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Témoignages "Regarde comme on t'aime !" : l'hommage à Fouad, lycéenne transgenre qui s'est suicidée, à Lille

Article rédigé par Benjamin Illy
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Louise, Anouk, Anabelle, 17 ans, en terminale au lycée Fénelon de Lille, et amies de Fouad.  (BENJAMIN  ILLY / RADIO FRANCE)

Après le suicide de Fouad, une élève transgenre qui s'était rendue au lycée en jupe, ses amies s'organisent pour lui rendre un dernier hommage. "On va tout faire pour qu'elle ne tombe jamais dans l'oubli."

Entre deux cours, devant les grilles du lycée Fénelon de Lille, elles sont là, toutes les trois. Anouk, Louise, Anabelle, 17 ans. Trois amies de Fouad, trois semaines après le choc. "Ça va... Compliqué, mais ça va." Elles font partie de ce petit groupe d'élèves solidaires qui se démènent pour préparer un hommage "digne de ce nom", vendredi 8 janvier. Elles ont un objectif, "tout de suite, là maintenant : l'éveil des consciences". Transgenre, Fouad, 17 ans, était venue au lycée en jupe et avait été recadrée par la CPE (conseillère principale d'éducation) le mercredi 2 décembre. Elle s'est suicidée 15 jours après, le 16 décembre 2020, dans le foyer à Lambersart (Nord) où elle vivait.

Écoutez les témoignages des amies de Fouad

Anouk, Louise, Anabelle ont écrit un petit texte pour Fouad. C'est Anouk qui le lit : "Ce qui est touchant, c'est que grâce à toi, nous avons enfin compris ce qu'était l'union, la solidarité, mais surtout la tolérance. Maintenant, si on est tous réunis, c'est aussi pour une raison plus triste, car cela veut dire que nous ne pourrons plus jamais critiquer les pommes de terre pas cuites de la cantine..."

Les élèves de l'option musique se sont mobilisés, aussi, pour interpréter une chanson en particulier. "C'est 'Stay', de Rihanna, explique Anabelle. Apparemment, Fouad aimait beaucoup." "C'est une musique d'amour, poursuit Anouk. Ça dit : ne pars jamais, reste, sois tout le temps présente... Elle sera quand même en nous."

"On ne peut pas parler comme ça"

Après l'hommage, les camarades de Fouad ont "plein de projets". Louise les énumère : "Un nouveau tag dans notre salle de permanence, une fresque qui fait passer des messages de tolérance, un lâcher de ballons... On va tout faire pour qu'elle ne tombe jamais dans l'oubli."

Faut-il tirer des leçons ? Anouk, comme ses amies, en est convaincue. Le 2 décembre, Fouad est venue au lycée en jupe, pour la première fois. La CPE souhaite la voir, Fouad filme l'échange. L'adulte dit comprendre "son envie de liberté", l'échange est tendu. Sec. "Ce qui a eu lieu au lycée, ça peut s'éviter. Il y a eu une tension parce que Fouad est venue en jupe au lycée. La CPE a voulu lui parler, et elle lui a parlé sur un ton qui était dans l'agressivité. On ne peut pas parler à un élève comme ça." "D'autant plus qu'ils connaissaient déjà la situation de Fouad, renchérit Louise. Et ils lui avaient toujours dit : 'Fouad, tu viens comme tu es'."

"On ne peut pas dire que le passage à l'acte de Fouad est directement lié à ce qui s'est passé au lycée, dit Anabelle. Il y a un contexte familial, un contexte personnel difficile. Elle était en foyer. Elle avait une rupture familiale et des problèmes personnels, aussi." Une enquête a été ouverte par le rectorat. "On ne peut pas nier le fait que cet événement a été un choc pour elle, poursuit Annabelle. J'en ai discuté avec elle. Elle a utilisé des mots assez forts. Elle m'a dit que elle s'était sentie comme un monstre; un 'monstre', elle m'a dit ce mot."

"On lui a fait comprendre que c'était elle, le problème"

Fouad n'a pas été exclue. Elle est rentrée chez elle. Elle est revenue le lendemain avec sa jupe, il n'y a jamais eu de sanction. "Cette espèce de confrontation, elle était évitable, tout simplement avec une forme d'éducation" estime Anouk. "En fait, ce qui nous dérange beaucoup, relève Anabelle, c'est qu'on lui a fait comprendre que c'était elle, le problème, alors que il n'y avait pas de problème. Personne ne s'était plaint et personne n'a à se plaindre de l'identité d'un élève. Ce qu'on veut, c'est que Fouad soit la dernière victime de la transphobie de la société."

"C'est une pression sociale qui fait que les gens ont tendance à se cacher. Fouad se cachait derrière sa carapace de jeune fille toute heureuse. En fait, au fond, elle allait très mal et elle n'a osé en parler à personne. Et c'est ça qui nous désole. Nous, on veut que les gens soient accompagnés."

Anabelle, 17 ans

à franceinfo

Sur les réseaux sociaux la mobilisation est forte autour du hashtag Justice pour Fouad, mais "la justice qu'on voudrait, c'est des lois pour protéger les personnes transgenres, explique Anabelle. Partout dans la société et, en particulier, plus de moyens pour accompagner les jeunes personnes transgenres au sein de l'Éducation nationale."

Et si elle pouvait les entendre, qu'est-ce qu'elles auraient envie de lui dire ? "Regarde comme on t'aime", glisse Anabelle. "On t'accepte exactement comme tu es. On est fières de toi. On t'aime. T'es belle et assume toi !" "On lui dirait... Tu nous manques", souffle Anouk, prise par l'émotion. "On aurait aimé t'accompagner un maximum, encore plus. Et on t'aime."

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