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Calendrier du bac : pourquoi le report des épreuves de spécialité au mois de juin ne suffit pas à satisfaire les syndicats

En mettant fin à l'organisation d'examens anticipés en mars, le ministre de l'Education nationale, Gabriel Attal, n'a pas pour autant répondu à toutes les revendications des opposants à la réforme de l'examen qui clôt le lycée.
Article rédigé par Lucie Beaugé
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Une session du baccalauréat à Valence (Drôme), le 14 juin 2023. (NICOLAS GUYONNET / HANS LUCAS / AFP)

"La reconquête du mois de juin" : c'est le "choix clair" revendiqué par le ministre de l'Education nationale, Gabriel Attal, au moment de présenter le nouveau calendrier du baccalauréat, jeudi 28 septembre sur TF1. Comme cela avait été esquissé fin août, les épreuves de spécialité ne se tiendront plus en mars, et sont reportées à la fin de l'année scolaire. L'an prochain, les élèves des filières générale et technologique les passeront entre le mercredi 19 et le vendredi 21 juin.

Cette décision répond à la vive polémique qui avait suivi l'organisation de ces examens en mars dernier, pour la première fois depuis l'adoption de la réforme du bac pensée par l'ex-ministre Jean-Michel Blanquer. Ce calendrier avait été accusé d'entraîner absentéisme et démotivation chez certains élèves, parfois assurés d'obtenir leur diplôme avant même le dernier trimestre. Pourtant, après l'annonce de Gabriel Attal, les syndicats enseignants et lycéens mettent en garde contre de nouveaux effets pervers, et pointent des problématiques qu'ils ne jugent pas réglées. Franceinfo vous explique pourquoi ce report des épreuves de spécialité n'est pas accueilli à bras ouverts. 

Parce que la préparation aux épreuves s'alourdit

La majorité des syndicats plaidait pour un changement de calendrier. Mais cette demande était adossée à celle d'un allègement des programmes. Ce n'est pas l'option retenue : dans une note de service, le directeur général de l’enseignement scolaire informe que, désormais, "les notions du programme de la classe de première en vigueur [pourront] être mobilisées dans le cadre de l’épreuve". "Lorsque Gabriel Attal dit qu’on peut enfin parler de 'reconquête du mois de juin', c'est plutôt une destruction. D'abord, parce que les dates des épreuves sont toutes condensées sur une semaine. Mais aussi car les programmes ont été alourdis, alors qu'ils étaient déjà denses", alerte Ephram Strzalka-Belœil, président du syndicat La Voix lycéenne.

Pour Sophie Vénétitay, secrétaire générale du syndicat enseignant Snes-FSU, les doutes sont forts sur "la capacité à bien préparer" les examens de juin, qui incluent toujours l'écrit de philosophie et le grand oral. "Il va falloir préparer de front les épreuves écrites et les épreuves orales", s'inquiète-t-elle sur franceinfo.

Parce que les résultats de Parcoursup seront en partie connus

Simultanément à celui du bac, le calendrier de Parcoursup, la plateforme d'admission dans l'enseignement supérieur, a été dévoilé jeudi sur le site du ministère. La phase principale d'admission débutera le 30 mai, et la phase complémentaire le 11 juin. "Pendant les épreuves écrites, les délais de réponse aux propositions d'admission sont suspendus", explique l'Education nationale, "pour permettre aux lycéens de se concentrer sur leurs épreuves". Mais certains élèves de terminale passeront le bac en connaissant déjà leur affectation.

Les représentants des principaux concernés se montrent dubitatifs. "Mettez-vous à la place du lycéen : il aura déjà reçu des premiers résultats avant le bac. Des sentiments nocifs peuvent se dégager au moment de l'examen", estime Ephram Strzalka-Belœil. "On peut se demander quelle est l’utilité de ces épreuves, étant donné que celles-ci vont avoir lieu après les résultats de Parcoursup, et que l’avenir de centaines de milliers de lycéens sera déjà scellé par cette machine", juge, de son côté, le syndicat lycéen Fidl, dans un communiqué. La prise en compte des résultats des épreuves de spécialité dans Parcoursup était un des principaux arguments avancés par les partisans de leur organisation en mars.

Parce que les correcteurs craignent d'être débordés

Le report des épreuves de spécialité ajoute de nouvelles copies et de nouveaux oraux au riche programme de fin d'année des examinateurs. "De façon inédite, les enseignants de lycée seront d’astreinte jusqu’au jeudi 11 juillet, presque une semaine après la date du début des vacances des élèves, pour veiller au déroulement des épreuves de bac et de réunion des jurys", souligne le Snes-FSU dans un communiqué. Le syndicat s'interroge sur la possibilité "de tenir les délais, de faire un travail de qualité, sans y perdre sa santé et sa motivation", dans un calendrier "si contraint".

Pour Jérôme Fournier, secrétaire national du syndicat SE-Unsa, ce réagencement "est un moindre mal pour reconquérir le mois de juin", et garder les élèves "le plus longtemps possible" à l'école. "Par contre, il est problématique pour les corrections, puisque les écrits et les oraux se chevauchent, ce qui va être très compliqué" pour certains professeurs, regrette-t-il. En particulier ceux de philosophie, pour qui les corrections sont déjà longues, et ceux de français, qui auront à gérer, en même temps, les écrits et les oraux des élèves de première et de terminale.

Parce que le mois de juin est plus propice aux fortes chaleurs

Alors que les épisodes de températures extrêmes sont de plus en plus précoces et intenses, il est "impossible de passer le bac en juin dans de bonnes conditions", estime Ephram Strzalka-Belœil, qui appelle à "repenser l'organisation du temps scolaire en fonction du contexte climatique". Le Snes-FSU anticipe "un épisode caniculaire, hélas, plus que probable, pour achever élèves et enseignants dans des locaux totalement inadaptés aux conséquences du changement climatique". Début septembre, Emmanuel Macron a promis la rénovation énergétique de 44 000 établissements scolaires d'ici à dix ans.

Parce que le contrôle continu n'est pas remis en cause

La réforme Blanquer a également introduit la prise en compte, pour l'obtention du baccalauréat, du contrôle continu, qui détermine désormais 40% de la note. Un point critiqué par une partie des lycéens et des enseignants, sur lequel ne compte pas revenir, pour l'heure, Gabriel Attal. "Malgré une amélioration du calendrier, nous ne restons pas dupes : le contrôle continu persiste, et fait que les élèves vont continuer à être stressés dès la première", critique la Fidl. "Pour évaluer un socle de compétences, il faut les mêmes conditions pour tout le monde. Or, avec le contrôle continu, vous aurez toujours une différence entre un lycée qui a toutes ses dotations horaires globales et tous ses profs, et un lycée dans lequel il manque une dizaine d'enseignants", pointe par ailleurs le président de La Voix lycéenne, Ephram Strzalka-Belœil.

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