"Il est important d'écrire à l’encre foncée" : la numérisation des copies du bac nouvelle version inquiète les professeurs
Les élèves de première se préparent à passer leur premier examen de contrôle continu dans le cadre du bac nouvelle version. Mais les professeurs s'interrogent, car certaines couleurs de crayon ou de stylo utilisées pour rédiger les copies ne passeraient pas au scanner.
"Ne pas utiliser de stylo à bille à encre effaçable et éviter le blanc correcteur." C'est l'une des consignes du ministère de l'Education nationale à l'ensemble des lycéens de première qui passent actuellement leurs premières épreuves communes de contrôle continu, dites E3C. Elles portent sur le programme d'histoire-géographie et comptent pour l'obtention du baccalauréat.
Mais cet examen, qui est une première pour les élèves et les professeurs, suscite des interrogations sur la qualité de la numérisation des copies. Certaines couleurs ou types d'encres disparaitraient une fois scannés. De quoi interpeller les enseignants quant au contenu des copies qu'ils auront à corriger prochainement. Face à cette polémique, le ministère se veut rassurant.
Un scanner qui pose question
Dans le baccalauréat nouvelle version porté par le ministre Jean-Michel Blanquer, le circuit de correction des épreuves est dématérialisé. Pour cela, des scanners, équipés du logiciel Santorin, sont déployés dans l'ensemble des académies depuis la rentrée des classes. Non seulement ces outils numérisent les copies en les rendant anonymes, mais ils doivent aussi faciliter le brassage des dites copies avant leur envoi aux correcteurs puis leur archivage. Le tout avec un niveau de sécurisation optimisé par rapport au circuit actuel des enveloppes cachetées. Les premières épreuves du contrôle continu étrennent ce système qui doit être généralisé d'ici 2021.
Avant son déploiement complet, le scanner a été testé l'année dernière dans une quinzaine d'académies, dont celle de Bordeaux (Gironde). "Selon l'académie, tout s'est bien passé", relate Jean-Pascal Méral, professeur de sciences économiques et sociales et secrétaire général du Snes Bordeaux, syndicat national des enseignements du second degré. Mais la réalité semble tout autre.
Les scanners sont incapables de numériser la couleur à haute vitesse et certains crayons de couleur, blanco et stylos effaçables ne passent pas non plus.
Jean-Pascal Méral, secrétaire général du Snes Bordeauxà franceinfo
Selon les remontées de lycées bordelais collectées par le syndicaliste, "en fonction du nombres de copies, il faudrait entre trois à six jours pour tout scanner."
Avant même son utilisation à grande échelle, le déploiement de cet outil coince sur le terrain. "Ce scanner a été imposé sans concertation sur la dématérialisation et sans formation", constate Claire Gueville, professeur d'histoire-géographie et secrétaire nationale du Snes, responsable du lycée. "Personne ne sait comment installer le logiciel qui nécessite une connexion sécurisée sur le réseau." Pour cette enseignante, le ministère occulte le fait que "certaines couleurs disparaissent à la numérisation." "Des tests sur des documents en couleurs ont été effectués, le scan est sorti en noir et blanc. Pour des cartes en histoire-géographie, c'est problématique, critique la syndicaliste. Ça illustre bien que personne au ministère n'est prêt."
Une inquiétude tenace
Pourtant, dans les couloirs des lycées, les recommandations du ministère concernant ce nouvel examen ont été affichées. Le point 2 de cette note concerne la numérisation des copies et rappelle aux lycéens qu'"il est important d'écrire à l'encre foncée, de ne pas utiliser de stylo à bille à encre effaçable et d'éviter le blanc correcteur."
Ces préconisations ne semblent pas rassurer certaines académies, qui ont pris les devants afin d'éviter toute déconvenue au moment des corrections de copies numérisées.
Nous avons eu des consignes de la part de l'inspection d'éviter les sujets à schémas ou avec des croquis.
Patrick*, professeur d'histoire-géographieà franceinfo
Car "si une partie de la copie est effacée parce que non scannée, comment le savoir ?", s'interroge Claire Gueville.
De son côté, le ministère de l'Education, afin de répondre aux craintes émanant du terrain, a récemment mis en ligne, sur le site Eduscol, un exemple de carte numérisée avec le scanner d'un établissement. Il souhaite ainsi rassurer professeurs et élèves sur le bon déroulement de l'épreuve d'histoire-géographie. "Comme l'ensemble de la copie, [la] carte sera numérisée en couleurs et corrigée", précise le site.
En attendant la numérisation des copies, les élèves se préparent à passer ce premier examen de contrôle continu et les professeurs à corriger leurs copies, avant de recommencer dans deux mois pour le second contrôle continu de l'année.
* Le prénom a été modifié
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