Des motards normands à la rescousse d'enfants harcelés à l'école : "On n'est pas là pour provoquer mais pour du soutien"
La scène se répète ces derniers mois, aux quatre coins de la Normandie : une bande de motards en blousons noirs, se rassemblent à la sortie d'écoles ou de collèges pour soutenir les enfants victimes de harcèlement scolaire.
"On n'est pas là pour de l'intimidation : c’est bon pour tout le monde ?" À l’heure de la sortie des classes, une douzaine de grosses cylindrées se garent devant les grilles de ce collège de la banlieue de Rouen. Blaya - c'est son nom de biker -, vient de rappeler les règles, et toutes et tous ont acquiescé d’une même voix. Blaya est vice-président de l’association de motards Stor Börn. "Les Grands enfants", en danois. Ces derniers mois, un peu partout en Normandie, cette bande de motards en blouson noir se rassemble à la sortie d'écoles ou de collèges pour soutenir les enfants victimes de harcèlement scolaire.
Ce jour-là, ces bikers solidaires sont venus apporter de la force, par leur présence, à Barth et Rose*(*Les prénoms ont été modifiés), 14 ans tous les deux, et harcelés depuis des mois par un camarade de classe. "Il nous frappe, il nous insulte sur notre physique, explique Rose. Moi et mon meilleur ami, on n'arrive pas à y répondre parce que pour lui, tout est du second degré. Et ça me fait pas rire."
"Ma fille vient à l’école avec la boule au ventre"
Le collégien en question franchit le portail à son tour. "N’ayez pas peur ! Cela ne sert à rien d’avoir peur !", lance Alexandra, la mère de Rose. C’est elle qui a appelé l’association à la rescousse. "On espère que ça va faire bouger les choses, explique-t-elle. Ma fille ne voulait rien dire, car elle est très renfermée, mais ils sont énormément marqués : elle vient à l'école avec la boule au ventre. Et moi, tous les jours, j'ai la boule au ventre quand je l'emmène parce que je ne sais pas comment elle va revenir." "Ma fille a dit au proviseur, de visu, que s'il [le collégien désigné comme harceleur] n'était pas expulsé, elle se 'foutrait la gueule en l'air'...", soupire Alexandra.
Comme à chaque opération de Stor Börn, les gendarmes ont été informés, et assurent une présence, à distance. Aussi, lorsque le collégien désigné comme harceleur en question sort, pas question en revanche pour les motards d’aller lui parler.
"On n'est pas là pour aller chercher les ennuis, faire de la provocation. Notre mission, c'est vraiment juste le soutien : venir et que ce soit visible de tous. Parce que souvent le harcèlement est à huis clos et c'est là que les choses peuvent devenir graves."
Blaya, motard de Stor Börnà franceinfo
Briser le silence, Anthony l’a fait ces derniers mois déjà pour sa propre fille, à Caen, avec ses copains motards. Et cela a aidé, assure-t-il : "Elle a changé de classe, a de bien meilleure notes et nous semble à nous beaucoup plus heureuse. Je trouve cela d'une débilité d'aller agresser des gamins, mais d'une... débilité !", s’exclame-t-il. Certains ont pris une RTT pour venir, lui a roulé deux heures sur sa Harley. "Quand vous voyez ça, déplore le motard, c'est que les parents ne font pas leur boulot et l'Éducation nationale non plus…"
"On n'a pas attendu les motards"
Le proviseur du collège ne fait pas de commentaire. Mais le rectorat, lui, l'assure : "On n'a pas attendu les motards pour mettre en place des protocoles contre le harcèlement." "Cela ne s'arrête pas là : le traitement de la situation doit vraiment être un traitement de fond, indique ainsi Michaël Merlin, inspecteur du second degré et chargé du climat scolaire à l’académie de Normandie. On a ce qu'il faut en interne pour pouvoir gérer les situations avec des professionnels."
Des ateliers de sensibilisation ont été mis en place dans une majorité d'écoles de l'académie et des personnels de l'Éducation nationale ont été formés dans ce but. Les bikers, eux, font de la lutte contre le harcèlement scolaire une priorité : l’association créée en 2018 en est à sa vingtième intervention devant une école ou un collège.
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