revient toujours pas : "Dix adultes, policiers, qui bousculent des élèves de 6e, je ne pensais jamais voir ça dans ma carrière."

Une cellule psychologique mise en place au collège

Les pompiers ont ensuite pris en charge des élèves blessés. Trois d'entre eux ont été transportés à l'hôpital, mais n'y sont restés que quelques heures. L'un d'eux a une luxation du poignet, un autre de la cheville et un troisième un genou abîmé, recense Gwénaël Le Paih. Un élève explique à France 3 Bretagne avoir été poussé par les policiers. Il montre son doigt gonflé.

"Après cela, les élèves étaient énervés. On les a convoqués en classe pour débriefer et apaiser le climat", reprend l'enseignant. Une cellule psychologique, mise en place jeudi, est encore active vendredi. Elle est composée du conseiller d'orientation, du médecin scolaire et de deux assistantes sociales. Un responsable de l'académie et un responsable du rectorat sont aussi mobilisés pour accompagner les enseignants.

"Il faut essayer de reconstruire un lien avec la police"

Le rectorat a réagi par communiqué, jeudi soir, et s'est "ému" des blessures de trois enfants. Interrogé par France 3 Bretagne vendredi matin, l'inspecteur d'académie, Christian Willhelm, regrette que les "événements se soient passés de cette manière-là". "Il y a eu quelques empoignades", reconnaît-il. Mais il ne regrette pas le recours aux forces de l'ordre. Car il a lui-même convaincu le préfet, seul compétent en la matière, de faire appel à la police.

"J'ai demandé, en accord avec le recteur, que les portes du collège puissent être ouvertes dans la matinée", affirme Christian Willhelm. Il justifie sa décision en mettant en avant l'importance de la "sécurité des élèves". 

Lors d'une conférence de presse, le préfet du département a, lui, défendu l'action des fonctionnaires de police, assurant qu'il y avait eu "usage d'une force proportionnée". "Je verrai s'il y a matière ou pas à ouvrir une enquête administrative [...] s'il y a eu transgression des règles par les fonctionnaires, il y aura des sanctions", prévient-il. 

Mais les élèves sont encore bouleversés, selon leur professeur. "J'en parle encore avec eux. Il faut essayer de reconstruire un lien avec la police, l'image des forces de l'ordre, et défendre à nouveau ce qu'on leur dit tous les jours, à savoir que la police est là pour nous aider", explique-t-il. Des parents envisagent de porter plainte.

"Le retour au calme, c'est la priorité"

Pour recéer un climat de confiance avec les forces de l'ordre, le professeur a décidé, avec ses collègues, de demander à un commissaire de police de Saint-Malo d'intervenir en classe. "Le retour au calme, c'est la priorité du moment. On va mettre de côté la fermeture du collège tant que la situation n'est pas apaisée. Ensuite, on espère discuter avec les élus en charge du dossier."

"Ce n'était pas utile de passer par les forces de l'ordre", regrette aussi Gwénaël Le Paih. Il ne comprend pas cette décision : "Le collège Robert-Surcouf est un établissement classé en Réseau d'éducation populaire, où les résultats sont bons et où il y a une bonne ambiance." Le dossier est entre les mains du conseil départemental, car c'est lui qui envisage de fermer ce collège public, un des quatre de Saint-Malo.

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