"Panic room", portiques, caméras, vigiles... Ces nouveaux dispositifs de sécurité testés dans les écoles pour prévenir les intrusions
Depuis le 21 mars, de nombreux établissements scolaires ont été concernés par des menaces d'attentat en France, particulièrement en Île-de-France et dans les Hauts-de-France. Les messages menaçants sont postés via les espaces numériques de travail (ENT), avec parfois des vidéos violentes. Collèges, lycées et écoles sont concernés et obligés de procéder systématiquement à des levées de doute pour assurer la sécurité des élèves et des personnels.
Ces cyberattaques interviennent à un moment où chaque menace est prise très au sérieux puisque le gouvernement vient d'annoncer, dimanche 24 mars, le relèvement du plan sécuritaire Vigipirate à son niveau le plus élevé, à savoir le niveau "urgence attentat". Face à ces menaces, le débat autour de la sécurisation des établissements scolaires s'est rouvert. Mais quelles solutions sont possibles ? Entre les partisans d'une "sanctuarisation" de l'école, et ceux qui veulent la garder ouverte sur le monde, certains élus et chefs d'établissement prennent des décisions localement et expérimentent de nouveaux dispositifs de sécurité.
Pas de dispositif commun
En région parisienne, une dizaine d'établissements scolaires, ont par exemple opté pour un système proposé par l'entreprise Black Eyes, start-up française spécialisée dans les systèmes de protection, d'anti-intrusion et d'alertes, créée par un technicien de la Brigade de recherche et d'intervention (BRI). Celui que nous appellerons Enzo (prénom modifié pour des raisons de sécurité) a inventé "LockOff", un dispositif anti-intrusion qui permet de bloquer une porte rapidement afin de se confiner. "C'est un peu comme un serre-joint ou une sorte de grosse agrafeuse, vous l'installez sur la porte et quand vous allez appuyer dessus, ça va surélever la porte avec des pointes qui vont s'accrocher au sol, et ça va bloquer la porte, on ne peut plus rentrer", décrit Enzo.
"En 2024, on demande encore à une instutrice de mettre des tables et des chaises devant une porte. Moi je suis parent, j'ai imaginé de lui trouver quelque chose de facile, qui est à côté de la porte et avec lequel elle va pouvoir protéger les enfants le jour J et se protéger elle-même."
Enzo, inventeur de LockOffà franceinfo
Enzo a également développé une sorte de bouton d'alerte nomade ainsi qu'un système permettant de prendre des photographies qui sont envoyées directement à certaines personnes pour permettre d'effectuer des levées de doutes à distance. Le "LockOff" est facturé 510 euros HT, et il faut compter 2200 euros pour le pack complet. Un budget que l'université Paris Cité a accepté de débourser puisqu'elle s'est équipée de 10 "LockOff", 10 boutons d'alertes "PushPanic" et 10 appareils pour photos "BlackOtus", rapporte l'entreprise.
Et ce n'est pas la seule université à en être équipée. Stéphane Marquand, chef du service sécurité à Paris 3 Sorbonne Nouvelle, explique qu'il dispose également de quatre "LockOff" depuis deux ans. Ils ont notamment été disposés dans les PC sécurité de l'université et au service RH ainsi qu'à la présidence. "Nous sommes une université assez vindiquative, il est déjà arrivé que des étudiants montent directement au sixième étage pour parler directement à la présidence", explique-t-il. C'est donc plutôt pour se protéger dans le cas d'une manifestation étudiante qui dégénérerait que le chef de la sécurité a opté pour ce système de sécurité, "en complément d'un systèle de contrôle d'accès".
À Blausasc, petit village de 1 500 habitants situé près de Menton, dans les Alpes-Maritimes, le maire a opté, en novembre dernier, pour une tout autre option. Michel Lottier a recruté deux vigiles de sécurité privée pour assurer la sécurité devant les écoles de son village. "Quand vous regardez le plan Vigipirate renforcé du préfet, il demande de mettre des éléments devant les écoles. On n'a qu'un fonctionnaire, comment voulez-vous que l'on sécurise 4 établissements ?", témoignait le maire LR, en novembre dernier auprès de France 3 Provence-Alpes Côte d'Azur, "Un maire est là pour assumer un travail, ses fonctions, chacun le fait à sa manière", se justifiait-il face à une initiative qui reste encore très rare.
Portiques et vidéoprotection
En Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez avait évoqué, dès 2016, la promesse d'équiper tous ses lycées de portiques de sécurité. À ce jour, 285 lycées de la région sont notamment équipés d'un "moyen de filtrage", c’est-à-dire, un tourniquet, un tripode, un couloir rapide ou un sas piéton et autant de lycées sont également dotés de vidéoprotection. Dans le dossier de presse de la dernière Assemblée plénière (page5-6), on lit également que "depuis septembre 2023, des équipes mobiles d’accueil renforcé composées de deux personnes sont également en place dans plusieurs lycées de la région. Veille, surveillance, diagnostic, prévention des tensions font partie intégrante de leurs missions afin d’apaiser le climat scolaire si nécessaire". Mais la région voudrait pousser le curseur encore plus loin.
En octobre dernier, Laurent Wauquiez avait déclaré vouloir expérimenter la reconnaissance faciale, sauf que le cadre juridique actuel ne le permet pas. Le président de la région PACA, Renaud Muselier, par une résolution adoptée en 2018 avait voulu tester cette technologie dans deux lycées. La délibération avait finalement été annulée, jugée illégale par le Tribunal administratif de Marseille. La Cnil, Commission nationale informatique et libertés, avait également rendu un avis défavorable, jugeant le dispositif "ni nécessaire, ni proportionné".
En Auvergne-Rhône-Alpes, on parle désormais plutôt d'"expérimenter la vidéoprotection intelligente", estimant que "le développement très fort de l’intelligence artificielle offre de nouvelles perspectives". "À noter qu’il est aujourd’hui possible d’utiliser la vidéoprotection intelligente sans mettre en œuvre de reconnaissance faciale, ni d’identification de données biométriques", se défend la région.
Du côté du ministère de l'Education nationale on ignore parfois la nature des dispositifs déployés dans les écoles. "À ce jour, nous n'avons aucun élément d'information sur l'emploi de ce dispositif en milieu scolaire", répond par exemple le ministère lorsqu'on l'interroge sur le système de sécurité proposé par l'entreprise Black Eyes et testé dans plusieurs écoles notamment d'Ile-de-France. Le ministère rappelle que "les collectivités territoriales sont propriétaires et gestionnaires des sites scolaires publics et équipent à ce titre les écoles." Le Premier ministre Gabriel Attal a toutefois annoncé l'organisation d'une réunion le 4 avril prochain qui devrait porter sur la sécurité de "150 à 200" établissements qualifiés de "plus particulièrement à risque".
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